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Origine des gens de Chatel Blanc

 


Il y a sept siècles, la terre jurassienne n'était qu'un désert couvert de forêts sombres et hostiles. Rares étaient les candidats au repeuplement de ces régions inhospitalières. Pour les attirer les princes de Chalon durent faire preuve de générosité. L'abbé Léon Bourgeois-Moine, dans ses "Recherches sur Chapelle des Bois", nous raconte d'où venaient les premiers colons de Chatelblanc, et comment les seigneurs tentèrent d'améliorer leur sort pour les retenir. Voici ce texte :


Le gouvernement, si paternel, des princes de Châlon, devait contribuer à peupler leur terre de Chatel Blanc, comme cela était arrivé pour leurs seigneurs de Nozeroy et Rochejean. Malgré les rigueurs d'un hiver de neuf mois et l'aridité d'un terrain rocailleux et couverts d'immenses et profondes forêts, repaires de bêtes fauves et féroces, les colons ne tardèrent pas à affluer et à peupler un pays où jamais homme probablement, n'avait encore pénétré. On s'aventura même jusque dans les endroits les plus sauvages, et les plus reculés, et les hameaux de la Chaux-Moz, de la Norbière, d'Annondance, de Champion, dont les noms ont une signification qui parfois nous échappe, durent commencer à recevoir quelques habitants vers 1320. Mais, avant de se fixer à Chatel Blanc et dans les environs, il serait curieux de savoir de quelle région ils venaient.

Combe des Cives

Une ancienne tradition conservée dans les cantons primitifs de la Suisse, fait venir les premiers habitants de ces cantons, de la Frise ou de la Suède : "Il y avait un ancien royaume situé vers le septentrion, dans le pays appelé Frise et Suède. Une disette s'y fit sentir,la nation s'assembla; il fut décidé que le dixième des habitants s'expatrierait. Après avoir tiré au sort, tous ces exilés se mirent en marche, en demandant à Dieu, qu'il daigne leur accorder une région semblable à celle de leurs pères, où ils puissent conduire tranquillement leurs troupeaux sans avoir à souffrir de l'oppression des tyrans. Ils arrivèrent dans le pays de Schwitz, la population s'était accrue, elle s'étendit de proche en proche dans le pays d'Unterwald".

Bientôt, le pays de Gruyère et le Valais furent envahis, et les abbés du fameux monastère d'Agaumé (Saint Maurice) durent envoyer quelques uns de ces trop nombreux habitants dans les terres de Sirod et de Nozeroy. A en juger par les restes de costumes et de langages, à s'en rapporter à la physionomie comme aux traditions orales, aux habitations et aux modes, aux coutumes, usages des habitants de la terre de Nozeroy, comparés à ceux des pays de la Suisse, il paraît très probable que ces derniers viennent de la Gruyère, du Valais, de Schwitz, et plus primitivement de la Suède.

Le patois de nos montagne est presque mot pour mot le patois du valais et de la Gruyère, et en jetant dans nos montagnes des colons, en y introduisant la fabrication du gruyère, en nous fournissant nos premiers fromages, la Suisse introduit aussi parmi nous ses antiques et naïves croyances, que, chose remarquable, nous retrouvons en Suède et en Norvège. Les lutins, les follets, les devins, les vouivres, etc ... se retrouvent aussi bien en Suisse, en Suède, que dans les pays de nos montagnes.

