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Le Commandant Foucaud

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Le 26 avril 1944 le commandant Foucaud était abattu par les allemands à Saint Georges. Sa fille, madame Michèle MIREBEAU qui a eu connaissance du chapitre consacré sur ce site, à la mort de son père, a bien voulu envoyer une copie de l'allocution prononcée par le général Le Henry à l'occasion de l'inauguration de la rue du Commandant Foucaud à Lons le Saunier le 8 mai 1982, ainsi que plusieurs journaux de l'époque qu'elle a pieusement conservés. Avec son autorisation et au moment où on va célébrer l'anniversaire de sa mort, je suis heureux de pouvoir rappeler, grâce à elle, qui était le commandant Foucaud et dans quelles conditions il est mort.


LES OBSEQUES DU COMMANDANT FOUCAUD CHEF DES F.F.I. DU JURA

à Lons le Saunier, le 7 octobre 1944, avant son transfert au caveau familial en Charente

(extrait de la Libre Comté du 11 octobre 1944)

 

Sa mort

le 25 avril 44, le commandant Foucaud rentre très fatigué d'un voyage à Lyon et reprend aussitôt ses nombreux rendez-vous clandestins, derrière les buissons de la vieille chapelle de Saint-Georges : tous sont heureux de retrouver leur chef. Le PC de la résistance doit aller s'installer le jour même à Châtillon; mais le commandant, fatigué, décide d'attendre au lendemain.

Le 26, il quitte, vers dix heures, sa petite chambre de Saint-Georges et se rend dans la propriété de M. Vandelle, proche du hameau. Après une conversation de quelques instants avec ses hôtes, à laquelle assiste le commandant Le Henry, ce dernier se retire tandis que M. Vandelle s'absente. C'est à ce moment là qu'un détachement allemand, composé de Waffen SS et de gestapo où figurent également quelques "bons" français, cerne le château et l'attaque de toute parts. Le propriétaire, arrivant à bicyclette, essuie de nombreux coups de feu mais parvient à s'échapper. Le commandant Foucaud se sauve à travers champs, des waffen lui tirent quelques rafales. Il accuse un coup mais repart. Arrivé aux lisières de Beynes, au moment de franchir une haie, il est mortellement atteint. Les allemands fouillent le cadavre, s'emparent de ses papiers, de son alliance, d'autres objets personnels, et reviennent arrêter Madame Vandelle, dont on a jamais eu depuis aucune nouvelle. Ils n'oublient évidemment pas de piller la propriété. Le corps du commandant est mis en bière, par ses compagnons, et transporté à Trenal. Le lendemain, les allemands apprennent seulement, par la rumeur publique, qu'il s'agit du commandant Foucaud, chef des F.F.I du Jura. Ils interdisent alors toute cérémonie : seuls quelques hommes assistent aux obsèques. Les vandales interdisent également les fleurs et le commandant est enterré comme inconnu. Mais souvent, dans la nuit, silencieusement, ses amis, traqués, descendent de leurs maquis et pieusement viennent se recueillir sur la tombe.

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La cérémonie

Le terroir jurassien libéré, le petit village témoin de l'ignoble assassinat, et la cité natale de Rouget de Lisle viennent de rendre un suprême hommage à ce pionnier de la Résistance militaire.

