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André Depierre, prêtre ouvrier


La "Voix du Jura" nous annonce le 22 décembre 2011 le décès d’ André Depierre, "un prêtre à peu près inconnu dans le Jura". Fin juillet puis début août 1995 ce journal lui a déjà consacré un long interview titré "François Mauriac m’a fait l’honneur de m’appeler son ami", qui en dit long sur cette vie surprenante.
Mais qui sait que c’est au Lac des Rouges Truites que ce tout jeune prêtre a eu la vocation de devenir le prêtre des plus pauvres ?

Vadans

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Né en 1920 à Vadans, il entre en 1931 au petit séminaire de Vaux. En 1937 il est en Philo. A la distribution des prix, il se situe dans les premiers avec : Alix Vuitton, Fernand Guyon, Etienne Bannelier, Fernand Coste, Lucien Souchère ... Puis c’est le grand séminaire à Montciel.

Il est ordonné le 20 juin 1943. Dix jours après il est convoqué pour le Service du travail obligatoire en Allemagne. Il refuse de partir et loyalement il en informe son évêque. Celui-ci le retient quatre heures, lui reprochant, parfois avec colère, de violer l’obéissance qu’il doit. Il devient clandestin et se cache chez un confrère, l’abbé Houser, curé de Saint-Laurent du Jura. Puis il rejoint un maquis qu’anime un prêtre. En août au cours d’une réunion à la cure du Lac des Rouges Truites, il rencontre l’abbé Henri Godin (né en 1906 à Audeux dans le Doubs), aumônier fédéral de la JOC à Paris qui cherche des prêtres pour fonder la future "Mission de Paris". C’est une équipe de prêtres et de laïcs, libérés de toutes tâches paroissiales et insérés en pleine pâte ouvrière.

Messe sur une barricade célébrée à Montreuil par André Depierre, août 1944

L’ abbé Godin l’emmène avec lui et le charge de l’aumônerie générale des jocistes de Paris-Nord, la plus nombreuse et la plus pauvre. Le 17 janvier 1944 l’abbé Godin meurt. André Depierre le remplace. Afin de rester disponible pour le service des prêtres, il choisit un métier qui lui laisse une bonne partie de la journée. Avec d’autres, il ramasse dans les poubelles, avant le passage des éboueurs, ce qui garde quelque valeur. En 1949 il prend un vrai métier. Il est manoeuvre puis compagnon. En 1954 les insuffisances spirituelles et théologiques, la fatigue, l’usure, puis les pressions politiques et financières, les dénonciations affluent. L’idée de prêtre-ouvrier ne passe pas à Rome.

Le Vatican ordonne aux évêques de les rappeler tous. Certains décident de se rendre à Rome pour faire appel de cette interdiction. Ils y iront tous les ans. En mai 1954 c’est Monseigneur Flusin évêque de Saint-Claude qui le conduit lui-même en voiture. En février 1960 le pape Jean XXIII le reçoit en audience privée. Le 23 octobre 1965 l’épiscopat français accepte la création de nouvelles équipes de prêtres-ouvriers. En 1967 il en est secrétaire puis il reprend le travail en usine. En 1974 il est en retraite. Il se retire à Vadans où il fête son jubilé d’or. Puis il finit ses jours à Montciel.

Peut-être est-ce à lui que pensait le D.R.H. d’une grosse entreprise parisienne spécialisée dans le transport et l'énergie, lorsque lisant un tract de la CGT, il disait "C’est le style de leur prêtre mais ils ont rajouté les fautes d’orthographe".

Il était heureux d’être appelé mon ami par François Mauriac, bourgeois et anti-communiste habitant dans le XVI ème arrondissement. Lui a un logement misérable à Montreuil, dans la banlieue communiste. C'est là qu'il entend dire "les prêtres ouvriers sont des prêtres qui ont transformé l'eau bénite en sueur de leur front". Il fréquentait certaines sommités du parti communiste comme Jacques Duclos qui lui montrait les Oeuvres de Saint-Augustin qu’il avait dans sa bibliothèque, en lui disant "si l’église avait appliqué le programme de l’Évangile le Parti n’existerait pas". Il ne portait ni soutane ni col romain, pas même de croix. Il était militant syndicaliste et anticolonialiste.

Comme le dit la Voix du Jura "sa vie fut l’Évangile en actes, un Évangile sans frontières, sans limite de race, de culture ou de classe sociale".


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