Mais d'où viennent encore plus immédiatement, les premiers habitants de Chatel Blanc ? Nous croyons pouvoir dire que la plupart d'entre eux viennent de la terre de Nozeroy. Donnons en quelques preuves : 1) les patois de Nozeroy et de Chatel Blanc sont à peu près les mêmes, et aucun ne saurait, sous ce rapport, leur être comparé; comme à Nozeroy, la terminaison ordinaire des mots féminins du patois de Chatel Blanc était en a (la tebla) comme elle l'est encore aujourd'hui à Chapelle des Bois; si elle a varié pour Chatel Blanc et Chaux Neuve, c'est à cause de leur rapprochement de la terre de Mouthe, dont la terminaison des mêmes mots est en o (le teblo), et de leurs rapports avec les habitants. 2) les moeurs, la physionomie, le caractère énergique et plus simple, plus dévoué, des habitants de Nozeroy, se retrouvent mieux chez les habitants de Chatel Blanc que partout ailleurs; leur tempérament a été moins révolté sous la douce administration des sires de Chalon que celui des Mouthiers sous celle plus ou moins paternelle de leurs prieurs; les mesures de capacité, de longueurs agraires ou forestières étaient les mêmes; certaines expressions de langage, quelques coutumes relatives à l'ancien costume, à la nourriture, aux travaux des champs, aux soins du bétail, etc ... se retrouvent presque exclusivement dans ces deux pays. Pour ne pas être trop long, ne citons que l'usage de "féléner les vaches", c'est à dire de leur lier, quand elles sont malades, les oreilles au bas de la tête, afin d'en tirer une surabondance de fiel ou d'humeurs; cet usage ne se rencontre nul part que dans le Val de Mièges et aux terres de Chatel Blanc. 3) des Magnin de Nozeroy, des Groslambert de la Lattète, possédaient encore des terres à Chapelle des Bois au XVIIe siècle. Ajoutons enfin que les sires de Chalon maintinrent aux habitants de Chatel Blanc les mêmes us et coutumes du fief de Nozeroy, probablement afin de les moins dépayser.

Cependant, beaucoup de familles n'ont pas la même origine : les Blondeau viennent de la Flandre; les Bourgeois-Moine des environs de Balerme, les Cordier de la Savoie ou des environs de Genève, les Bouveret de Reculfoz, les Cretin de Bellefontaine ou de Bois d'Amont, les Jacquin de Foncine, les Pagnier-du-Bourg, du bourg de Sirod, etc ... Il est impossible de connaître exactement l'époque où les terres, qui plus tard formèrent le territoire de Chapelle des Bois, furent habitées, et par qui elles commençèrentà être habitées. Ce qui est certain, c'est que les sujets des sires de Chalon résidant à Chatel Blanc, n'avaient nullement le droit de s'approprier des terres de ce fief, sans l'autorisation expresse du seigneur, c'est ce qu'on appelait "accensement"; il est probable que les plus privilégiés furent d'abord les Blondeau, dont la branche principale gouvernait la seigneurie, puis les plus anciens résidants du bourg, tels que les Bourgeois-Moine, les Bourgeois-Philippet, dont le nom semble indiquer que les premiers habitèrent Chatel Blanc et furent les premiers sujets de la seigneurie, les Brocard (tisseurs) qui s'aventurèrent contre le Cernois et les Cives, les Michaud, surnommés "charpentier", car telle était leur profession; les Griffond, qui tout d'abord étaient les écrivains secrétaires du bailli ou du seigneur, les Paget, ou petits pages à la cause des seigneurs qui cherchaient à imiter les cours royales, les Pagnier (ou Panier), qui cuisaient au four banal les pains destinés aux colons habitant la seigneurie; les Poux (ou potiers) qui fabriquaient les vaisselles et furent peut-être les premiers hommes qui aient vraiment habité le pays ès-bois.

Mais à quelle époque le pays commenca-t-il à être peuplé ? Ce n'est pas facile de le déterminer. Les terres de Chatel Blanc confinaient à celles de Bellefontaine; tous ces vastes terrains couverts de forêts profondes et de rochers parfois inaccessibles, n'étaient guère faits pour exciter la convoitise des Bourgeois de Chatel Blanc, qui avaient dans le bourg suffisamment de terrains à cultiver; ils ne se pressèrent guère de défricher de nouvelles terres qui paraissaient devoir rester toujours stériles.