Vendredi 4, à 7 heures, exhumation du corps au cimetière de Trenal; un peloton de F.F.I rend les honneurs : quelques militaires, officiers et sous-officiers, ceux qui ont suivi le disparu depuis le début de la Résistance, sont là, et ne quitteront le corps qu'au cimetière de Lons. Après une bénédiction, le cercueil est transporté à la chapelle de Saint-Georges où il restera exposé jusqu'au début de l'après-midi. A 14 heures, après l'absoute donnée par le curé de Chilly, en présence de la famille, des amis et des braves paysans de la région, le corps du défunt est transféré à Lons le Saunier où il sera exposé sous le hall du marché couvert, à l'emplacement même où furent rendus les suprêmes honneurs aux victimes de la barbarie nazie du 25 août dernier. Tout au long du parcours, depuis la chapelle villageoise, le cercueil, placé sur un camion F.F.I et recouvert d'un grand drapeau tricolore, avait été veillé par un piquet d'honneur, fusil entre les jambes. Une fois à Lons, le corps devant être exposé jusqu'au lendemain à 9 heures 30, sera gardé par six soldats F.F.I, ces petits "maquisards" que le défunt était si fier de commander. A la nuit, 4 hommes seulement monteront la garde, immobiles auprès de leur chef qu'ils aimaient. Ce sont les vieux résistants du début qui ont revendiqué l'honneur de passer ainsi cette veillée funèbre : anciens prisonniers militaires qui participèrent avec le commandant à l'organisation de cette résistance militaire, hommes des groupes francs, bref tous ceux qui menèrent de concert la lutte sournoise du début, rescapés de cette croisade, alors que nombre d'entre eux sont encore internés à Weimar ou tombés traîtreusement sous les coups de la horde nazie. La population lédonienne, dès l'ouverture des portes, viendra en foule rendre hommage au disparu, avant la cérémonie officielle prévue à 9 heures 30. Un détachement F.F.I rend les honneurs, accompagnés d'une délégation casquée des anciens des chars dont le commandant Foucaud était le vice-président. Le cortège, dans lequel on remarque le représentant du C.D.L.J, M. le Préfet du Jura accompagné de son secrétaire général, le lieutenant-colonel Louis, le commandant Le Henry, le commandant Levrat, M. le maire de la ville et ses adjoints, les représentants des corps constitués et tous les officiers de l'état-major F.F.I, passe entre une haie d'honneur de jeunes F.F.I, figés dans un garde-à-vous impeccable. La cérémonie religieuse se déroule à l'église des Cordeliers et le long convoit parvient au cimetière.

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Suivent les allocutions de M. Mermet, du commandant Le Henry, du colonel Aymé ancien commandant du 19ème régiment de chars et ami de la famille puis du lieutenant-colonel Vandelle chef des F.F.I. du Jura.

les lieutenants Moureau (Totor) , Valeur (Val), Weber (Hassan) et Bercq (ancien du régiment de chars), autour du cercueil.

ARTICLE DU COMMANDANT LE HENRY PARU DANS LE "MAQUIS COMTOIS" DU 15 AVRIL 1945

"26 avril 1944 ! Jour de deuil pour la Résistance du Jura. Notre chef si courageux et tant aimé tombe sous les balles allemandes. Le commandant Foucaud fut pour moi plus qu'un chef; il fut aussi l'Ancien, l'Ami, qui eut la plus heureuse influence sur ma formation de soldat. C'est pourquoi je mêlerai mes souvenirs personnels à l'hommage officiel que je tiens à lui rendre en cet anniversaire de sa mort.

C'est en 1930 et en 1931 que le sergent Le Henry est l'adjoint du lieutenant Foucaud au peloton des élèves sous-officiers du 502 ème R.C.C à Angoulême. Heureuse période ! Sous l'impulsion du lieutenant, la section est manœuvrière, disciplinée, sportive, animée par le plus bel esprit de camaraderie. Comme moi-même, ancien enfant de troupe, il s'attache à m'inculquer les plus belles vertus militaire. Plus tard sa compétence technique et tactique lui vaut de commander comme lieutenant la 1ère compagnie du 507ème R.C.C, à Metz, sous les ordres du colonel de Gaulle. C'est lui qui expérimente et commande la première compagnie de chars modernes D.2. Il prend les galons de capitaine dans un temps record. En 1939-1940, il commande une compagnie de chars, puis devient l'adjoint de son chef de bataillon. Sa brillante conduite en mai et en juin 1940 lui vaut plusieurs citations au cours des durs combats de la Somme. Quelques mois plus tard, il reçoit la Légion d'Honneur.

Un jour de l'été 1942, je vois arriver au 151ème R.I , à Lons le Saunier, le jeune commandant Foucaud. De suite, il remplit les fonctions de Chef d'Etat-Major du régiment. Ceux qui l'ont alors connu se souviennent de son doigté et de son tact exquis dans ces délicates fonctions. Le 28 novembre 1942, l'armée de l'Armistice, qui conservait dans son ensemble le ferme espoir de préparer l'arrivée des troupes alliées, est dissoute. Les sentinelles allemandes gardent notre caserne. Le commandant Foucaud me fait appeler et me dit : "Je compte sur toi pour m'aider à organiser les unités de chars dans notre région. Tu commanderas une compagnie. Les français doivent résister à l'oppression allemande". Et dès lors, c'est l'histoire de notre Résistance qui commence. Au printemps 1943, le commandant Foucaud est nommé chef de la Résistance du Jura. Sa ténacité est bien connue de tous ceux qui l'approchent à cette époque. Secondé par une poignée d'ardents patriotes, civils ou militaires, tels que le capitaine Simonin, les lieutenants Moureau et Poly, il améliore l'organisation de l'armée secrète canton par canton, il parcourt le département du Jura. Son affabilité et sa fermeté conquièrent tous les cœurs des résistants. Des hommes qui, hier n'étaient pas des chefs, se mettent spontanément à sa disposition et se montrent de véritables conducteurs d'hommes. Il actionne inlassablement ses groupes francs. Il est le cerveau de la Résistance du Jura. Partout, le commandant Foucaud est le chef estimé et aimé.

