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L'Eglise de Chaux des Crotenay

 


Le Docteur René Chambelland, dans son ouvrage "L'église de la Chaux des Crotenay" de 1937, réalise une description très détaillée du bâtiment et des éléments décoratifs qu'il contient. On apprend pour quelle raison, un modeste village de montagne possède un édifice religieux de cette qualité, et on découvre à travers la visite de l'église, l'empreinte laissée à tout moment dans la décoration interne par la glorieuse famille de Poupet, anciens seigneurs de La Chaux dont le château ("la demeure la plus luxueuse du Haut-Jura") jouxtait l'église.

Les revenus du "desservant" qui célébrait le service religieux y sont détaillés. Voici quelques extraits de son livre.


Histoire
L'édifice
Les oeuvres d'art

Brèves notes d'Histoire

La Chaux des Crotenay est une des plus anciennes bourgades du Haut-Jura.

La date de sa fondation nous est inconnue; située à proximité de la route romaine de Salins, en Suisse (l'antique Route du Sel qui passait à l'actuel Pont de la Chaux), elle existait sans doute à l'époque gallo-romaine, peut-être seulement à l'état de granges ou de fermes; mais ce ne fut que quelques siècles plus tard que le village se constitua et prit une notable importance.

A la fin du IVe siècle de notre ère, Saint Romain fondait à Condat, où se dresse actuellement la ville de Saint-Claude, un monastère, qui assez rapidement prit un développement considérable.

L'Abbaye devint trop étroite pour abriter et nourrir le grand nombre de moines attirés par la sainteté du lieu; aussi les abbés successeurs de Saint Romain envoyaient-ils dans les environs de petites colonies de moines, qui de leurs mains et avec l'aide de leurs serviteurs défrichaient la forêt, y installaient des granges et des métairies, et y élevaient une chapelle pour le culte; des colons laïques s'y établissaient; c'est ainsi que prirent naissance un grand nombre de villages qui existent encore aujourd'hui.

Parmi les centres importants issus de Condat, il faut citer le village de Sirod, dont le Prieuré fut très tôt érigé en paroisse. Celle-ci comprenait tout le pays s'étendant de Sirod aux Hautes-Joux, notamment les Foncines et la Chaux des Crotenay, dont le nom était Protonacum ou Crotonacum.

A une date imprécise, mais antérieure au IXe siècle, la Chaux des Crotenay fut érigée en paroisse dite : vicariale, dépendant de celle de Sirod. Elle était d'une importance suffisante pour être mentionnée dans la Charte donnée le 21 septembre 852 par le roi Lothaire à l'Abbaye de Condat, charte qui énumérait les possessions du monastère. Ce titre est le premier, à notre connaissance, où Crotonacum est implicitement nommé.

Où se dressait la Chapelle en ces temps lointains ? nul ne le sait; ni texte, ni vestige, ni renseignements d'ordre toponymique ne nous l'apprend.

Dans les dernières années de XIIe siècle, un seigneur, allié par mariage à la puissante maison de Salins, Simon de Commercy, seigneur de Mont-Rivel (à Champagnole), avait fait construire un château fort, dit Château-Villain, au-dessus de Sirod (1186); quelques années plus tard, il fit élever une seconde forteresse à la Chaux des Crotenay.

tour eucharistique

Ce fut l'origine de la Seigneurie de La Chaux, qui dura jusqu'à la révolution.

Dans le même temps, le sire de La Chaux fit édifier la chapelle castrale au pied même de la butte qui portait son château, à l'emplacement de l'église actuelle. Ce fut pour le village l'église paroissiale. La paroisse de La Chaux était en possession temporelle de l'Abbaye de Saint-Claude, sous la direction spirituelle de l'Archevêque de Besançon et dans son diocèse. Elle comprenait les villages de La Chaux des Crotenay, d'Entre deux Monts, de Morillon, du Châtelet et de Mont-Liboz.

Le service religieux était célébré par un desservant dont voici le détail des revenus (archives du Jura de 1864) : 123 livres provenant d'une ferme du village; 19 livres de terres d'Entre deux Monts; 6 sous 8 deniers par paysan bêchant et semant sans charrue; en tout 200 livres environ.