Foncine le Bas

Cependant des colons de la seigneurie, les Michaud, les Guy, les Brocard-du-Tillet, les Besançon, les Simon, et d'autres, avaient fondé le hameau de Chaux-Neuve, alors la Grande-Chaux, s'étaient avancés contre les Cives, Champion, et avaient obtenu facilement du seigneur, l'accensement de terrains qui paraissaient sans valeur. Ils y établirent des chalets, qui tout d'abord n'étaient habités que l'été; mais à mesure que les familles multiplièrent, il fallut songer à se créer des habitations stables, et c'est ainsi que dut commencé à être habité le village qui fut plus tard Chapelle des Bois. Existait-il déjà des habitants ès-bois, avant la terrible peste de 1349 ? Nous ne pouvons le dire, mais ce qui est certain, c'est qu'à cette époque des colons de la terre de Chatel Blanc habitaient les environs du bourg et qu'il ne faut pas confondre avec les Bourgeois qui demeuraient dans le bourg et dont les maisons étaient construites au pied de la forteresse où résidait le gouverneur. Vers 1350, une des redevances du seigneur était de la poix blanche ou noire que les sujets devaient au seigneur; or, en 1837, à la Norbière, on retrouva un de ces fours où se fondait cette résine dont l'usage était de faire des flambeaux ou torches pour les veillées des seigneurs. Rappelons que le nom de certaines localités comme Annondance, le Pénoy, la Norbière, la Chaux-Moz, etc ... ont une signification qui nous échappe ou à peu près, ce qui laisse à supposer que ces lieux sont depuis longtemps habités (1).

1) nous pourrions donner bien d'autres preuves de l'ancienneté du pays ès-bois : 1) un acte de 1662 parle d'un endroit des Cives : les chasaux, ce qui suppose que les maisons n'existaient déjà plus à cette date reculée; une poterie, une scierie, qui n'étaient plus en 1632, étaient établies dans le même hameau à une époque inconnue. En 1639, les suédois brûlèrent des maisons, dont, depuis des siècles on ne voit plus les ruines. 2) le hameau de Sur les Clos, entre Annondance et Chatel Blanc, non seulement n'existait plus il y a 150 ans, mais on n'en voyait aucun vestige. 3) et cette Vie du Moulin qui d'Annondance allait au moulin banal de Foncine, existait avant 1394, date où moulins et fours disparurent, et il y avait des habitants à Annondance. 4) Morteau date de l'an 1100; or, Morteau (eau morte, le cours du Doubs n'y est pas sensible) rappelle les Mortes dont les eaux des lacs sont stagnantes, etc ...


menu Peste de 1349

Non seulement donc, des habitants, peut-être déjà nombreux, peuplaient dès le commencement du XIVe siècle, le bourg féodal de Chatel Blanc, mais des colons s'enfoncèrent de bonne heure dans ces forêts profondes et sauvages du Risoux.et du Niger, noms qui devaient être Chaux Neuve, le Cernois, le Lételet, la Chaux-Choulet et les différents hameaux de Chapelle des Bois. Nos ancêtres, sous le joug paternel des seigneurs, défrichaient les terres qui leur avaient été accensées et se voyaient à la veille de jouir d'une liberté relative et d'une modeste aisance, quand un fléau épouvantable, la peste noire, vint tout à coup fondre sur eux, et jeter le deuil dans toutes les familles.

On était en 1349, "l'année de la grande mort". Les vivants, dit un auteur, suffisaient à peine pour enterrer les morts; les trois quart de la population des terres de Chatel Blanc moururent. Le Haut Jura sembla devenir un désert comme avant l'arrivée des moines, les forêts envahirent de nouveau le terrain défriché; les ours et les bêtes féroces reparurent et se multiplièrent à la suite de cette terrible année. Sur ces entrefaits, des misérables connus sous le nom de Routiers, vinrent dans nos hautes montagnes et firent "moult de maulx et vilains faiz". C'est à la suite de ces immenses misères que les seigneurs pour terminer leur commisération à leurs quelques hommes survivants, et les attacher au sol que presque tous fuyaient, songèrent à améliorer encore leur sort en les déclarant libres et exempts de toutes collectes, prises, corvées et de toutes mauvaises coutumes, comme la mainmorte.

Cette concession faite le 26 juin 1351 par l'abbé Guillaume de la Baume, fut confirmée en 1364 par Hugues de Chalon-Arlay II et ratifiée en 1384 par l'abbé de St Oyand (les bourgeois ou colons affranchis faisaient précéder leurs noms de l'épithète : honnête, honorable).


