Le gouvernement, si paternel, des princes de Châlon,
devait contribuer à peupler leur terre de Chatel Blanc, comme cela
était arrivé pour leurs seigneurs de Nozeroy et Rochejean.
Malgré les rigueurs d'un hiver de neuf mois et l'aridité d'un
terrain rocailleux et couverts d'immenses et profondes forêts, repaires
de bêtes fauves et féroces, les colons ne tardèrent
pas à affluer et à peupler un pays où jamais homme
probablement, n'avait encore pénétré. On s'aventura
même jusque dans les endroits les plus sauvages, et les plus reculés,
et les hameaux de la Chaux-Moz, de la Norbière, d'Annondance, de
Champion, dont les noms ont une signification qui parfois nous échappe,
durent commencer à recevoir quelques habitants vers 1320. Mais, avant
de se fixer à Chatel Blanc et dans les environs, il serait curieux
de savoir de quelle région ils venaient.
Une ancienne tradition conservée
dans les cantons primitifs de la Suisse, fait venir les premiers habitants
de ces cantons, de la Frise ou de la Suède : "Il y avait
un ancien royaume situé vers le septentrion, dans le pays appelé
Frise et Suède. Une disette s'y fit sentir,la nation s'assembla;
il fut décidé que le dixième des habitants s'expatrierait.
Après avoir tiré au sort, tous ces exilés se mirent
en marche, en demandant à Dieu, qu'il daigne leur accorder une
région semblable à celle de leurs pères, où
ils puissent conduire tranquillement leurs troupeaux sans avoir à
souffrir de l'oppression des tyrans. Ils arrivèrent dans le pays
de Schwitz, la population s'était accrue, elle s'étendit
de proche en proche dans le pays d'Unterwald".
Bientôt, le pays de Gruyère
et le Valais furent envahis, et les abbés du fameux monastère
d'Agaumé (Saint Maurice) durent envoyer quelques uns de ces trop
nombreux habitants dans les terres de Sirod et de Nozeroy. A en juger
par les restes de costumes et de langages, à s'en rapporter à
la physionomie comme aux traditions orales, aux habitations et aux modes,
aux coutumes, usages des habitants de la terre de Nozeroy, comparés
à ceux des pays de la Suisse, il paraît très probable
que ces derniers viennent de la Gruyère, du Valais, de Schwitz,
et plus primitivement de la Suède.
Le patois de nos montagne est presque
mot pour mot le patois du valais et de la Gruyère, et en jetant
dans nos montagnes des colons, en y introduisant la fabrication du gruyère,
en nous fournissant nos premiers fromages, la Suisse introduit aussi parmi
nous ses antiques et naïves croyances, que, chose remarquable, nous
retrouvons en Suède et en Norvège. Les lutins, les follets,
les devins, les vouivres, etc ... se retrouvent aussi bien en Suisse,
en Suède, que dans les pays de nos montagnes.
Mais d'où viennent encore
plus immédiatement, les premiers habitants de Chatel Blanc ? Nous
croyons pouvoir dire que la plupart d'entre eux viennent de la terre de
Nozeroy. Donnons en quelques preuves : 1) les patois de Nozeroy et de
Chatel Blanc sont à peu près les mêmes, et aucun ne
saurait, sous ce rapport, leur être comparé; comme à
Nozeroy, la terminaison ordinaire des mots féminins du patois de
Chatel Blanc était en a (la tebla) comme elle
l'est encore aujourd'hui à Chapelle des Bois; si elle a varié
pour Chatel Blanc et Chaux Neuve, c'est à cause de leur rapprochement
de la terre de Mouthe, dont la terminaison des mêmes mots est en
o (le teblo), et de leurs rapports avec les habitants.
