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TAICLET Joseph, hommicidé

 


Il n’y a pas que Vercingétorix qui a laissé son nom à Cornu. La Chaux des Crotenay à baptisé l’un de ses points touristiques "Belvédère à Taiclet" et ce point se trouve, comme l’ex-Alésia, à Cornu.
Qui était donc ce Taiclet qui mérite cet honneur?

Jean-Pierre FUMEY qui cumule les archives du village, le connaît bien. Il possède à son sujet, un dossier important, trop important pour trouver place ici. En voici quelques extraits :



Cela se passe le 22 avril 1860; il y a de la neige. Le brigadier de la gendarmerie des Planches est parti en surveillance de chasse et de pêche avec le gendarme Taiclet.

Arrivés à la montagne ronde, ils entendent une détonation et la voix d’un chien en chasse. Ils se dirigent vers la pointe de l’orme où ils remarquent sur la neige, des traces de chiens poursuivant un lièvre. Puis une double détonation attire leur attention vers un individu qui, à environ 1800 mètres, recharge son arme. Ils se séparent pour pouvoir le cerner.

Quinze minutes plus tard le brigadier ne peut plus ni voir ni entendre Taiclet. Guidé par les traces laissées sur la neige, il le retrouve assez vite. Le malheureux gît sur le sol, face sur la neige. Il venait de recevoir le coup de la mort par le braconnier.

Le maire de la Chaux des Crotenay, le juge des Planches, son greffier et le garde forestier viennent faire les constatations d’usage sous les yeux de multiples curieux. Ils relèvent les traces et mesurent les empreintes des chaussures, la longueur des pas, ramassent des fragments d’une bourre d’arme à feu provenant de pages déchirées de l’almanach du Messager boiteux de Strasbourg ...

Pendant ce temps le brigadier part à la recherche de l’assassin. Il interroge deux témoins, deux dames de Cornu : Marie Louise, femme de Théodule Genisset et Petetin Jeanne Françoise, qui ont vu et qui décrivent avec précision les deux chiens et l’homme recherchés.

Ainsi muni, le brigadier trouve sans peine au Vaudioux, les chiens puis le coupable. C’est MIGNOT Pierre Justin, âgé de 37 ans. Il le conduit devant le procureur impérial d’Arbois qui s’est rendu aux Planches puis sur les lieux du crime.

Le 24 avril on enterre le gendarme Joseph TAICLET.

Les gendarmes BROGAT et BOILLOT rendent compte à 19 heures et demi du soir :

"Ayant confié la garde de notre chambre de sûreté à deux sapeurs pompiers de la Chaux des Crotenay pendant l’enterrement du malheureux Taiclet, auquel nous avons assisté, et qui a eu lieu vers sept heures du soir, le prévenu Mignot désigné au procès-verbal N° 33 comme auteur du meurtre, y était renfermé.

Il a profité de ce moment pour tenter de s’évader, vu que la foule qui accompagnait le cercueil faisait un certain bruit en passant devant la porte de la dite chambre de sécurité à laquelle il a arraché le gond du bas, l’a déposé sur le plancher, a ensuite arraché celui du milieu a moitié, laissant entrevoir une ouverture de dix centimètres de large entre la porte et le jambage, ce qui, sans notre attention aurait infailliblement fait tomber la porte et procuré son évasion.

Aux observations que nous lui avons faites, il a répondu y être étranger, que bien d’autres y avaient été avant lui".

Le juge d’instruction ayant demandé un complément d’enquête sur les antécédents de Mignot le 11 mai, JACQUES Célestin, le brigadier et BOILLOT Louis gendarme interrogent deux autres témoins. Le premier, JOLIET Constant, boucher à Foncine le Bas déclare :

"Il y a 20 mois environ, jour de la fête patronale du Vaudioux, j’étais venu au village vers les 9 ou 10 heures au soir avec Jacquot, Longchamp et Roux ..., les trois forgerons demeurant alors à Syam et en l’auberge de Jean le Sire, lorsque les deux commis sont sortis pendant que je faisais brûler un litre d’eau de vie.