Tous les résistants lui sont d'un dévouement à toute épreuve. Vraiment il a conquis les cœurs jurassiens. Son courage extraordinaire deviendra légendaire. Poursuivi par la Gestapo, il reste à son poste. Il circule dans le département et se maintient à Lons le Saunier jusqu'au printemps 1944. Là, il peut vraiment commander et voir chaque semaine ses chefs de secteur. Mais un jour il doit quitter Lons, car il est plus que jamais traqué par la gestapo et la milice. Il doit à son calme admirable d'échapper à plusieurs embuscades. Son PC s'installe aux environs immédiats du chef-lieu de département. En avril 1944, les allemands mettent sa tête à prix. Bientôt ils sont sur sa trace.

Le 26 avril, je descend du maquis d'Orgelet, accompagné de mon agent de liaison, l'adjudant Gauthier, afin de contacter le PC. Au château de M. Vandelle, j'ai la joie de trouver le commandant Foucaud qui rentre de mission. Cette habitation étant trop surveillée, nous décidons d'un commun accord que nous déjeunerons dans une petite propriété voisine. Mon agent de liaison rejoint sa famille. Je l'accompagne quelques pas, puis je pénètre dans la maison où nous devons nous réunir. A peine y suis-je rentré qu'une colonne de camions bourrés d'allemands s'arrête juste devant ma porte, sur la route qui me sépare du château où se trouve le commandant. Une porte à double issue me permet de leur échapper et je gagne la campagne. Des coups de feu crépitent de tous côtés. M. Vandelle qui rentre chez lui, essuie plusieurs rafales. Deux heures plus tard, la colonne allemande s'éloigne emmenant la courageuse Mme Vandelle. De braves paysans m'apprennent que le commandant Foucaud a été tué et que son corps vient d'être retrouvé. Grande fut ma peine. Les membres de l'armée secrète qui combattirent à ses côtés pendant les dures heures de la clandestinité ont ressenti douloureusement cette perte cruelle. Il est mort héroïquement à son poste de combat donnant le plus bel exemple du devoir. Les jurassiens, et tous ceux qui ont eut l'honneur de servir sous ses ordres dans la Résistance du Jura, se souviendront de ce chef prestigieux qui aimait tant sa patrie et dont le visage reflétait la plus grande bonté ".

photo prêtée par madame Mirebeau. Elle a été prise le 2 juillet 1937 lors de la fête du 507ème RCC dans la cour de la caserne de Metz. Le colonel de Gaule - debout - préside la finale du challenge du régiment (un match de basket). Assis à table, devant lui, le commandant Foucaud.

ALLOCUTION PRONONCEE PAR LE GENERAL LE HENRY A L'OCCASION DE L'INAUGURATION DE LA RUE DU COMMANDANT FOUCAUD A LONS LE SAUNIER LE 8 mai 1982.

Monsieur le Préfet, Monsieur le Maire, Madame, mes Amis de la Résistance,

Le 26 avril 1944, le Commandant Foucaud, chef de l'Armée Secrète du département du Jura, tombait sous les balles allemandes.

Je viens aujourd'hui apporter mon témoignage sur sa personnalité, sa carrière militaire, ce que je connais de son rôle dans la Résistance et les circonstances de sa mort, évocation en présence de sa fille madame Mirebeau-Foucaud.

Présent lors de sa fin tragique, nos chemins s’étaient croisés depuis ma jeunesse, pendant la guerre 1939-1940, au 151ème Régiment d’Infanterie à Lons le Saunier puis dans la Résistance.