menu Chartes de 1364 et de 1384

Chaux des Crotenay

"Pierre Jaillou, licencié es lois, bailli de Chatel Blanc pour Mgr l'abbé de St Oyand de Joux, seigneur de Chatel-Blanc en partie et lieutenant de Mr le bailli de Chatel Blanc pour haut et puissant seigneur Mgr. Messire Hugues de Chalon, seigneur de Chatel-Guyon, de Nozeroy et dudit Chatel-Blanc en l'autre partie, faisons savoir à tous que par estant en jugement judiciablement pour la partie de Chaux-Neuve (en 1664, l'ancienne Grande-Chaux s'appelait déjà Chaux-Neuve et formait une communauté gouvernée par des prudhommes) et pour Claude Guyon et Pierre Simon, prud'hommes et échevins de la Chaux-neuve, nous ont présentée en cire vermeille et quelques pendantes armées des armes de fut, de noble mémoire Mgr. messire Hugues de Chalon, en date du 18e jour du mois de mai 1364 et scel étant sain en icelle et l'autre sans scel de cire verte et à queue simple, pendantes armées des armes de Mgr. l'abbé de St Oyand de Joux, en date du 27e jour du mois de mai 1384, aussi étant sain et entier en scel et inscription. Lesquelles deux lettres ci-dessus mentionnées avons tenues et lues d'un mot à l'autre; et parce que d'icelles, les dits Claude Guyon et Pierre Simon prud'hommes et échevins que dessus ont dit que les dits habitants de la dite Chaux-Neuve en avoir à faire (en avaient besoin). En divers et plusieurs lieux, tant à l'encontre des procureurs de Mrs les dits seigneurs de Chatel Blanc que d'autres doutant (craignant) la perdition d'icelles, iceux nous ont requis en présence de Jacques G... de Grandvaux procureur de Mgr l'abbé de St Oyand de Joux et de Benoit Blondeau procureur de Mgr de Chatel-Guyon, présents qu'en jugement d'icelles lettres, nous leur veuillons faire et décerner une transcription ou plusieurs qui leur seraient comme les propres originaux, où toutes les causes et affaires qu'ils pourraient avoir à la Cour à l'encontre des dits par ladite présente pour leur aider et leur valoir (pour qu'il y ait toute sa force) leur devront nos dits seigneurs dessus mentionnés, en rien contrevenir ni protester à l'encontre, en aucun lieu et temps, en icelle lettres impugnées desquelles lettres la teneur s'ensuit :


menuLettre du Sire de Chalon

"Faisons savoir à tous par les présentes que nous faisons et considérant que par la grande mortalité, plusieurs de nos hommes et femmes de la Chaux-neuve et Chaux-Choulet, et des autres lieux des appartenances du Chatel-Blanc sont eus morts, lesquels lieux et habitants sont de serve condition de mortemain,

et pour icelle condition déjà mainmorte pour des lieux qui sont déserts, et pour se nul ne s'y voulait habiter, mais de jour, nous et nos hoirs ou ceux qui ont ou auront de nous, de présent et pour le temps à venir, la dite mortemain avoir otée quittée et remise perpétuellement, à nos hommes et femmes demeurant et résidant esdits lieux à présent, et à ceux et celles qui, pour le temps à venir y demeureront et résideront, pour eux et leurs hoirs; et voulons que ceux et celles desdits lieux ou en aucun d'iceux demeurant, succédent et héritent le plus prochain du lignage de celle ou celui qui mourra, en tous ses biens, meubles et héritages présents et à venir, en quelque lieu qu'il soit et qu'il demeurera, comme en un lieu non mortable, sans que nous puissions demander, réclamer aucune chose ès biens, immeubles et héritages restant de celui ou de celle qui mourra. Et aussi voulons et octroyons que ceux ou celles desdits habitants présents et à venir esdits lieux ou en aucun d'iceux puissent tester, ordonner (disposer de leurs biens), donner par lettre, comme ici ladite lettre, tous leurs biens, meubles et héritages à nos hommes et femmes de la condition qu'est ou sera celui qui tester et ordonner voudra, ou à ceux qui, de cette condition être voudra et esdits lieux ou en aucun d'iceux demeurer voudra pour être nos hommes ou femmes de cette condition.