Le casuel comprenait en outre : 3 pains dus annuellement par chaque feu; 9, 7 ou 5 livres se lon l'état de fortune, pour les trois messes célébrées lors du décès d'un autre membre de la famille; 6 sols 8 deniers pour les cierges allumés lors de l'office funèbre; 3 livres par mariage pour les publications et la messe (on y devait ajouter le repas); le Bon Denier dû à la Pâques par chaque communiant; 1 sol par feu pour la Passion dite à l'église; 6 sols 8 deniers pour la purification de chaque femme relevant de couches; enfin un fromage par fromagerie pour la bénédiction des terres.

Le presbytéral, payé en cire, constituait un revenu de 200 livres.

La famille de Commercy conserva la Seigneurie de La Chaux jusqu'au début du XIVe siècle et s'éteignit dans la Maison d'Arbon, qui dura jusqu'en 1430. Les droits en furent acquis par la glorieuse famille de Poupet, dont le nom passa les bornes de la Franche-Comté.

Deux de ses membres eurent leur heure de célébrité : Guillaume de Poupet, receveur des Finances du Duc de Bourgogne et Maître d'hôtel de Charles le Téméraire, et son fils Charles de Poupet, premier Sommelier à la Cour de France, puis confident et ambassadeur de Charles-Quint, tous deux seigneurs fort instruits, riches et amis des arts, qui firent du château de La Chaux, la demeure la plus luxueuse de tout le Haut-Jura. Aussi voulurent-ils une église à l'image de leur château.

Ce fut Guillaume de Poupet, selon toute vraisemblance, qui fit abattre la vieille chapelle castrale et la remplaça par l'édifice qui demeure aujourd'hui. Son fils Charles acheva l'oeuvre commencée et l'orna avec un goût parfait, aidé en cela par Jean III de Poupet, son fils et successeur.

Aussi retrouvons-nous encore à chaque pas dans l'église les armes des Poupet, (d'or au chevron de sable accompagné de trois perroquets de sinople, becqués et membrés de gueules), peintes, sculptées, dessinées sur les vitraux.

Nous ignorons les noms des architectes et des sculpteurs qui construisirent et ornèrent l'église; c'étaient en tout cas des élèves de cette éphémère École bourguignonne, filiale émancipée de l'École parisienne du XIVe siècle, et dont nous admirons les oeuvres délicates de Dijon et de Brou.

l'Édifice : Distribution architecturale. Ornementation

Quand on étudie la partie architecturale de l'édifice, on s'étonne à bon droit de ce qu'en ces temps lointains où Louis XI régnait sur la France, une construction d'un aussi beau dessin et d'une facture aussi élégante ait pu être conçue pour un obscur petit village de la montagne; mais il ne faut pas oublier que c'était là l'église de Sires de noble lignée avant d'être l'église d'une paroisse campagnarde.

Faite de solide maçonnerie, l'église était orientée selon l'ancienne règle : le grand axe étant ouest-est. Un croquis très simple, fait sur un plan au début du XVIIe siècle, représente l'édifice, vu du village : c'est un bâtiment trapu, dominé en son milieu par un clocher carré, coiffé d'une flèche pyramidale portant la croix : une seule fenêtre éclairait le bas côté, lequel était percé d'une porte en son centre.

L'église comprenait le choeur, une nef centrale et deux collatéraux ou nefs latérales, sans chapelles en absidioles ni transept. Le choeur et la première arcade des nefs nous sont conservés; le reste des nefs et le porche actuel datent du XVIIe siècle, lors d'un remaniement et d'un agrandissement de cette partie de l'édifice. Le choeur légèrement surélevé par rapport au reste de l'église, est recouvert par une haute voûte de style ogival, de la même hauteur que celle de la grande nef. Le fond est occupé par une abside, non pas semi-circulaire comme dans la basilique romane, mais formée de cinq pans : les trois pans centraux sont percés de trois hautes fenêtres à meneaux, dont les combinaisons couvrent la partie supérieure, ainsi qu'il est de règle au XVe siècle, de triangles et de quadrilatères curvilignes, formant une élégante dentelle de pierre; ce que les architectes anglais appellent une Tracery. Les vitraux sont modernes. Les fenêtres séparées par un faisceau de sveltes colonnettes; des angles jaillissent les nervures des voûtes dont l'envol convergeant apporte à l'ensemble une note d'élégante légèreté. Ainsi qu'il était d'usage dès le XIIe siècle, la clef de voûte est sculptée; elle porte le blason chevronnée des Poupet.

