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La Langouette

 


Le Progrès du dimanche 14 octobre 2001 donne trois articles très intéressants sur la Langouette que les routes ont évité jusqu'au début du XXème siècle.

Le pont n'a que cent ans. Il a remplacé le "pont de planches" qui, en amont, permettait le passage de la "vieille vie du Grandvaux". Un premier essai avait été fait 15 mètres plus haut, qui comportait, comme beaucoup de ponts, une chambre de mines.

Le ministère de la Guerre craignait alors les envahisseurs. C'est cette même crainte qui avait retardé l'ouverture de la route de Chapelle des Bois à Foncine le Bas par le Mont Noir. Les Suisses auraient pu arriver par là.

En Février 1871, la Langouette se trouva au centre de la "bataille des Planches" au cours de laquelle "cinq Ulhans tombèrent sous les balles des français et disparurent dans le gouffre". Voilà qui contredit ce que racontait Narcisse GUYON (mon arrière grand-père), qui était allé, avec quelques autres "catouillers", voir ce qui se passait alors à Montliboz. Ils avaient nargué à leur façon, les Uhlans qui se trouvaient face à eux, sur la rive opposée. Les prussiens s'étaient alors précipités, à cheval, dans leur direction, sans savoir qu'ils étaient séparés d'eux par le gouffre étroit, où ils disparurent, cavaliers et chevaux.

Il est vrai que Narcisse avait à son actif bien d'autres exploits, comme par exemple, celui qu'il avait vécu à Gratteloup, non loin de la Langouette : se trouvant face à un loup qui ouvrait la gueule, il y avait plongé le bras jusqu'à la queue et l'avait retourné sur lui-même comme une chaussette. Il émaillait toujours ses récits de nombreux "Alorsss ! mon gaillard !!". Une façon de dire "Je parle Français".

Vers 1920, on rêva, comme au Pont de la Chaux sur la Lemme, de construire un barrage sur la Saine, un peu en aval des gorges. Il était presque achevé lorsque les Forges de Syam obtinrent l'interdiction de sa mise en eau. Une rupture du barrage aurait, en effet, emporté l'usine de Syam.

La Langouette, Le gouffre aux utopies

(Extraits du Progrès du 14 octobre 2001)

"Un coup de sabre dans la montagne", c'était une des formules couramment usitée au début du siècle, pour décrire la Langouette. L'époque ne faisait pas dans la demi mesure, mais il est vrai que certaines pratiques, certains projets, s'accommodaient d'ambitions pas trop rationnelles.

C'est une structure géologique compliquée. La Saine dut travailler ferme pour franchir ce noeud où les chaînes de montagnes s'appliquent à noyer leurs synclinaux et leurs anticlinaux. A l'amont des Planches, la rivière coule à 730 mètres d'altitude.

Un kilomètre "plus bas", elle n'est plus qu'à 650 mètres. Elle aura alors franchi trois natures de sols différentes en suivant le tracé émergeant d'une faille. Ces structures subissent de manière fort inégale le travail érosif. Certaines se laissent creuser verticalement, d'autres admettent un arasement par strates. On voit ainsi à l'aplomb d'une chute s'ouvrir un long canyon. "La Langouette" est assurément une forme calligraphique moderne. On l'écrit comme ça mais la traduction des sons patoisant qui désignaient jadis le sombre défilé pouvait s'interpréter de bien d'autres manières. De la bouche des anciens sortait plutôt une Langouaite unissant l'image d'une "langue d'eau" à la notion de gouffre. Longtemps, elle resta quasiment ignorée. Les routes l'oubliaient ou plutôt, l'évitaient. Il fallut attendre le début du XXème siècle pour qu'un bâtisseur ose lancer une arche sur le gouffre.