2) les moeurs, la physionomie, le caractère énergique et
plus simple, plus dévoué, des habitants de Nozeroy, se retrouvent
mieux chez les habitants de Chatel Blanc que partout ailleurs; leur tempérament
a été moins révolté sous la douce administration
des sires de Chalon que celui des Mouthiers sous celle plus ou moins paternelle
de leurs prieurs; les mesures de capacité, de longueurs agraires
ou forestières étaient les mêmes; certaines expressions
de langage, quelques coutumes relatives à l'ancien costume, à
la nourriture, aux travaux des champs, aux soins du bétail, etc
... se retrouvent presque exclusivement dans ces deux pays. Pour ne pas
être trop long, ne citons que l'usage de "féléner
les vaches", c'est à dire de leur lier, quand elles sont
malades, les oreilles au bas de la tête, afin d'en tirer une surabondance
de fiel ou d'humeurs; cet usage ne se rencontre nul part que dans le Val
de Mièges et aux terres de Chatel Blanc. 3) des Magnin de Nozeroy,
des Groslambert de la Lattète, possédaient encore des terres
à Chapelle des Bois au XVIIe siècle. Ajoutons enfin que
les sires de Chalon maintinrent aux habitants de Chatel Blanc les mêmes
us et coutumes du fief de Nozeroy, probablement afin de les moins dépayser.
Cependant, beaucoup de familles n'ont
pas la même origine : les Blondeau viennent de la Flandre; les Bourgeois-Moine
des environs de Balerme, les Cordier de la Savoie ou des environs de Genève,
les Bouveret de Reculfoz, les Cretin de Bellefontaine ou de Bois d'Amont,
les Jacquin de Foncine, les Pagnier-du-Bourg, du bourg de Sirod, etc ...
Il est impossible de connaître exactement l'époque où
les terres, qui plus tard formèrent le territoire de Chapelle des
Bois, furent habitées, et par qui elles commençèrentà
être habitées. Ce qui est certain, c'est que les sujets des
sires de Chalon résidant à Chatel Blanc, n'avaient nullement
le droit de s'approprier des terres de ce fief, sans l'autorisation expresse
du seigneur, c'est ce qu'on appelait "accensement";
il est probable que les plus privilégiés furent d'abord
les Blondeau, dont la branche principale gouvernait la seigneurie, puis
les plus anciens résidants du bourg, tels que les Bourgeois-Moine,
les Bourgeois-Philippet, dont le nom semble indiquer que les premiers
habitèrent Chatel Blanc et furent les premiers sujets de la seigneurie,
les Brocard (tisseurs) qui s'aventurèrent contre le Cernois et
les Cives, les Michaud, surnommés "charpentier", car
telle était leur profession; les Griffond, qui tout d'abord étaient
les écrivains secrétaires du bailli ou du seigneur, les
Paget, ou petits pages à la cause des seigneurs qui cherchaient
à imiter les cours royales, les Pagnier (ou Panier), qui cuisaient
au four banal les pains destinés aux colons habitant la seigneurie;
les Poux (ou potiers) qui fabriquaient les vaisselles et furent peut-être
les premiers hommes qui aient vraiment habité le pays ès-bois.
Mais à quelle époque
le pays commenca-t-il à être peuplé ? Ce n'est pas
facile de le déterminer. Les terres de Chatel Blanc confinaient
à celles de Bellefontaine; tous ces vastes terrains couverts de
forêts profondes et de rochers parfois inaccessibles, n'étaient
guère faits pour exciter la convoitise des Bourgeois de Chatel
Blanc, qui avaient dans le bourg suffisamment de terrains à cultiver;
ils ne se pressèrent guère de défricher de nouvelles
terres qui paraissaient devoir rester toujours stériles.
Cependant des colons de la seigneurie,
les Michaud, les Guy, les Brocard-du-Tillet, les Besançon, les
Simon, et d'autres, avaient fondé le hameau de Chaux-Neuve, alors
la Grande-Chaux, s'étaient avancés contre les Cives, Champion,
et avaient obtenu facilement du seigneur, l'accensement de terrains qui
paraissaient sans valeur. Ils y établirent des chalets, qui tout
d'abord n'étaient habités que l'été; mais
à mesure que les familles multiplièrent, il fallut songer
à se créer des habitations stables, et c'est ainsi que dut
commencé à être habité le village qui fut plus
tard Chapelle des Bois. Existait-il déjà des habitants ès-bois,
avant la terrible peste de 1349 ? Nous ne pouvons le dire, mais ce qui
est certain, c'est qu'à cette époque des colons de la terre
de Chatel Blanc habitaient les environs du bourg et qu'il ne faut pas
confondre avec les Bourgeois qui demeuraient dans le bourg et dont les
maisons étaient construites au pied de la forteresse où
résidait le gouverneur. Vers 1350, une des redevances du seigneur
était de la poix blanche ou noire que les sujets devaient au seigneur;
or, en 1837, à la Norbière, on retrouva un de ces fours
où se fondait cette résine dont l'usage était de
faire des flambeaux ou torches pour les veillées des seigneurs.