La nef principale, dont le plan est un parallélogramme allongé, est le noyau central sur lequel viennent s'appuyer les bas côtés par trois arcades; la première, ogivale basse, est du XVe siècle; les deux autres semi-circulaires, sont du XVIIe siècle. La voûte est de la même hauteur que celle du choeur et la continue.

Comme dans la basilique latine, les collatéraux se terminent brusquement à leur point de jonction par un mur transversal. Chacun d'eux reçoit le jour par une fenêtre géminée ornée de vitraux : celle du collatéral nord porte, symétriquement dessinées, les armes de Charles de Poupet (le chevron de sable des Poupet et les clefs d'argent des Clermont) sommées d'une couronne et entourées du collier de Chevalier d'Alcantara de Jean III de Poupet.

La clef de voûte du collatéral nord est de même sculptée aux armes des Poupet; celle du collatéral sud porte, elle aussi, des armes : parti dextre aux trois chevrons; parti senestre au bélier rampant; nous en ignorons la signification.

C'est dans le dallage de cette partie de la nef latérale que s'ouvrait la trappe du souterrain qui reliait le château à l'église. Dans le mur du collatéral sud, au-dessus de l'arcade transversale, est encastrée, dans un cadre mouluré, une dalle portant l'inscription suivante :

RICHART,ANEL. JAIDIS. CHASTELL.
DE LA CHAULX EN L'AN. MIL. IIIIc IIIIxx
ET. HUIT. FIT. AFF. CESTE CHAPPELLE
EN. LAQUELLE. ILLA. FUNDE. TOUS
LES. LUNDIS. UNE MESSE. POUR.
LES. TRESPASSES. DIEU. AIT. SON.
AME. AMEN.

Messire Richard Anel était châtelain de Charles de Poupet, c'est à dire gouverneur du château et intendant en l'absence du seigneur. L'inscription, datée de 1488, précise donc l'époque où fut aménagée l'église.

Une autre inscription, portant la date de 1475, comme nous le verrons plus tard, confirme la première.

Ainsi, caractères architecturaux, blasons et inscriptions tout concorde à fixer l'âge de l'église.

Deux cents ans plus tard, au cours de la deuxième moitié du XVIIe siècle, l'église fut remaniée et agrandie par les seigneurs de la Baume, héritiers et successeurs des Poupet en la Baronnie de La Chaux. De cette époque date la moitié ouest de l'église comprenant le porche d'entrée ainsi que les piliers carrés et les arcades semi-circulaires des nefs. De nouvelles fenêtres furent alors percées dans les nefs latérale; celles de la face ouest furent ornées des anciennes verrières de l'église du XVe siècle et portent encore les armoiries de Charles de Poupet-Clermont.

tabernacle

On sait qu'il était d'usage, avant la révolution, d'inhumer dans leurs églises les membres des familles nobles; les sires de La Chaux ont certainement obéi à cette règle, mais l'histoire ne nous apprend pas les noms de ceux qui reposent sous les dalles; certains furent inhumés dans d'autres localités : tel Charles de Poupet qui fut enseveli dans l'église collégiale de Poligny.

Nous n'avons de certitude que pour Dame Catherine de La Baume (dite Catherine de Bruges) qui mourut à Bruxelles et fut ramenée à La Chaux vers 1630; elle reposerait sous le maître-autel. Néanmoins un caveau seigneurial existait dans la vieille église; on voit en effet devant le maître-autel une large dalle gravée de quatre écussons : en haut le chevron des Poupet accosté à droite d'une banderole portant la date de 1539; à gauche, les clefs en sautoir des Clermont; à droite, la bande de La Baume; en bas, la croix ancrée d'Arbon. Cette pierre recouvrait certainement le caveau. Une dalle voisine porte l'épitaphe de J.B. Frémiot, qui acheta la baronnie aux héritiers de la famille de La Baume.