Pour ce, nous avons eu et reçu desdits habitants, quils nous ont donné sur le saint évangile de Dieu, pour nous et nos hoirs, à ceux qui ont ou auront de nous ladite quittance et rémission, toute la tenue de la présente lettre en tout et partout aux dits hommes et femmes habitant es dits lieux ou en aucun d'iceux à leurs héritiers, à ceux, à celles qui y viendront pour y demeurer ou habiter, tenir fermement et n'y contrevenir en aucune manière pour nous et nos hoirs, n'y consentir à aucune contravention toute exception, allégation de fait, de droits, écrits ou non écrits, canon et vieilles coutumes aient défense (puisse valoir); voire même, renonçons nous et nos dits hoirs (héritiers) ou ceux qui auront de nous pouvoir, contre ce traité advenir, et contre ce que l'on pourrait proposer contre les dites lettres ou autres choses contenues en icelles. En témoignage de vrai, nous avons baillé les dites présentes lettres et nos dits hommes.

fait, donné, scellé de notre scel, le 18e jour du mois de may 1364"


menuLettre de l'Abbé de St Oyand

"Nous frère Guillaume, par la grâce de Dieu, humble abbé du monastère de St Oyand de Joux, faisons savoir à tous, par les dites présentes lettres que regardant et considérant que par la grande mortalité par laquelle plusieurs de nos hommes et femmes de la Chaux-Neuve et Chaux-Choulet et des autres lieux et appartenances de Chatel-Blanc sont eux morts, lesquels lieux et habitants sont de serve condition et main morte, pour des lieux qui sont déserts, et pour ce, nul ne s'y voulait habiter, mais de jour en jour en déshabitait; (c'est) pourqu'oy, pour les faire tenir, habiter et multiplier, par grande délibération, par notre conseil, pour nous et nos successeurs et ceux qui ont généralement à dire, mortemain avons otée, quittée et remise perpétuellement à nos dits hommes et femmes qui demeurent et résident aux dits lieux à présent et à ceux et celles qui, pour le temps à venir y demeureront et résideront, pour eux et leurs hoirs, et voulons que ceux et celles de ces dits lieux ou en aulcun d'iceux demeurerait succède ou hérite le plus prochain du lignage de celle ou de celle ou de celui qui mourra en tous les biens, meubles et héritages présents et à venir en quelques lieu qu'il soit ou demeurera, comme en un lieu non mortable, sans que nos successeurs puissent demander ni quoster aucune chose ès-biens, meubles et héritages d'aucun d'iceux de celui ou de celle qui mourra pour cause de mortemain.

Lac du Maclu

Et aussi voulons et octroyons à tous les habitants présents et à venir ès-dit lieux ou en aucun d'iceux, qu'ils puissent tester, ordonner, donner par lettre comme ici la dite lettre, tous leurs biens, meubles et héritages à nos dits hommes et femmes de la condition qu'est ou sera celui ou celle qui tester et ordonner voudra, et à ceux et celles qui de cette condition être voudra, et ès dits lieux ou en aucun d'iceux demeurer voudra pour être nos hommes et femmes d'icelle condition; et pour ce, nous avons reçu des dits habitants, qu'ils nous ont donné pour une fois, vingt florins (1) duquel don nous nous tenons pour bien payer et content. Les dites sommes nous avons reçues en notre monastère, promettant en bonne foi et sous les voeux de notre religion, pour nous et nos successeurs, ladite quittance et rémission et toute la tenue (teneur) de ladite présente lettre, être donnée partout à nos dits hommes et femmes et habitants desdits lieux ou en aucun (quelqu'un) d'iceux; à ceux ou celles qui y voudront habiter et demeurer fermement et n'y contrevenir en aucune façon pour nous et nos successeurs, ne consentir à aucune contravention, toute exception, allégation de fait de droit, écrite ou non écrite, canon ou vieille coutume ne pouvoir advenir contre ce que l'on pourrait dire ou proposer contre ladite présente lettre ou autre chose contenue en icelle. En témoignage de vrai, nous avons baillé ladite présente lettre à nos dits hommes.

Fait et donné ce 17e jour du mois de may de l'an 1354" (2).

"En témoignage de vérité de laquelle transcription et choses que dessus, nous avons fait signer lesdites présentes du seing manuel de clerc et scribe de ladite cause dudit baillage et fait sceller du scel aux causes de celui donné judicialement aux Assises dudit Chatel-Blanc le 17 novembre 1385 - Marcel (3)".


menu Autres Concessions

La principale redevance que les habitants des terres de Chatel-Blanc devaient à leurs seigneurs était la dime; elle se payait au 18, c'est à dire qu'ils devaient donner une gerbe ou une mesure sur 18.