Rappelons que le nom de certaines localités comme Annondance, le
Pénoy, la Norbière, la Chaux-Moz, etc ... ont une signification
qui nous échappe ou à peu près, ce qui laisse à
supposer que ces lieux sont depuis longtemps habités (1).
1) nous pourrions donner bien d'autres
preuves de l'ancienneté du pays ès-bois : 1) un
acte de 1662 parle d'un endroit des Cives : les chasaux, ce qui
suppose que les maisons n'existaient déjà plus à
cette date reculée; une poterie, une scierie, qui n'étaient
plus en 1632, étaient établies dans le même hameau
à une époque inconnue. En 1639, les suédois brûlèrent
des maisons, dont, depuis des siècles on ne voit plus les ruines.
2) le hameau de Sur les Clos, entre Annondance et Chatel Blanc,
non seulement n'existait plus il y a 150 ans, mais on n'en voyait aucun
vestige. 3) et cette Vie du Moulin qui d'Annondance allait au
moulin banal de Foncine, existait avant 1394, date où moulins et
fours disparurent, et il y avait des habitants à Annondance. 4)
Morteau date de l'an 1100; or, Morteau (eau morte, le cours du Doubs n'y
est pas sensible) rappelle les Mortes dont les eaux des lacs
sont stagnantes, etc ...
Peste
de 1349
Non seulement donc, des habitants, peut-être
déjà nombreux, peuplaient dès le commencement du
XIVe siècle, le bourg féodal de Chatel Blanc, mais des
colons s'enfoncèrent de bonne heure dans ces forêts profondes
et sauvages du Risoux.et du Niger, noms qui devaient être
Chaux Neuve, le Cernois, le Lételet, la Chaux-Choulet et les
différents hameaux de Chapelle des Bois. Nos ancêtres,
sous le joug paternel des seigneurs, défrichaient les terres
qui leur avaient été accensées et se voyaient à
la veille de jouir d'une liberté relative et d'une modeste aisance,
quand un fléau épouvantable, la peste noire, vint tout
à coup fondre sur eux, et jeter le deuil dans toutes les familles.
On était en 1349, "l'année
de la grande mort". Les vivants, dit un auteur, suffisaient
à peine pour enterrer les morts; les trois quart de la population
des terres de Chatel Blanc moururent. Le Haut Jura sembla devenir un désert
comme avant l'arrivée des moines, les forêts envahirent de
nouveau le terrain défriché; les ours et les bêtes
féroces reparurent et se multiplièrent à la suite
de cette terrible année. Sur ces entrefaits, des misérables
connus sous le nom de Routiers, vinrent dans nos hautes montagnes
et firent "moult de maulx et vilains faiz". C'est à
la suite de ces immenses misères que les seigneurs pour terminer
leur commisération à leurs quelques hommes survivants, et
les attacher au sol que presque tous fuyaient, songèrent à
améliorer encore leur sort en les déclarant libres et exempts
de toutes collectes, prises, corvées et de toutes mauvaises coutumes,
comme la mainmorte.
Cette concession faite le 26 juin
1351 par l'abbé Guillaume de la Baume, fut confirmée en
1364 par Hugues de Chalon-Arlay II et ratifiée en 1384 par l'abbé
de St Oyand (les bourgeois ou colons affranchis faisaient précéder
leurs noms de l'épithète : honnête, honorable).
Chartes
de 1364 et de 1384
"Pierre Jaillou, licencié
es lois, bailli de Chatel Blanc pour Mgr l'abbé de St Oyand de
Joux, seigneur de Chatel-Blanc en partie et lieutenant de Mr le bailli
de Chatel Blanc pour haut et puissant seigneur Mgr. Messire Hugues de
Chalon, seigneur de Chatel-Guyon, de Nozeroy et dudit Chatel-Blanc en
l'autre partie, faisons savoir à tous que par estant en jugement
judiciablement pour la partie de Chaux-Neuve (en 1664, l'ancienne Grande-Chaux
s'appelait déjà Chaux-Neuve et formait une communauté
gouvernée par des prudhommes) et pour Claude Guyon et Pierre Simon,
prud'hommes et échevins de la Chaux-neuve, nous ont présentée
en cire vermeille et quelques pendantes armées des armes de fut,
de noble mémoire Mgr. messire Hugues de Chalon, en date du 18e
jour du mois de mai 1364 et scel étant sain en icelle et l'autre
sans scel de cire verte et à queue simple, pendantes armées
des armes de Mgr. l'abbé de St Oyand de Joux, en date du 27e jour
du mois de mai 1384, aussi étant sain et entier en scel et inscription.