Extérieur : l'extérieur de l'église est simple; rien n'arrête le regard sur les grandes surfaces des toits et des murailles. On note quatre épais contreforts à ressauts (où à lamiers) accolés aux angles du chevet qu'ils soutiennent; l'un d'eux porte en son sommet un antique crucifix de pierre, haut de 70 centimètres, qui parai dater du XIIIe siècle et provient vraisemblablement de l'église primitive. De courts contreforts à ressauts épaulent également les murs des collatéraux.

Quant au clocher actuel, tour carrée massive portant un lourd dôme à quatre pans, il remplaça vers 1755, l'ancien clocher. Un maçon du village, Pierre Chagre, avait eu l'adjudication d'une partie des travaux.

 

Les Oeuvres d'art

L'église de La Chaux des Crotenay a été classée Monument historique par arrêté du Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-arts, en date du 12 octobre 1906. Sont classés : l'édifice et huit œuvres d'art parmi celles qu'il abrite.

Nous allons les étudier toutes successivement.

Tour eucharistique

tour eucharistique

L'église conserve à l'entrée du collatéral sud le tabernacle (ou tour eucharistique) en pierre, qui se dressait au centre de l'ancien maître-autel. Ce délicat morceau de sculpture, haut de 3 mètres, se compose du tabernacle proprement dit, coiffé d'un clocheton à étages. Quatre piliers carrés, reliés par des panneaux de bois doré forment le tabernacle; ils supportent sur chacune des faces une arcade ogivale en talon, flanquée de petits clochetons. Le tout est hérissé de crosses et de bourgeons, de tout ce luxe de foliations compliquées, qui, dans le style décoratif du XVe siècle, se développent dans les épanouissements latéraux des arcades et dans les fleurons qui les couronnent.

Le clocheton prend la forme d'un dais travaillé à jour que d'épaisses moulures découpent en trois étages, de plus en plus petits. Ici encore l'archivolte se surcharge d'une riche ornementation végétale : feuillages frisés et délicatement incisés, fleurons, de grosses feuilles sinuées et lobées, bourgeons hérissés et ajourés; un bouquet de huit grosses feuilles domine le tout, d'où jaillit un crucifix. A la base de la tour, un écusson porte, gravée, l'inscription suivante :

EN L'AN LX QUINZE
AVEC QUATORZE CENS
RICHARD ANNEL ME DONNA
EN L'ÉGLISE DE CEANS

Nous connaissons déjà ce Richard Anel qui, en 1488, dota l'église d'une chapelle.

Les statues

Au temps de Guillaume et de Charles de Poupet, la cour ducale de Dijon, par le luxe qui s'y déployait et les fêtes magnifiques qui s'y donnaient, avait attiré de nombreux artistes. Pour reprendre le mot de Jean de Jaudin, "il y avait de très subtils faiseurs d'images de toutes sortes, soit en peinture, soit en sculpture" . Ces artistes dijonnais se séparèrent de l'école de Bourgogne, école éphémère qui disparut complètement avec Charles le Téméraire, et qui nous a donné avec Claus Sluter, Juan de la Huerta et Conrad Meyt, les trésors de Dijon et de Brou.

L'art du sculpteur se révèle dans les poses et les physionomies souvent exagérées des figures, dans le jeu de plus en plus tourmenté des draperies, dans la représentation du moindre détail, dans le modelé de la chair, "art plus vigoureux, parfois brutal, avec une tendance aux attitudes outrées, qui, à l'époque suivante, alors que le foyer de Dijon n'existera plus, seront parmi les caractères de l'école flamande".

ces caractères se retrouvent dans les statues de l'église de La Chaux; toutes sont frappantes en ce qu'elles atteignent au naturalisme aigu.

Saint-Paul (en pierre, hauteur : 0,75m classée). Il se dresse devant la fenêtre géminée du collatéral nord. De taille petite, trapue, ramassée, vêtu d'un lourd manteau plissé, portant une longue barbe aux ondulations stylisées, le Saint tient une épée de la main droite, et dans la main gauche, un long parchemin qui se déroule.

Saint Christophe (0,95m classée). Statue en noyer doré placée dans le chœur, à gauche du maître-autel. Le Saint traverse l'eau qui cache ses chevilles; il porte, debout sur ses épaules, l'enfant Jésus, à la figure poupine, tenant le globe dans la main gauche. Saint-Christophe a la tête couverte d'un turban; sa physionomie est sereine; sa longue barbe est très finement fouillée par le ciseau. Sa main droite s'appuie sur le bâton de pèlerin; de la gauche, aux tendons saillants, l relève un pan de sa longue tunique, aux plis démesurément tourmentés, qui baigne dans l'eau.

