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La Cheverie

la Cheverie, novembre 2002

Extrait de "A la découverte de Foncine le Haut" de Andrée Lecoultre


Dans la presqu'île de la Cheverie sur la rive droite de la Saine, on trouve un bloc de rocher tout à fait isolé, il est brut et posé debout comme les peulvans. Sa hauteur est telle qu'on n'y atteint pas, sans le secours d'une échelle, son sommet où l'on trouve un trou pratiqué de main d'homme. Tout d'abord, on pouvait considérer cette pierre comme un accident naturel, mais lorsqu'on a recueilli toutes les données qui se rattachent dans nos parages au culte druidique, leur concours significatif et puissant donne de suite à penser que cette pierre se rattache au culte des Celtes, tout nous porte à croire que c'est un de ces monuments gaulois, connus sous le nom de menhir peulvan, pierre fiche, pierre levée, pierre debout.

Grossier monolithe obélisque brut, le menhir appelée encore quelquefois haute borne, s'élève à une hauteur assez considérable variant de un jusqu'à seize ou dix-sept mètres. Il est planté verticalement en terre et souvent par une disposition assez bizarre, l'extrémité la plus volumineuse en haut.

Dans son état, la pierre de la Cheverie ressemble assez à un peulvan, toutefois le trou pratiqué à main d'homme à son sommet est une particularité. Elle peut s'expliquer de deux manières, ce menhir aurait pu être surmonté d'une autre pierre, tournant sur un pivot, et représenter ce qu'on appelle une "pierre branlante" ou "pierre croulante". On a toujours considéré ces blocs singuliers comme des pierres probatoires dont on faisait usage dans le culte druidique pour prouver la culpabilité des accusés. On était convaincu du crime imputé lorsqu'on ne pouvait faire mouvoir la pierre branlante. Cette explication se lierait au nom de la Cheverie qu'on a dit signifier le lieu des assises judiciaires. L'autre explication, tout en reconnaissant là un monument druidique, admettrait que l'excavation taillée au sommet, indiquerait que depuis l'adoption du christianisme, on y aurait fixé une croix par opposition au culte païen. Ainsi, on aurait substitué à la Cheverie, la distribution d'une aumône à la distribution du gui, et la croix se serait élevée au dessus du menhir.

le pont romain à la Cheverie

D'où vient ce nom rude et barbare de Cheverie ? Les uns pensent que les arides pâturages qui entourent ce lieu ont été consacrés à la dépaissance des chèvres et que c'est à cette cause qu'est due une telle dénomination. Mais les pâturages ne sont pas plus arides là qu'ailleurs. Pourquoi aurait-on réservé ce lieu aux chèvres plutôt qu'un autre ? Nous n'en voyons pas la raison. La seconde opinion plonge dans la nuit des temps et se rattache étroitement au nom de Sene, source sacrée d'où Foncine tire son nom. Cheverie viendrait du mot celtique Cheve qui signifit "rendre la justice". Nous savons que chaque année les druides tenaient leurs assises dans la partie la plus rapprochée du centre de chaque canton, afin de se prononcer sur les affaires publiques ou privées. Cette réunion judiciaire devait donc avoir lieu ici.

En ce lieu, un autre usage parait se rattacher à une cérémonie druidique, il s'agit de la distribution du gui sacré, conservé dans l'expression du "gui l'an neuf" sur d'autres points de France. A cette cérémonie païenne, la religion catholique substitua plus tard la distribution d'une aumône : une distribution de pain à la classe indigente avait lieu soit à Pâques, soit à Noël, deux époques du cercle annuel où nous savons que l'année prit autrefois son commencement.

le Creux Maldru

La Cheverie aurait été le séjour des prêtresses druides qui dirigeait le tribunal suprême. Quant aux prêtres, ils avaient leur séjour à la Tieulette, près du Creux Maldru. En effet, Maldru vient de Mallus : lieu d'assemblée et Dru : druides.