Lesquelles deux lettres ci-dessus mentionnées avons tenues et lues
d'un mot à l'autre; et parce que d'icelles, les dits Claude Guyon
et Pierre Simon prud'hommes et échevins que dessus ont dit que
les dits habitants de la dite Chaux-Neuve en avoir à faire (en
avaient besoin). En divers et plusieurs lieux, tant à l'encontre
des procureurs de Mrs les dits seigneurs de Chatel Blanc que d'autres
doutant (craignant) la perdition d'icelles, iceux nous ont requis en présence
de Jacques G... de Grandvaux procureur de Mgr l'abbé de St Oyand
de Joux et de Benoit Blondeau procureur de Mgr de Chatel-Guyon, présents
qu'en jugement d'icelles lettres, nous leur veuillons faire et décerner
une transcription ou plusieurs qui leur seraient comme les propres originaux,
où toutes les causes et affaires qu'ils pourraient avoir à
la Cour à l'encontre des dits par ladite présente pour leur
aider et leur valoir (pour qu'il y ait toute sa force) leur devront nos
dits seigneurs dessus mentionnés, en rien contrevenir ni protester
à l'encontre, en aucun lieu et temps, en icelle lettres impugnées
desquelles lettres la teneur s'ensuit :
Lettre
du Sire de Chalon
"Faisons savoir à tous
par les présentes que nous faisons et considérant que par
la grande mortalité, plusieurs de nos hommes et femmes de la Chaux-neuve
et Chaux-Choulet, et des autres lieux des appartenances du Chatel-Blanc
sont eus morts, lesquels lieux et habitants sont de serve condition de
mortemain,
et pour icelle condition déjà
mainmorte pour des lieux qui sont déserts, et pour se nul ne s'y
voulait habiter, mais de jour, nous et nos hoirs ou ceux qui ont ou auront
de nous, de présent et pour le temps à venir, la dite mortemain
avoir otée quittée et remise perpétuellement, à
nos hommes et femmes demeurant et résidant esdits lieux à
présent, et à ceux et celles qui, pour le temps à
venir y demeureront et résideront, pour eux et leurs hoirs; et
voulons que ceux et celles desdits lieux ou en aucun d'iceux demeurant,
succédent et héritent le plus prochain du lignage de celle
ou celui qui mourra, en tous ses biens, meubles et héritages présents
et à venir, en quelque lieu qu'il soit et qu'il demeurera, comme
en un lieu non mortable, sans que nous puissions demander, réclamer
aucune chose ès biens, immeubles et héritages restant de
celui ou de celle qui mourra. Et aussi voulons et octroyons que ceux ou
celles desdits habitants présents et à venir esdits lieux
ou en aucun d'iceux puissent tester, ordonner (disposer de leurs biens),
donner par lettre, comme ici ladite lettre, tous leurs biens, meubles
et héritages à nos hommes et femmes de la condition qu'est
ou sera celui qui tester et ordonner voudra, ou à ceux qui, de
cette condition être voudra et esdits lieux ou en aucun d'iceux
demeurer voudra pour être nos hommes ou femmes de cette condition.
Pour ce, nous avons eu et reçu
desdits habitants, quils nous ont donné sur le saint évangile
de Dieu, pour nous et nos hoirs, à ceux qui ont ou auront de nous
ladite quittance et rémission, toute la tenue de la présente
lettre en tout et partout aux dits hommes et femmes habitant es dits lieux
ou en aucun d'iceux à leurs héritiers, à ceux, à
celles qui y viendront pour y demeurer ou habiter, tenir fermement et
n'y contrevenir en aucune manière pour nous et nos hoirs, n'y consentir
à aucune contravention toute exception, allégation de fait,
de droits, écrits ou non écrits, canon et vieilles coutumes
aient défense (puisse valoir); voire même, renonçons
nous et nos dits hoirs (héritiers) ou ceux qui auront de nous pouvoir,
contre ce traité advenir, et contre ce que l'on pourrait proposer
contre les dites lettres ou autres choses contenues en icelles. En témoignage
de vrai, nous avons baillé les dites présentes lettres et
nos dits hommes.
