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La Panesiere


Une nouvelle fois, Charles Thevenin nous emmène à Morillon sur des sentiers que nos grands-parents Vionnet ont bien connus. En effet, la grange de Panesière était leur voisine, pour eux qui marchaient à pied, et, pourrait-on dire, la soeur de celle du Cernois. Et puis, le ruisseau appelé aussi la Panesière, au sortir de la Combe du même nom, se cache au bord du pré de la ferme avant de rejoindre la Lemme au Pont de la Chaux.

Le lit de ce ruisselet si minuscule a nécessité, lorsqu'on a voulu faire passer par ici le chemin de fer, la construction d'un viaduc haut perché sur six piles. A chacune des extrémités de ce viaduc, la ligne devait traverser un chemin. On y avait installé deux barrières avec gardienne (le mari était cheminot), maisonnettes, lampes et outils, destinés à alerter les conducteurs en cas de danger. La barrière du sud était à la Culotte; celle du nord sous Saint-Claude. On y accédait par des sentiers caillouteux et pentus. Les seuls voisins étaient les Vionnet du Cernois. Les derniers loups connus dans ce secteur ont été chassés par les travaux de la ligne de chemin de fer ("Le haut Jura oublié").

Des amitiés s'étaient nouées, et même un peu plus puisqu'un fils Vionnet avait épousé une demoiselle Lovisa rencontrée à la Culotte. Depuis, les maisonnettes ont disparu; la route blanche est devenue la RN 5 et le Cernois s'appelle Morillon. Mais la voie ferrée, la ferme, les rochers, la Panesière et quelques Vionnet sont toujours là. C'est donc avec plaisir que je reproduis ici trois articles parus dans le Progrès du 3 avril 2005 concernant la Combe de Panesière et ses environs



La Combe de Panesière est une porte d'entrée du Pays des Lacs, à ce titre, la Combe de Panesière s'efface humblement derrière les écrins qu'elle annonce. Ce rôle, pourtant, ne l'empêcha pas de se forger une histoire.

On la perçoit comme un trait d'union, le plus court chemin pour gagner depuis la Nationale 5, le Pays des Lacs. Ça pourrait être un lambeau de goudron banal, inclus dans le fond d'un vallon sans relief remarquable. Un couvert résineux homogène participe à cette uniformisation. Pourtant à l'évidence, une partie de cette population ligneuse est juvénile. Il n'y a pas si longtemps, la Combe de Panesière offrait un tout autre visage.

Frontière des terres monastiques

Il ne reste qu'un pan de ce passé pastoral. A mi-distance entre Pont de la Chaux et le lac du Maclus, on trouve sur la droite de la route, une bâtisse en pierre. Elle est descendante directe de la Grange de Panesière qui, jadis, commandait ces pâturages. La ferme primitive fut détruite par un incendie avant la dernière guerre. On lui trouva un successeur, mais, considérant l'assise initiale, à "ras" la route et à l'aval de celle-ci, on lui fit traverser la chaussée et grimper quelque peu le coteau "au soleil". Panesière, ou Panessière c'est aussi le nom du ruisseau qui draine la combe. Doit on lui trouver la même étymologie qu'au village homonyme bâtit sur la cuvette lédonienne ? Le "panicium" nom originel du millet, graminée cultivée par les premiers cultivateurs, en est il responsable ?

La région des lacs commence avec le Petit Maclus. En y pénétrant, on changeait de pays. Maintenant on quitte la commune de Chatelneuf et le canton de Champagnole. Cette"frontière" entre les terres monastiques de Balerne sous tutelle administrative des Chalon et celles, dépendantes de la Chartreuse de Bonlieu ou des seigneurs de l'Aigle, fut signifiée par quelques ponctuations amiablement installées. A quelques mètres à l'ouest des pâtures de Panesière, on voit encore un énorme bloc rocheux, désigné par "le Petit Saint-Claude". On y grava les armes des seigneurie respectives. Ces incrustations n'ont pas résisté aux effets permissifs du temps. Toutefois les limites communales et cantonales s'y accrochent encore. Le "rouge" a simplement remplacé les éléments héraldiques.

Un barrage à toute les sauces

La Combe de Panesière n'est somme toute, qu'un modeste chaîneau au faible pendage. Elle était par conséquent facile à domestiquer. Un barrage, érigé à peu de distance de Pont de la Chaux, aurait pu contenir une vaste nappe d'eau. Seulement, pour donner à celle-ci des dimensions utiles et respectables, il fallait franchir cette "frontière" marquée, entre autres bornes, par le Petit Saint-Claude. Cette réalisation fut pourtant menée à terme communément par les deux entités médiévales de tutelle.