Les premiers "guides touristiques", qui tentent de vendre les trésors ignorés de la région, évoquent une découverte : "il existe, dans un coin reculé du Jura, une curiosité analogue. Et à en croire les bons juges, nullement inférieurs aux gorges de Trient et celles du Fier". Un voyageur, au début au XIXème siècle, en donne une description aux références citadines révélatrices : "Imaginez une rue étroite de Paris; donnez aux maisons à peu près le double de leur hauteur, et faites couler une rivière sur le pavé de cette rue, vous aurez la Langouette". On trouve dès cette époque de curieux projets "quelle initiative privée, à défaut de la municipalité des Planches, réalisera une galerie qui permit de longer, au fond de l'abîme le lit torrentiel de la Sène ?" (orthographe contemporaine). Tous déplorent le peu de "réclame", offerte aux curieux autour de ce site. Celui-ci mesure près de 500 mètres de long. Au plus haut point, le rocher domine la rivière de 40 mètres. Mais c'est la largeur, qui singularise la Langouette. Les anciens disaient qu'elle n'avait que "douze à quinze pieds de large".

A l'amont, le pont "des Planches", signifie l'entrée du défilé et donne le départ d'une folle course. Ce sont ces "planches" jetées sur la rivière qui justifient l'installation du village. La route qui les utilisait s'appelait "la Vieille Vie du Grandvaux".

Un premier pont de pierre fut érigé. On en voit quelques vestiges à une quinzaine de mètres en amont du pont actuel. Il comportait, dans sa structure, une sorte de tourelle creuse qui résista quelques temps à la ruine. Il s'agissait d'une chambre de mines imposées par le Ministère de la Guerre et destiné à recevoir les charges explosives capables de démolir l'ouvrage en cas d'invasion.

Dans le Jura, à l'image du Fort des Rousses, les précautions militaires furent orientées face à un arrivant des frontières et par conséquent du sud-est. Or les envahisseurs modernes se sont toujours présentés dans le dos de ces défenses, après avoir maîtrisé le territoire national. Ainsi, les Prussiens dans le terrible hiver 1871, arrivèrent de La Chaux, Montliboz et par la rive gauche de la Saine gagnèrent Malvaux et les Foncine sans toucher au pont.

C'est à Montliboz, d'ailleurs, que fut installée la garnison d'occupation. Celle-ci fut un jour attaquée par des Francs tireurs, postés aux Planches mêmes, sur la rive droite de la Langouette. Les Ulhans détachèrent un groupe de cavaliers et répliquèrent depuis l'autre rive du défilé. Cinq d'entre eux tombèrent sous les balles et disparurent dans le gouffre. évidement la rivière fut asservie aux nécessités humaines. Juste avant la chute, des mouvements animèrent moulins et scieries.

Il faut voir la Langouette pendant les grandes crues. Le débit de la Saine, en moyenne annuelle un peu inférieur à 4 mètres cubes seconde, peut atteindre un volume énorme. Ce brassage intense possède quelques avantages. C'est un excellent auto-épurateur. On trouve, au bas du défilé, un enrichissement faunistique significatif. Avant l'eutrophisation, c'était plutôt l'inverse. Les truites de la Langouette étaient toujours fort maigres. On prétendait que "cette maigreur était autant due à l'absence de lumière qu'au peu de nourriture que la chute laissait dans ces entailles stériles de rocher".

Le barrage de l'angoisse

la Langouette

La nature est vierge à l'aval de la Langouette. Le défilé, brusquement s'élargit. Mais le ravin reste sauvage. Dans les années vingt, une tentative de domestication fit grand bruit. Un particulier commença la construction d'un grand barrage à moins d'un kilomètre à l'aval du défilé. La hauteur de la muraille, une dizaine de mètres, conditionnait une retenue importante. Celle-ci serait venue lécher le pied des murailles de la Langouette. La construction marchait bon train. Un circuit de wagonnets sur voies étroites descendait, dans la gorge les matériaux nécessaires. Le barrage était en cour d'achèvement lorsqu'une décision de justice vint en interdire la mise en eau. A Syam, l'ouvrage faisait peur. Les Forges, notamment, avaient vu dans cette construction, une sorte d'épée de Damoclès placée au dessus de leur tête. Apparemment, le barrage avait été réalisé de manière empirique. L'ouvrage avait été largement surdimensionné, en épaisseur notamment, mais les encrages semblaient pour le moins sommaires. Or, la Saine, lancée dans ce couloir rectiligne, possède parfois une puissance fabuleuse. La partie "en lit de rivière" fut démolie, mais l'aile de la rive droite, soit un tiers de l'ouvrage, est resté en place. On voit dans la "coupe" trapézoïdale, le remplissage contenu par les deux parements maçonnés. Il y avait manifestement sujet à inquiétude ...


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