fait, donné, scellé
de notre scel, le 18e jour du mois de may 1364"
Lettre
de l'Abbé de St Oyand
"Nous frère Guillaume,
par la grâce de Dieu, humble abbé du monastère de
St Oyand de Joux, faisons savoir à tous, par les dites présentes
lettres que regardant et considérant que par la grande mortalité
par laquelle plusieurs de nos hommes et femmes de la Chaux-Neuve et Chaux-Choulet
et des autres lieux et appartenances de Chatel-Blanc sont eux morts, lesquels
lieux et habitants sont de serve condition et main morte, pour des lieux
qui sont déserts, et pour ce, nul ne s'y voulait habiter, mais
de jour en jour en déshabitait; (c'est) pourqu'oy, pour les faire
tenir, habiter et multiplier, par grande délibération, par
notre conseil, pour nous et nos successeurs et ceux qui ont généralement
à dire, mortemain avons otée, quittée et remise perpétuellement
à nos dits hommes et femmes qui demeurent et résident aux
dits lieux à présent et à ceux et celles qui, pour
le temps à venir y demeureront et résideront, pour eux et
leurs hoirs, et voulons que ceux et celles de ces dits lieux ou en aulcun
d'iceux demeurerait succède ou hérite le plus prochain du
lignage de celle ou de celle ou de celui qui mourra en tous les biens,
meubles et héritages présents et à venir en quelques
lieu qu'il soit ou demeurera, comme en un lieu non mortable, sans que
nos successeurs puissent demander ni quoster aucune chose ès-biens,
meubles et héritages d'aucun d'iceux de celui ou de celle qui mourra
pour cause de mortemain.
Et aussi voulons et octroyons à
tous les habitants présents et à venir ès-dit lieux
ou en aucun d'iceux, qu'ils puissent tester, ordonner, donner par lettre
comme ici la dite lettre, tous leurs biens, meubles et héritages
à nos dits hommes et femmes de la condition qu'est ou sera celui
ou celle qui tester et ordonner voudra, et à ceux et celles qui
de cette condition être voudra, et ès dits lieux ou en aucun
d'iceux demeurer voudra pour être nos hommes et femmes d'icelle
condition; et pour ce, nous avons reçu des dits habitants, qu'ils
nous ont donné pour une fois, vingt florins (1) duquel don nous
nous tenons pour bien payer et content. Les dites sommes nous avons reçues
en notre monastère, promettant en bonne foi et sous les voeux de
notre religion, pour nous et nos successeurs, ladite quittance et rémission
et toute la tenue (teneur) de ladite présente lettre, être
donnée partout à nos dits hommes et femmes et habitants
desdits lieux ou en aucun (quelqu'un) d'iceux; à ceux ou celles
qui y voudront habiter et demeurer fermement et n'y contrevenir en aucune
façon pour nous et nos successeurs, ne consentir à aucune
contravention, toute exception, allégation de fait de droit, écrite
ou non écrite, canon ou vieille coutume ne pouvoir advenir contre
ce que l'on pourrait dire ou proposer contre ladite présente lettre
ou autre chose contenue en icelle. En témoignage de vrai, nous
avons baillé ladite présente lettre à nos dits hommes.
Fait et donné ce 17e jour
du mois de may de l'an 1354" (2).
"En témoignage de vérité
de laquelle transcription et choses que dessus, nous avons fait signer
lesdites présentes du seing manuel de clerc et scribe de ladite
cause dudit baillage et fait sceller du scel aux causes de celui donné
judicialement aux Assises dudit Chatel-Blanc le 17 novembre 1385 - Marcel
(3)".
Autres
Concessions
La principale redevance que les habitants
des terres de Chatel-Blanc devaient à leurs seigneurs était
la dime; elle se payait au 18, c'est à dire qu'ils devaient donner
une gerbe ou une mesure sur 18.