Le Commandant Foucaud avait succédé à Marcel Berger comme chef de l'Armée Secrète, arrêté en février 1943 après une rafle générale et qui mourut en déportation.

Didier Charbonnet était alors le chef responsable de la région, R1 de la Résistance, à Lyon. Plus tard, arrêté par les allemands, il sera fusillé.

Il ne m'appartient pas de faire l'historique de la Résistance dans le département. Cependant, je tiens à rendre hommage aux pionniers des organisations ou réseaux qui, à partir de 1941 et par la suite s'engagèrent résolument dans cette voie face à un ennemi acharné et surtout à certains de nos concitoyens que l'occupant avait fanatisés, au service de l'hitlérisme, en particulier la milice qui nous fit tant de mal.

La Résistance se manifesta ici par :

- dès 1941, les réseaux de la France combattante ;

- les mouvements unis de la Résistance (MUR), en novembre 1942, après le retour de Jean Moulin, compagnon du Général Delestraint que je connaissais, formés par la fusion de trois mouvements : combat, libération et franc-tireur ;

- la section Atterrissages parachutages (S.A.C.)

- le Groupe important de Saint Amour qui agissait en liaison avec les réseaux du Colonel Buckmeister, Intelligence Service, (IS) groupe qui rejoignit ultérieurement l'Armée secrète ;

- les francs tireurs partisans (FTP) ;

- quelques officiers et sous-officiers du 151ème Régiment d'Infanterie, la plupart venus après la dissolution de l'Armée de l'Armistice et appartenant à l'organisation de la résistance de l'armée (ORA) dont le chef était le général Frère, qui disparut au Struthof. L'ORA s'intégra très vite à l'Armée secrète.

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Le Commandant René Foucaud , Officier de carrière, était né à Salles de Barbezieux (Charente) le 2 février 1903. Il perdit son père à la guerre 1914-1918.

Le Henry

Ancien enfant de troupes, comme moi-même, mais de 7 ans mon aîné, nous avions reçu la même éducation militaire depuis l'âge de 13 ans, puis à l'école d'Officiers de Saint Maixant et à l'Ecole d'Application des Chars de combat à Versailles.

C'est dans cette arme nouvelle qu'à 20 ans, sergent au 502ème régiment de chars à Angoulême, mon chef de section était le Lieutenant Foucaud.

Passionné de cette arme, grand sportif, rugbyman, il représente le type accompli de l'officier dynamique qui entraîne ses hommes par l'exemple. Il a une heureuse influence sur ma formation.

Promu capitaine, il est affecté au 507ème régiment de chars de combat, à Metz, sous les ordres du Colonel de Gaulle qui le remarque pour ses belles qualités de manœuvrier et lui accorde son amitié, ce qui aura une influence déterminante sur sa carrière. Il expérimente alors la première unité de chars moyens D2.

Pendant la campagne 1939-1940, nous nous rencontrons aux avant-postes de la Vème Armée, en Lorraine, lui à la tête de sa compagnie alors que je commande une compagnie de chars légers R35. Puis nous combattons à la IVème Division Cuirassée du Colonel de Gaulle. Sa brillante conduite au feu lui vaut d'être nommé Chevalier de la Légion d'Honneur à titre exceptionnel lors des combats sur la Somme.

Un jour de l'été 1941, jeune capitaine, je vois arriver le Commandant Foucaud au 151ème régiment d'Infanterie à Lons où il assume les fonctions de chef d'Etat-Major, tâche qu'il exerce avec beaucoup de doigté. Le Colonel commandant ce régiment vient d'être relevé de son commandement, des jeunes soldats ayant hué un officier allemand d'une commission d'armistice (1).

Décidément, nous étions destinés à nous retrouver. Le 28 novembre 1942, à la dissolution de l'Armée de l'Armistice, il me fait appeler et me dit : "tu vois ce qui se passe ? tu as compris ? Puis-je compter sur toi dans la Résistance ?". Je lui réponds "Mon Commandant, je me mets à votre entière disposition pour tout ce que vous me commanderez contre les allemands". Par devoir, mais davantage par instinct, car comme le Commandant Foucaud, je n'avais jamais cessé d'espérer reprendre la lutte. Défendre son pays envahi, n'est-ce pas comme si l'on défendait sa mère ?