Un instant après leur sortie, on est venu me dire ... voilà Longchamp qui a des raisons. Il va peut-être se battre; à quoi j’ai répondu : je suis occupé à faire brûler un litre d’eau de vie. Tant pis s’ils se battent, je ne sors pas.

Ce n’est qu’un peu après que je suis sorti de la dite auberge, puis m’en allais quand j’ai trouvé Mignot, qui en me reconnaissant m’a embrassé en m’invitant d’entrer chez lui où nous avons bu un verre de vin les deux. Là il m’a dit : je viens d’avoir des raisons et me battre avec tes camarades qui se sont sauvés et sur lesquels j’ai tiré deux coups de fusil, en me montrant son arme qui effectivement était déchargée. Mais il ne m’a pas dit qui avait commencé la querelle".

Le second, Longchamp Auguste des forges de Syam dit :

"J'’étais à la fête patronale du Vaudioux lorsqu'une querelle eut lieu sans que j’en sois témoin, entre Monsieur Mignot ... maréchal, et des individus que je ne connais pas.

Quand MM. Jacquot et Roux se trouvaient avec moi vers le domicile de Mr. Mignot qui crut sans doute que nous étions les mêmes individus avec lesquels il avait eu des difficultés, sans aucune provocation de notre part, Mignot s’élança sur Jacquot, le terrassant et lui déchirant sa blouse; après plusieurs insultes et coups, nous nous retournons pour faire lâcher prise à Mignot, non sans le frapper, car il nous fut force tellement il était colère, puis nous nous éloignâmes de lui, nous dirigeant vers notre domicile, quand tout à coup nous entendîmes un froissement de l’herbe, un individu qui nous poursuivait au pas de course et lâchant deux coups de fusil sans nous atteindre; la nuit était assez obscure en ce moment et je ne puis dire si c’est Mignot qui a fait feu, mais je le présume".

Le 1er juin, le procureur impérial près le tribunal d’Arbois "requiert qu’il plaise à Monsieur le juge d’instruction déclarer ledit inculpé suffisamment prévenu d’avoir le 22 avril 1860, vers les 11 heures du matin, dans la forêt à la Chaux des Crotenay, lieu dit à la Grande Anse, volontairement homicidé le gendarme Taiclet ... et de le renvoyer, en état de mandat de dépôt par devant la chambre des mises en accusation séant à Besançon ... ".

Le 25 juin, la cour d’assise du Jura condamne MIGNOT Pierre Justin. Le dossier de Jean-Pierre ne dit pas à quoi. Mais en annexe on trouve son acte de décès :

Le médecin des pauvres de Georgetown (Caroline du sud) déclare :

"Je soussigné, médecin résidant et exerçant dans la ville de Georgetown, déclare par les présentes qu’un français nommé Pierre Justin Mignot a subi sous ma direction un traitement pendant plusieurs mois antérieurs à sa mort, agissant à cette époque en ma qualité officielle de médecin des pauvres de la ville de Georgetown (Caroline du Sud). Il est décédé d’une phtisie pulmonaire, compliquée d’une affection hépatique le 22 janvier 1876. Il a été enterré aux frais de la ville ...

Signé Hasfood Walker M.D."

Joseph TAICLET était né le 17 août 1814 à Champagney (Haute-Saône). Il s’était marié à Marie Victorine GUY d’AMONT le 5 octobre 1841 à Saint-Laurent en Grandvaux où il était gendarme.

Son acte de décès précise qu’il est mort "dans la forêt derrière Cornu au tournant de la Grande Anse".

Le dossier de Jean-Pierre , comporte :


. le procès verbal initial des gendarmes des Planches : 22 et 23 avril
. le P.V. constatant la tentative d’évasion : 24 avril
. le P.V. du juge d’instruction d’Arbois : 5 mai
. le P.V complémentaire de la gendarmerie : 11 mai
. la réquisition du Procureur impérial : 1er juin
. l ’acte d’accusation de Procureur Général de la Cour Impériale de Besançon et les minutes du greffe : 7 juin
. le C.R de l’audience : 23 juin
. la liste des 12 jurés
. la liste des 16 témoins
. les actes de naissance et de décès de Pierre Justin MIGNOT.
. les actes de naissance, mariage et déçès de Joseph TAICLET


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