Saint André (0,90m classée). Statue en noyer doré placée à droite de l'autel. Il est debout; le bras droit posé sur la croix qui porte son nom; il porte de longs cheveux coupés franchement autour du front; une barbe très ciselée tombe en tresses parallèles. Les traits du visage sont fort délicatement traités. Il est vêtu d'une robe damassée, à manches étroites, sur laquelle il a jeté un manteau retenu sur la poitrine par deux boutons. Robe et manteau sont exagérément plissés, mais le dessin ravit le regard.

Ces deux statues, dignes d'admiration, proviennent très certainement du même artisan, élève de l'école bourguignonne du XVe siècle. Le dessin en est net, précis et souple; les visages sont finement modelés, et les mains, délicatement ciselées. Il s'en dégage une expression attirante de force et de vie. Les vêtements sont présentés avec un souci d'élégance, mais avec une grâce maniérée et un peu outrée des draperies.

Pieta

Sainte Marguerite : Bois polychromé, 1,35m, placée dans le collatéral sud (classée). C'est la représentation parfaite d'une dame noble du XVe siècle, et très vraisemblablement de la famille de Poupet. Cette oeuvre est postérieure aux précédentes; on y remarque une grâce plus aisée, plus libre, un moindre souci des détails, avec toutefois la même recherche dans le dessin des draperies. Sur le visage fin, quoiqu'un peu empâté, un sourire narquois se joue. Coiffée du tortil de baronne, les cheveux tombant en longues mèches roulées, la noble dame porte une robe à corselet très ajustée et à manches collantes, à jupe ample qu'elle relève de la main gauche; un manteau ouvert est jeté sur ses épaules; un pan retombe avec élégance sur son bras droit. La sainte pose le pied, comme le veut la "légende dorée" sur un horrible dragon, qui se tord, la gueule béante. La statue est juchée sur un socle de bois orné d'un écu peint aux armes des Poupet.

Pieta : groupe en bois polychromé, haut de 0,90m dans le collatéral sud (non classée). La vierge, au visage douloureux, porte sur ses genoux le corps du Christ et lui soutient la tête. Robe et manteau sont fortement plissés; le bouillonnement du linge sur la poitrine est fort bien travaillé. Cette œuvre d'un bon style n'atteint pas cependant la valeur de la précédente.

Vierge et enfant : marbre blanc; 0,95m, dans le collatéral nord (classée). Cette œuvre est incontestablement la plus belle que possède l'église. La vierge porte l'enfant sur les bras et le presse contre elle de ses deux mains, un peu grasses, fortement dessinées; elle penche vers lui son visage d'un bel ovale potelé, qu'encadrent de grosses boucles. Une robe et un manteau ouvert tombent à grands plis simples qui s'écrasent sur le sol. L'enfant est nu, couvert partiellement d'un lange dont une pointe s'échappe; détail amusant; il porte à sa bouche un doigt de la main gauche, tandis que la droite joue avec son pied. La statue était jadis peinte; il reste des traces d'or sur la robe et les cheveux, et de la couleur verte sur le socle. On peut la dater du début du XVIe siècle.

L'évêque

Vierge et enfant : bois polychromé; 1,20m dans le collatéral sud (classée). L'oeuvre du XVIe siècle, n'est remarquable que par le mouvement des mains et le jeu des draperies; l'enfant Jésus, d'ailleurs mutilé, a une tête de poupée sans grâce.

Une autre Vierge portant l'enfant bois peint, 1m dans le collatéral sud) n'est pas classée, non plus que deux statues voisines d'Évêques qui datent de la fin du XVIe siècle (0,80m). L'une d'elle cependant, placée à droite de l'autel, mérite qu'on l'étudie : debout, mitré, l'évêque est vêtu d'une longue robe et d'un ample manteau à gros plis travaillés. Le visage est terne et la chute de la lèvre inférieure lui donne un air boudeur. La main gauche supporte un missel; la droite relève un pan de manteau.