Chars Renault D2, 507 RCC, Metz

Devenu Chef de l'Armée Secrète, le Commandant Foucaud poursuit et améliore l'infrastructure existante, crée de nouveaux secteurs avec chaque fois que possible un chef civil et un chef militaire, ordonne suivant les directives de Londres et de Lyon, les sabotages sur la voie ferrée Besançon-Lyon par où passe un important trafic allemand, répond aux arrestations et aux représailles, participe à la protection de l'évasion de plusieurs hautes personnalités de la Résistance notamment sur le modeste terrain d'aviation de Courlaoux où des hommes du secteur de Bletterans assurent cette mission.

Il se tient fréquemment en liaison avec ses chefs de canton ou de groupes francs qui vivent dans un danger permanent avec le Comité de Libération départemental composé de personnalités civiles, car pour lui la meilleure façon de diriger, c'est le contact direct. Il ordonne quelques coups de main contre le dispositif allemand et organise le Renseignement. Il prend ainsi bien des risques en parcourant le département. Son courage est légendaire. Poursuivi par la Gestapo, il reste à son poste. Sa tête est mise à prix. Quatre fois il échappe à l'ennemi, la dernière fois au carrefour de l'Etoile où je passe peu après.

Calme, direct, réaliste, il inspire confiance aux responsables civils. Il est un chef estimé et aimé.

Je deviens l'un de ses adjoints. Mais il ne peut me confier tous les aspects de son activité car en cas d'arrestation, nous sommes parfaitement conscients de la torture qui nous attend à la Gestapo. Les missions sont donc assez cloisonnées et ne précisent que l'indispensable.

L'ennemi qui sent la victoire lui échapper dans l'est comme en Italie et même dans le monde, durcit son action pendant l'année 1943.

Tout au long de l'hiver, les résistants sont pourchassés avec acharnement, arrêtés, torturés, déportés.

La Maison du Prisonnier, filière pour les évadés et le Renseignement est perquisitionné. Des camarades sont déportés.

Un détachement de l'armée d'occupation, toujours bien renseigné, attaque le groupe de Maquisards de Lamoura qui est contraint de passer en Suisse, non sans pertes.

Un grave problème préoccupe notre Chef. Il s'agit de ces jeunes réfractaires au Service du Travail Obligatoire en Allemagne, originaires du Jura ou d'autres régions de France, qui viennent vers nous. Malheureusement nous n'avons pas encore assez d'armement. Après un entretien entre le Commandant Foucaud et Mr Lachaussée, Conservateur des Eaux et Forêts où je travaille, entretien auquel j'assiste, il est convenu que ces réfractaires seront dispersés dans la forêt de Montrond par petits groupes, encadrés de sous-officiers du 151ème Régiment d'Infanterie avec quelques armes d'isntruction en vue de se préparer au combat.

Hélas, ces chantiers seront transférés à Mont-sous-Vaudrey où le 28 février 1944, miliciens en tête, ils seront attaqués et nombre d'entre eux déportés pendant que d'autres pourront s'échapper. Mais le groupe installé dans le secteur d'Orgelet sera pris le 13 mars au Pont de la Pyle, à Coyron. Le brave sergent Paul Sorgues sera fusillé avec dix camarades.

507 RCC, Metz

Le 28 février au soir, plusieurs résistants de Lons sont arrêtés dont le conservateur, et incarcérés à la caserne Bouffèze. Ce jour-là, j'échappe avec ma famille, à la Gestapo qui occupe quelques jours mon appartement rue de la Comédie. Par miracle, un agent de liaison de Dôle s'en échappera malgré des coups de feu.

Suivant les ordres reçus, notre action s'intensifie : destruction de 17 locomotives, déraillement de trains transportant des troupes, coupures de voies ferrées, incendies de dépôts de matériel, actions contre la Gestapo.

Le 6 mars 1944, un groupe livre combat à Villevieux à des éléments de la Gestapo et de la Feldgendarmerie qui ont plusieurs tués.

Notre groupe de ravitaillement est attaqué à Alièze. N'ayant plus de munitions, six hommes sont rassemblés avec quatre résistants, torturés et fusillés, arrosés d'essence et brûlés.

Le 7 avril 1944, l'état de siège est proclamé dans le Haut Jura. Les allemands mettent à feu et à sang la région de Saint Claude : 5 arrestations, déportations, fermes brûlées. Le commandant Valin, officier de carrière, se constitue prisonnier pour éviter les représailles. Il est fusillé avec le capitaine Keller, chef de secteur de Saint Claude.