Sur la fin du 14e siècle,
ils obtinrent de faire leurs récoltes comme et à quel jour
ils l'entendraient, sans attendre que les officier du fisc vinrent prélever
la dime; voici quelques détails de ces concessions :
"Considérant que leurs
hommes habitants leurs terres de Chatel-Blanc ne peuvent moissonner ni
recueillir leur bled au temps, pour cause de l'hyvers et pluyes qui leur
surviennent par plusieurs années à leurs supplications consonans
à raison, leur permettant de prendre et de lever tous leurs bleds
quelconques, chacun a toujours jamais et mener en leurs hotels sans laisser
point de dimes es champs. Mais ils bailleront chacun au pour un journal
de bled y semé, une cartranche de bled (4). 10 juin 1394".
Vers la même époque,
les seigneurs fixent encore à leurs colons la concession suivante
:
"Considérant que leurs
hommes ne peuvent avoir les fourniers à leurs besoings qu'est leur
grand préjudice, dommage et aussi celui des seigneurs, permettent
à chacun habitant faire un fourg à son aise et maintenir
à ses propres dépens. Les revenus du fourg banal seront
remplacés par une cartranche d'avesnes à payer par chacun
qui mêne et tient boeuf à la charrue, et demi cartranche
pour ceux qui ne mènent boeuf à la charrue".
cette redevance du fournage s'acquittait
chaque année le jour de la fête de Saint André (5).
Toutes ces coutumes et redevances subsistèrent ou à peu
près, jusqu'à l'époque de la révolution de
1791.
Principaux
événements jusqu'en 1639
En 1474, à la suite de la défaite
de Charles le téméraire à Morat, les suisses envahirent
nos montagnes et y exercèrent des ravages dont on n'a pas perdu
tout souvenir. Trois ans après, le duc de Bourgogne fut tué
devant Nancy, ne laissant qu'une fille, Marie, qui devint l'épouse
de Maximilien, empereur d'Autriche et lui donna le duché convoité
dont faisait partie la Franche-Comté; ce ne fut qu'en 1530 que
cette province devint espagnole; dès 1674 elle fut annexée
à la couronne de France par Louis XIV.
En 1499, les habitants du fief de
Chatel-Blanc obtinrent la remise totale de la redevance annuelle des 40
florins dus aux seigneurs pour leur affranchissement.
1) il parait
que le florin dont il est question, valait dix gros; et comme il fallait
payer 20 florins à chaque seigneur, c'est à dire 40 florins
peut-être par personne, cela faisait 400 gros; ceux qui ne purent
verser cette somme restèrent mainmortable jusqu'à ce qu'ils
puissent l'acquitter.
2) à
partir de ce jour, et quand ils eurent rempli les conditions exigées,
les habitants furent affranchis et cessèrent d'être sujets
à la mainmortable.
3) l'original
de ces lettres d'affranchissement est égaré; il ne nous
en reste qu'une copie transcrite en 1671, par Claude Brocard, notaire
à Chaux-Neuve et relevée en 1737 par Claude Antoine Pagnier-Beguet,
propriétaire à Combe des Cives.
4) la cartranche
ou éminé, était la mesure de Nozeroy; elle
contenait deux litres et demi environ; c'était donc cinq litres
que les habitants devaient par journal à leurs deux seigneurs.
5) voici quelques
autres redevances telles que nous les retrouvons aux archives :
"Chacun
desdits habitants taillables doit chacun une poulaille à la Saint
André. Quand aucune pièce de terre de leurs héritages
consables et taillables sont vendues, les achepteurs sont tenus de payer
pour le houx (prix de la confirmation du contrat) es-dits seigneurs, le
douzième denier qui est à entendre pour chacun franc du
sort principal, un gros vieil et du plus le plus et du moins le moins
à lesdits seigneurs s'il leur plait prendre la retenue desdits
achats. Au regard des échanges ils n'en doivent aucun baux s'il
n'y a soult; ils doivent seulement huit engrognes (deniers) pour le scel
et consentement d'un chacun des seigneurs. Ils n'ont point de corvées
à faire mais ils doivent faire montre d'âme par devant les
chatelains desdits seigneurs, si leur est ordonné, ainsi qu'ont
accoutumé les autres subjects desdits seigneurs. Doivent aussi
lesdits habitants ayde selon la coutume du Comté de Bourgogne".
La patente
d'un moulin était d'un gros et demi; celle d'une scierie était
fixées aux deux tiers d'un gros.
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