Le Creux Maldru est une caverne du Mont-Noir, située à une lieue de distance de Foncine de Haut, près de Chapelle des Bois, entre les deux villages, au pâturage de la Thieulette, nom qui vient de taol, taola et signifie table, la table du sacrifice. Nos paysans appelaient une table taule. Cette caverne passe pour avoir été en des temps de guerre et de persécutions religieuses ou politiques, un lieu d'asile introuvable, car son entrée se dérobe à toutes les recherches. De 1791 à 1793, quatre prêtres n'ont pas quitté cette grotte : Jacquin, chapelain de Foncine le Haut, Henriet, vicaire de Chapelle des Bois, Blondeau, curé de la Chaux des Crotenay et Benetruy, mort curé de Songeson, Grapinet, devenu plus tard principal du collège de Poligny et chanoine de Saint-Claude. Plusieurs émigrés y cherchèrent aussi un refuge contre les fureurs révolutionnaires.

Arrivé au bord de cette caverne, on voit un grand trou, presque rond de 28 mètres de circonférence, ayant la forme d'un entonnoir. Le fond de l'orifice n'a que 6 mètres de contour et se trouve à 11 mètres de la surface. Là se présente à droite, l'entrée d'une petite chambre et à gauche une grande pièce qui mérite une description particulière. On y descend par une porte taillée naturellement dans le roc, haute de 2 mètres, large de 3,80 mètres, et par un escalier de pierre construit par ceux y ont séjourné ici. Le plain-pied de cette chambre se trouve à 4 mètres en contre-bas de l'entonnoir et à 15 mètres sous terre. La salle a 17 mètres de long et 8 de large, la paroi n'a que 2 mètres de hauteur, mais la voûte se hausse jusqu'à 6 mètres cers le centre. Les réfugiés avaient bâti dans cette grotte un mur qui subsiste encore en partie.

le Creux Maldru

L'une des deux pièces servait de crypte, on y voit un bénitier taillé dans le roc qui a dix centimètres de profondeur, une niche où était placée une petite statue de la vierge, et l'emplacement d'un autel sur lequel la messe était célébrée chaque jour. L'autre pièce servait de maison d'habitation, elle conserve encore les traces du foyer, la fumée s'échappait par les fissures latérales. L'eau ne manquait pas, un suintement de la voûte fournissait jusqu'à deux seaux d'eau par jour.

Le 12 juillet 1790, la constitution civile du clergé avait été décidée par la République et le 27 novembre 1790, tous les ecclésiastiques se virent contraints de prêter le serment de la servir loyalement. Pierre-Joseph Girod, né en 1764 à Cerniebaud était alors prêtre dans la paroisse de Foncine le Haut. Il y arrive en novembre 1789. Il prête serment comme la plupart des ecclésiastiques du voisinage, mais après la rétractation du serment par le pape, et sous influence des prêtres venant de Suisse, il rédige sa propre rétractation en mai 1795. Le "Saint Abbé Girod", comme on le surnommera à Foncine, y restera jusqu'en 1803.

Le samedi 9 novembre 1991, un office religieux fut célébré dans la grotte, par l'abbé Lizon, curé de Foncine (décédé en octobre 2005), pour marquer le bicentenaire du refuge des prêtres réfractaires.

 


Extrait des "Recherches Historiques sur les Foncines " de JB. Munier

Deux prélats italiens qui avaient gouverné l’abbaye de Saint-Oyan avaient fait venir quelques uns de leurs compatriotes pour apprendre aux habitants à fabriquer la toile et le droguet.

C’est avec le poil de chèvres qu’on fabriquait le droguet dont s’habillaient les serfs de cette terre et lieux voisins. En 1479, les chèvres avaient été introduites à Foncine et y étaient fort nombreuses. Elles y avaient été amenées pour alimenter une fabrique de droguet dont le principal siège était la Chèvrerie.

Leur poil servait de matière première. On ne tarda pas cependant à utiliser leur lait en le mélangeant à celui des vaches pour la fabrication des fromages de gruyère.

La fabrication du droguet était grossière comme l’époque, mais c’était déjà un grand progrès dans un pays où l’on se revêtait de la peau des bêtes sauvages, surtout celle du loup, animal, si commun dans les sombres forêts du Jura.


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