A la suite de ces événements, le Commandant Foucaud adresse un violent appel à Londres, faisant suite à de nombreuses demandes réclamant de l'armement.

Le 25 avril, deux agents de la Gestapo sont abattus à Saint Didier par un groupe franc commandé par le jeune Guérin qui est blessé. Transporté à l'hôpital de Lons et soigné par le Docteur Michel, chirurgien de l'hôpital, tous deux seront exécutés dans le bois de Pannessières.

Voilà sommairement exposée l'ambiance dans laquelle nous avons vécu à cette époque, offrant à notre pays non seulement notre vie, mais aussi risquant celles de nos familles pour le salut de la Patrie.

Je ne puis aujourd'hui citer d'autres faits aussi tragiques mais comment pourrais-je oublier les victimes civiles et les maquisards de Prémanon, Nance, Rosay, Villard Saint Sauveur, Thoira, La Versanne.

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Le 26 avril, vers 10 heures, je rentre d'une liaison à Orgelet avec l'adjudant Gauthier. Nous nous rendons immédiatement au P.C. provisoire de l'Armée Secrète, à Saint Georges, commune de Trenal, chez le commandant Vandelle …. Dans ce P.C. bien réduit où nous ne trouvons que madame Vandelle. Son mari doit rentrer d'un moment à l'autre. Inquiète et ayant l'intuition que nous sommes surveillés, elle me prie de me rendre dans une petite maison que sa famille possède, située à 4 ou 500 mètres de l'autre côté de la route Gevingey-Trenal, en face de chez elle, où nous déjeunerons avec le Commandant Foucaud.

A mi-chemin, je le rencontre et lui fais part des inquiétudes de madame Vandelle. Il me répond qu'il va juste donner un ordre à son chef d'Etat-Major et revient de suite.

A peine suis-je assis devant une fenêtre que j'entends le bruit de moteurs de motocyclettes et de camions, et aperçois un détachement de Waffen SS qui débarque à quelques mètres devant moi, en vociférant et en tirant vers la demeure des Vandelle. Celui-ci arrive à ce moment là d'un autre côté et est accueilli par une rafale de mitraillette.

Surpris, le Commandant Foucaud essaie de gagner les couverts avoisinants, mais souffrant d'une sciatique, il ne peut franchir une haie de fil de fer et il est tué d'une rafale de fusil-mitrailleur. Madame Vandelle, une ardente patriote, d'un courage admirable, est arrêtée et déportée à Ravensbruck d'où elle reviendra épuisée. Des flammes et de la fumée s'élèvent au-dessus de sa maison.

Me trouvant isolé par le détachement de Waffen SS, je ne puis que gagner la campagne, sans difficulté d'ailleurs, car les quelques habitations de Saint Georges n'avaient pas été fouillées, les allemands ne se gardant même pas sur leurs arrières, fait qui me parut bien troublant …

Le corps du Commandant Foucaud fut inhumé par deux courageux habitants de Beyne, Messieurs Baron et Thiellet, au cimetière de Trenal, non sans menaces de la Gestapo car celle-ci venait de s'apercevoir qu'ils avaient tué le Chef de l'Armée Secrète du Jura !

Sa mort jeta la consternation dans nos rangs.

Le 7 octobre 1944, le département et la ville de Lons le Saunier, lui firent d'émouvantes obsèques en l'église des Cordeliers, au milieu d'une population recueillie.

Il fut inhumé définitivement dans son pays natal en Charente, et depuis 1946, une des rues principales de Barbezieux, porte son nom.

Il n'eut même pas le temps d'apprendre qu'il avait été promu Lieutenant-Colonel. Pour nous, il est le Commandant Foucaud !

Nos chemins, hélas !, ne se rencontreraient plus et j'en ressenti une grande peine.

Tous ceux qui l'ont connu, se souviendront de ce chef prestigieux, d'un abord si simple, dont les grandes qualités militaires et humaines, inspiraient l'admiration, le dévouement et l'attachement.

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La Résistance continua. Le commandant Vandelle, désigné par la Région R1, le remplaça.

Le Jura devait encore subir de rudes épreuves. Les Forces Françaises de l'Intérieur (F.F.I.) furent organisées. L'appel du 6 juin 1944, renforça considérablement nos rangs. Les nombreux maquis furent mieux armés. De jeunes chefs se révélèrent et remplacèrent les cadres qui nous faisaient défaut.