Il existe un "traité" par lequel la baronnie de la Chaux et la seigneurie de l'Aigle se partagent les frais, les devoirs, mais aussi les futurs profits à tirer du nouvel étang de Panesière. Une muraille, composée de blocs de type cyclopéen, fut plantée dans le lit majeur du ruisseau. L'étang, en tant que réserve vivrière, ne survécu pas aux édits révolutionnaires qui prohibaient ces réserves d'eaux saumâtres, foyers géniteurs, selon eux, d'une foule d'infections endémiques. Toutefois une certaine quantité d'eau stagnante demeura longtemps encore derrière l'ouvrage ébréché, au moins jusqu'à l'enrésinement du "fond" de l'étang, dans l'immédiat après guerre. Car la digue, quasi indestructible, est toujours là.

Elle est même devenue l'objet d'une vaste polémique. Les tenants de la thèse Alésia - Chaux des Crotenay croient déceler dans ce minutieux assemblage, un ouvrage majeur, garantissant sur le flanc ouest, le dispositif romain. Le faciès du bâti et surtout le contrat primitif, démentent catégoriquement cette théorie. D'ailleurs quelques voix s'élèvent pour confirmer cette ancienne vocation. On pourrait bien revoir de l'eau derrière le vieux barrage.

Aux ifs et aux marmottes

C'est le Mont des Ifs qui étaye le versant occidental de la combe. La falaise qui domine Panesière offre à l'arbre calcicole un bastion remarquable. On l'a accusé de malédictions diverses. Son feuillage persistant et toxique, est en effet capable d'empoisonner un cheval. Les ifs, maintenus ainsi dans des endroits inaccessibles au bétail domestique, sont devenus une essence relativement rare.

Au nord du Mont, la falaise cache une grotte singulière, la Cave à la Vieille ou, plus simplement, la caverne du Monts des Ifs. Dans son "plancher", on trouva au siècle dernier, des os de marmottes fossilisés. Symbole des alpages de hautes montagne, le rongeur d'altitude fut longuement locataire des rochers jurassiens. On en a retrouvé les restes dans les fissures karstiques, datant de 30000 ans, d'autres encore vers 13000 avant J-C, alors que les conditions climatiques s'amélioraient. Il y en avait encore au temps des Magdaléniens pendant "l'âge du renne". Leurs fourrures étaient alors prisées, autant que celle de l'ours, du lynx ou du renard polaire.

Le pilier nord du viaduc est le point de rencontre de trois cantons : Les Planches, Clairvaux et Saint-Laurent, et de quatre villages dont Entre deux Monts et Chaux des Crotenay. Il n'en fut pas toujours ainsi ...

On lit en effet sur un registre de délibérations de 1951 de la Chaux des Crotenay :

"Depuis un temps immémorial et sans qu'il soit possible d'en retrouver trace dans les archives communales, la commune alloue l'affouage aux habitants de la ferme de Morillon située sur la commune d'Entre deux Monts. Par contre, cette commune attribue l'affouage de la maisonnette garde-barrière de la RN 5 située sur la commune de la Chaux des Crotenay. Devant cet état de fait inexplicable, les deux communes, d'un commun accord, décident de supprimer cette coutume et de n'attribuer l'affouage qu'à leurs habitants."

En fait, l'anomalie avait déjà été constatée en 1907, lorsque nos Vionnet sont arrivés au Cernois. Joseph avait dû intenter un procès à la Chaux des Crotenay qui lui refusait l'affouage, et il avait gagné. Sur une décision de 1912 concernant un employé du P.L.M qui occupait la maisonnette du Pont de la Chaux, on peut lire :

"Après la nouvelle délimitation que les communes d'Entre deux Monts et de la Chaux des Crotenay ont faite entre elles, les dites communes ont conservé leurs droits de propriété et de pâturage sans innovation sur leurs anciens territoires."

Rien n'était donc changé à la répartition de l'affouage, ni à l'aide sociale dont l'assiette était la même.

Voilà peut-être l'origine de l'anomalie réparée en 1951. Et cette anomalie avait conduit le maire d'Entre deux Monts, à rejeter une demande d'assistance médicale formulée par la famille Vionnet, dont un membre était handicapé.


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