Foncine électrifié |
C’est dans les années 1920 que l’électricité arrive dans les communes du canton des Planches. Gaétan Collin est l’un des premiers à proposer ce système qui va changer totalement la vie de nos villages. A Foncine le bas, c’est Albert VUILLET, le père , qui avec ses fils Fernand et Maurice, s'occupe de ce projet. La roue à aubes de sa scierie est abandonnée. Albert Vuillet installe deux turbines. L’une remplacera la roue à aubes, l’autre produira l’électricité. En même temps il plante des poteaux, tend des fils et, dans chaque quartier, en haut d’un poteau, pose un fusible. Pour surveiller cet ensemble, il faut, à demeure, un gardien compétent et de confiance. Il construit donc un bâtiment à usage de bureau et de logement. Mais cette construction détruit le chemin pentu qui conduisait à la roue à aubes et aux turbines. On devra donc utiliser des échelles pour aller surveiller et dépanner ces outils. L’eau d’abord. Il y a, certes, les crues, mais on y est habitué. Il y a aussi les périodes de sécheresse; mais l'usine du haut, devenue lunetterie Cottet, est là avec sa réserve, pour palier à ce problème. Reste les feuilles mortes et tous les débris que la Saine peut amener jusque là pour faire barrage ... La grille placée au bout du canal d’arrivée; juste en haut de la cascade, retient tout jusqu'à ce que l’eau ne passe plus. Il faut la libérer régulièrement et ce n'est pas simple, avec le râteau à long manche qu'il faut manier tout en étant penché dangereusement au dessus du muret qui domine la chute. Après le temps des feuilles mortes, c'est l' hiver et la glace qui emprisonne la grille et qu’il faut casser, ou décoller, toujours en étant suspendu en équilibre précaire. Ce travail est une responsabilité doublée d'une corvée. Pierrot qui l'a fait lorsqu'il avait dix ou douze ans s'en souvient. Quant aux turbines : Celle qui actionne les châssis est surveillée facilement par les scieurs, dont le travail en dépend. Elle ne fonctionne pas la nuit. Mais pour l'autre, toute neuve mais toute simple et sans aucun automatisme, elle est l'objet de toutes les attentions. Il faut non seulement la "ménager", mais aussi accorder sa puissance aux besoins des clients en fonction des heures. Presque tous les habitants travaillent quand il fait jour et dorment la nuit. Il faut donc, chaque soir, à l’heure où les fonciniers sont censés être au lit, descendre vers l’arrivée d’eau pour fermer une vanne et le matin, au lever du soleil descendre à nouveau pour la réouvrir. Or l'accès à la turbine, huit à dix mètres au dessous des châssis et du chantier, se fait par un enchaînement de trois ou quatre échelles successives, dans une faible lumière (une ou deux lampes de 25 bougies), et au milieu de sciure et de poussière. En hiver, le froid vient s'ajouter à tout cela. Quand André Guy est sur un chantier ou dans le Mont-Noir, c'est sa femme Cécile, qui le remplace dans ce rôle difficile. Après tout cela il reste encore à surveiller les courroies. Longues de cinq à huit mètres et larges de dix à quinze centimètres, elles entraînent les poulies et ont aussi leurs caprices. Lorsqu'elles sautent, c’est à dire quand elles se séparent de la poulie, il faut à nouveau descendre, saisir et manoeuvrer une perche longue de quatre mètres et terminée en U, et replacer la courroie sur son axe. Ce n'est pas encore une tâche facile, car les poulies ne s’arrêtent pas toutes de tourner durant cette manoeuvre.
Cette électricité, moderne, était à la mode de son temps. Le moindre coup de foudre, un coup de vent, un usager maladroit, et les plombs sautaient. On envoyait alors un gamin du village chez André Guy, qui arrivait, aussi vite que possible avec des fusibles de rechange, sa grosse ceinture qui l’attachait au poteau et ses griffes qu’il fixait à ses chaussures. Ainsi équipé, il grimpait, jusqu’en haut du poteau et réparait la panne. Bien entendu cela se passait toujours sous la pluie. Un jour d’orage, André était au sommet d'un poteau qui se trouvait en face de la ferme de François Blondeau. Ce poteau, dont la base avait sans doute été trop caressée par les voitures et les camions, se brisa et s’inclina dangereusement vers la Sainette, simplement retenu dans sa chute par les fils électriques qu’il portait. André, attaché au poteau par sa ceinture restait suspendu à quelques mètres au dessus de l’eau. Joseph Liboz qui l’observait depuis un moment, eut bien de la peine à le tirer de cette dangereuse posture. Après cela, ce fut Pierrot qui grimpa à sa place ... |