Au souvenir du Commandant Foucaud, j'associe celui de tous les résistants qui donnèrent leur vie pour notre combat, des camarades fusillés, des déportés, ceux qui ne sont pas revenus ou qui sont décédés par la suite, aux victimes civiles de la barbarie nazie.

Les pionniers dont je vous avais parlé tout à l'heure, nous avaient montré le chemin de l'honneur qui nous rendrait notre indépendance, nos libertés, notre fierté d'être Français et le sens d'une plus grande justice sociale.

Et c'est ainsi que, poursuivant leur mission jusqu'à la victoire finale, l'élite de notre jeunesse s'engagea dans deux bataillons F.F.I. dont l'un renforcé d'une compagnie de Lyonnais, ainsi que dans quelques autres unités. Elle porta nos couleurs jusqu'à Vienne et Berlin, aidant de son mieux nos alliés et notre admirable armée d'Afrique qui s'était déjà couverte de gloire.

Le Commandant Foucaud aurait été fier des Jurassiens.

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En ce jour anniversaire de la Victoire du 8 mai 1945, je vous exprime, Monsieur le Maire, ainsi qu'à votre Conseil Municipal, toute ma reconnaissance pour avoir décidé qu'une rue de Lons le Saunier porterait le nom du Commandant Foucaud, à la demande de ses compagnons de l'ombre venus de tous les horizons afin que notre pays recouvre sa liberté.

Je regrette que madame Foucaud n'ait pu être présente parmi nous pour raison de santé.

Je vous demande, Madame, de bien vouloir croire avec elle que votre Père, le Commandant Foucaud, est toujours présent dans nos cœurs.

Le Général André LE HENRY

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1) La commission d'armistice allemande avait choisi le 14 juillet pour venir faire une inspection. Le 13 juillet il y avait déjà eu un incident; en arrivant à Lons, cette commission avait dépassé, lentement, une compagnie qui rentrait de manœuvre. Les soldats avaient entonné, comme souvent "Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine …". Le 14 à midi, volontairement ou par mégarde, les officiers allemands passant par le bâtiment B de la caserne Michel, avaient ouvert la porte du réfectoire de la compagnie Rorhust qui comptait beaucoup d'alsaciens. C'était l'heure du repas amélioré. C'est là que la commission a été huée. Le colonel Gaucher a été remplacé par le colonel Vangenhuchten.


Madame Mirebeau a gardé des souvenirs précis de Lons le Saunier et des proches de son père. Elle se souvient très bien de Marcel Raymond (dit Cambouis) garagiste à Courlans qui a conduit la voiture qui ramenait son père au caveau familial en Charente. Elle se souvient surtout du lieutenant Weber (Hassan) dont elle écrit: "grâce à lui, ma mère et moi, nous avons échappé à une arrestation". A sa lettre émouvante, elle joint la copie d'une lettre adressée à sa mère en février 1945 par cet officier. En voici cinq lignes :

"Croyez madame, j'ai toujours devant mes yeux, mon commandant, le 26 avril 11h15 à Saint Georges, quand j'ai demandé en pleurant au commandant de ne pas rester ici et quand il m'a répondu, alors Charles, toi aussi tu as peur maintenant comme mon vieux soldat et fidèle compagnon. C'est toi qui viendras chercher mes affaires et je quitterai le PC ici…. Pour moi il reste toujours mon idéal.. Il n'était pas un supérieur pour moi, pour nous, il était un camarade".

Le général Simonin, lui aussi ancien enfant de troupe, relate également ces évènements dans son livre "Enfant de la Patrie".