 

Une dernière statue est à signaler : celle de Saint Antoine bois polychromé, 0,80m non classée); elle porte la date de 1538. Elle est d'une facture plus simple, plus enfantine même que les œuvres du XVe siècle étudiées précédemment; c'est le travail d'un "imagier" de petite envergure, peu expert dans l'art de ciseler un visage ou de draper une robe. Le Saint, vêtu d'une robe monacale et portant la capuce, un gros chapelet de bois pendu à la ceinture, est debout dans les flammes. Le visage est attristé par une longe moustache tombante; détail pittoresque : son compagnon, le cochon, se frotte contre sa jambe, pas plus gros qu'un chat.

Poutre de gloire

c'est une œuvre très originale, qui n'existe dans aucune autre église (classée).

Poutre de gloire

En haut des deux premiers piliers carrés de la grande nef, s'accolent deux poutres de chêne sculpté formant une arcade à talon, c'est à dire une composition de quatre arcs dont les deux supérieurs sont à contre-courbure, et les inférieurs à courbure ordinaire; des touffes de feuilles d'acanthe y sont semées; de part et d'autre du sommet, deux anges soutiennent un piédestal ouvragé qui porte un crucifix dressé entre la Vierge et Saint Jean. L'oeuvre classée date du début du XVIIe siècle.

batisphère

Autel du collatéral sud

Il porte la date de 1733 et est remarquable par le grand panneau de cuir repoussé et peint, qui couvre sa face antérieure, et qui représente des fleurs et des feuillages stylisés, dessinant un ensemble charmant du plus pur XVIIIe siècle (non classée).

Peintures

L'église possède un certain nombre de tableaux dont la plupart datent des XVIIe et XVIIIe siècles; ils ne présentent cependant aucun intérêt; nombre d'entre eux ont été traités de façon enfantine par des peintres locaux fort peu experts en leur art. Il est une œuvre toutefois qui mérite une étude particulière : c'est un panneau de bois conservé par Mr GUERILLOT (haut 1,10m, large 0,40m), c'est le volet gauche d'un triptyque, dont les deux autres parties ont disparu, et qui provient de l'église. Il représente Charles de Poupet agenouillé devant une table recouverte de velours cramoisi, les mains placées sur un Livre d'Heures. Il est couvert de son armure d'acier noirci et d'une cotte de mailles, sur lesquelles il a jeté une casaque à ses armes, en étoffe dorée et frangée. Tête nue, les cheveux coupés sur le front, il montre un visage assez jeune et énergique. A sa gauche, on devine son écu et son casque pendus à un arbre. Le peintre anonyme a représenté Saint Christophe, derrière lui, penché sur son épaule, debout dans l'eau, la main gauche appuyée sur un long bâton de pèlerin. Ses cheveux et sa barbe bouclée sont bien peignés; il porte une longue robe et un léger manteau drapé. L'enfant Jésus est debout sur ses épaules, auréolé d'une gloire et portant une longue croix. L'oeuvre est d'un beau dessin; ses caractères le font dater de la fin du XVe siècle;

elle nous est d'autant plus précieuse que c'est la seule représentation qui existe d'un Sire de La Chaux.

La Vierge du Rachet

Notre-Dame du Rachet

Pour être complet, et bien quelle ne se trouve pas dans l'église, nous devons mentionner une petite Piéta de pierre, nichée dans le roc, sur le chemin d'Entre deux monts, contre le mont Rachet (0,40m), le groupe est d'une assez belle venue; une inscription gravée dans le pierre date de 1678. Très certainement les riches fondateurs de l'église de La Chaux l'avaient ornée d'oeuvres d'art, en peinture, en sculpture et en orfèvrerie, autres que celles que nous avons étudiées. Au cours des périodes troubles que vécut la Franche-Comté, pendant les horreurs de la Guerre de Dix ans qui mit aux prises des montagnards et les soldats du Roi de France, pendant la Terreur surtout, nombre d'entre elles ont disparu dans le pillage et la destruction. Mais celles qui demeurent suscitent notre admiration pour les humbles artistes anonymes, qui, il y a cinq siècles, les ont conçues et exécutées, dans l'envol de leur foi pour leur art et pour leur religion.

 

 

 

 


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