Sur la fin du 14e siècle, ils obtinrent de faire leurs récoltes comme et à quel jour ils l'entendraient, sans attendre que les officier du fisc vinrent prélever la dime; voici quelques détails de ces concessions :

"Considérant que leurs hommes habitants leurs terres de Chatel-Blanc ne peuvent moissonner ni recueillir leur bled au temps, pour cause de l'hyvers et pluyes qui leur surviennent par plusieurs années à leurs supplications consonans à raison, leur permettant de prendre et de lever tous leurs bleds quelconques, chacun a toujours jamais et mener en leurs hotels sans laisser point de dimes es champs. Mais ils bailleront chacun au pour un journal de bled y semé, une cartranche de bled (4). 10 juin 1394".

Vers la même époque, les seigneurs fixent encore à leurs colons la concession suivante :

"Considérant que leurs hommes ne peuvent avoir les fourniers à leurs besoings qu'est leur grand préjudice, dommage et aussi celui des seigneurs, permettent à chacun habitant faire un fourg à son aise et maintenir à ses propres dépens. Les revenus du fourg banal seront remplacés par une cartranche d'avesnes à payer par chacun qui mêne et tient boeuf à la charrue, et demi cartranche pour ceux qui ne mènent boeuf à la charrue".

cette redevance du fournage s'acquittait chaque année le jour de la fête de Saint André (5). Toutes ces coutumes et redevances subsistèrent ou à peu près, jusqu'à l'époque de la révolution de 1791.


menuPrincipaux événements jusqu'en 1639

En 1474, à la suite de la défaite de Charles le téméraire à Morat, les suisses envahirent nos montagnes et y exercèrent des ravages dont on n'a pas perdu tout souvenir. Trois ans après, le duc de Bourgogne fut tué devant Nancy, ne laissant qu'une fille, Marie, qui devint l'épouse de Maximilien, empereur d'Autriche et lui donna le duché convoité dont faisait partie la Franche-Comté; ce ne fut qu'en 1530 que cette province devint espagnole; dès 1674 elle fut annexée à la couronne de France par Louis XIV.

En 1499, les habitants du fief de Chatel-Blanc obtinrent la remise totale de la redevance annuelle des 40 florins dus aux seigneurs pour leur affranchissement.

1) il parait que le florin dont il est question, valait dix gros; et comme il fallait payer 20 florins à chaque seigneur, c'est à dire 40 florins peut-être par personne, cela faisait 400 gros; ceux qui ne purent verser cette somme restèrent mainmortable jusqu'à ce qu'ils puissent l'acquitter.

2) à partir de ce jour, et quand ils eurent rempli les conditions exigées, les habitants furent affranchis et cessèrent d'être sujets à la mainmortable.

3) l'original de ces lettres d'affranchissement est égaré; il ne nous en reste qu'une copie transcrite en 1671, par Claude Brocard, notaire à Chaux-Neuve et relevée en 1737 par Claude Antoine Pagnier-Beguet, propriétaire à Combe des Cives.

4) la cartranche ou éminé, était la mesure de Nozeroy; elle contenait deux litres et demi environ; c'était donc cinq litres que les habitants devaient par journal à leurs deux seigneurs.

5) voici quelques autres redevances telles que nous les retrouvons aux archives :

"Chacun desdits habitants taillables doit chacun une poulaille à la Saint André. Quand aucune pièce de terre de leurs héritages consables et taillables sont vendues, les achepteurs sont tenus de payer pour le houx (prix de la confirmation du contrat) es-dits seigneurs, le douzième denier qui est à entendre pour chacun franc du sort principal, un gros vieil et du plus le plus et du moins le moins à lesdits seigneurs s'il leur plait prendre la retenue desdits achats. Au regard des échanges ils n'en doivent aucun baux s'il n'y a soult; ils doivent seulement huit engrognes (deniers) pour le scel et consentement d'un chacun des seigneurs. Ils n'ont point de corvées à faire mais ils doivent faire montre d'âme par devant les chatelains desdits seigneurs, si leur est ordonné, ainsi qu'ont accoutumé les autres subjects desdits seigneurs. Doivent aussi lesdits habitants ayde selon la coutume du Comté de Bourgogne".

La patente d'un moulin était d'un gros et demi; celle d'une scierie était fixées aux deux tiers d'un gros.


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