Le 25 avril après-midi, l'adjudant Bercq lui apporte un message du commandant Foucaud. Il est convoqué le 26 avril à 16 heures chez monsieur Vandelle au château de Saint-Georges. Il part le matin, et déjeune chez son correspondant de secteur à La Levancher. Vers 15 heures, au moment il allait partir, sa femme lui apporte un papier qu'il avait oublié et qu'il devait donner au commandant Foucaud. Elle a vu de la fumée dans la direction de Trénal et le lui fait remarquer. Il part cependant. Il croise un groupe qui lui dit "les allemands ont mis le feu au château et un homme est tué. On pense que c'est monsieur Vandelle". Il revient chez son correspondant et apprend deux heures plus tard ce qui s'est passé. Il écrit :

"En 1943, devenu chef départemental A.S du Jura, le commandant Foucaud fit engager comme interprètes l'aspirant Schneider, ancien chef de section à la 8ème Compagnie du 151ème RI, à la Gestapo, et l'adjudant chef Weber, ancien chef de section, à la 4ème Compagnie du 15-1, à la feldkommandantur. Il fallait être courageux et gonflé pour accepter une telle mission. Weber était un allemand qui avait une brillante carrière à la Légion étrangère et s'était fait naturaliser français. A plusieurs reprises, il a pu prévenir le commandant Foucaud d'opérations préparées contre les résistants et les maquis et ainsi sauver bien des français. Le 25 avril, il aurait rencontré son chef et lui aurait dit : Mon commandant, partez, partez !.

Vandelle

Le commandant Foucaud avait décidé d'attendre le 27 avril pour quitter le château de Saint-Georges puisqu'il avait prévu une réunion de chefs militaires à 16 heures, le 26. Il avait pris Monsieur Vandelle comme chef d'état major de l'A.S. Jura et depuis quelques jours il avait son PC chez ce dernier. C'était un choix particulièrement judicieux. Monsieur Vandelle, ancien polytechnicien, compositeur de musique, était capitaine de réserve d'artillerie et en mai-juin 1940, à la tête d'une batterie de 75 hippomobiles, il s'était bien battu ; utilisant ses 75 comme canons anti-chars, il avait détruit plusieurs chars allemands. C'était un homme de 46 ans d'une grande intelligence et d'un grand bon sens, expérimenté, soucieux des problèmes humains qui se posaient continuellement aux responsables de la Résistance. En fin de matinée, ce 26 avril, arrive au château de Saint-Georges le capitaine Le Henry rentrant de mission avec l'adjudant Gauthier, agent de liaison . madame Vandelle est anxieuse ; elle a l'intuition que le château est surveillé et menacé ; aussi elle demande à Le Henry d'aller dans une petite maison de l'autre côté de la route où ils déjeuneront quand son mari sera rentré de la fromagerie où il est allé chercher du lait et quand le commandant Foucaud, qui a une sciatique et se promène dans le parc, sera prêt à les rejoindre. Le Henry s'installe dans la maison, ouvre la fenêtre donnant sur la route, et commenceà lire. A ce moment, un convoi allemand arrive, stoppe devant la maison et les feldgraus sautent des camions et partent en courant pour encercler le château et son parc en négligeant la maison. Inutile de dire que Le Henry n'a pas attendu pour s'enfuir par derrière. Le commandant Foucaud, apercevant les allemands, part au plus vite qu'il peut à l'opposé et arrive devant la haie de barbelés entourant le parc. Comme il est assez corpulent, il ne saute pas par-dessus la barrière comme l'aurait fait dans ce cas-là un jeune officier sportif. Il cherche à passer entre les fils barbelés, s'accroche, perd du temps. Un allemand ajuste cette cible facile à 100 mètres, et son coup de fusil fait mouche/ Le commandant Foucaud est tué sur le coup. Les allemands laissent le cadavre sur place, persuadés qu'il s'agit de Monsieur Vandelle. Monsieur Vandelle qui rentrait de la fromagerie se fait tirer dessus mais il réussit à s'échapper sans être touché. Les allemands fouillent rapidement le château et y mettent le feu. Ils emmènent Madame Vandelle qui sera déportée à Ravensbrück et qui aura, au dire de ses compagnes de déportation, une attitude particulièrement digne et courageuse. Elle rentrera en 1945 ".

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Les époux Vandelle reposent au cimetière de Frébuans à quelques pas du monument du commandant Foucaud.

Au sujet du général Le Henri, voici une petite anecdote relevée sur un vieux cahier de mon père concernant l'année 1943 :

"4 mars, conseil de révision à la gendarmerie de Beaufort. Je suis apte au travail obligatoire en Allemagne.

Avril, le capitaine Le Henri et Chevassus viennent me voir. (pour me mettre à la disposition de Mr. Vandelle). Je suis au bois. Paulette vient me chercher. Je rentre sur son vélo; elle revient à pied. Le voisin lui dit alors 'Attention ! c'est le chef de la milice de Lons qui est chez vous ... '."


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