Cloutier |
(Extrait des " Nouveaux souvenirs de voyage" de Xavier Marmier 1845)
Le hameau d’Entre les Fourgs, humble et timide hameau caché par une ceinture de bois entre deux revers de collines, présente une particulière industrielle. Les habitants de cette petite communauté, dépendant de la paroisse de Jougne, exercent deux professions.
Pendant l’été, ils s’engagent dans les chalets pour prendre soin des vaches et diriger les fruitières. En automne, ils rentrent chez eux avec le gain de la belle saison, allument le feu de leur forge, mettent leur chien dans la roue qui fait mouvoir le soufflet, et fabriquent des clous tout l’hiver. Chacune de ces forges présente un coup d’oeil riant dont un peintre habile ferait un délicieux tableau. La femme vient s’asseoir avec son aiguille ou son tricot près de son mari. Le chien court avec une patience admirable dans la roue où il s’est précipité à un signe de son maître et les petits enfants, posés comme de petits oiseaux babillards au bord du foyer, regardent avec de grands yeux tout le travail qui se fait, jasent à tort et à travers et de temps à autre, au commandement de leur mère, se remettent, gravement à épeler l’alphabet. A midi, le père dépose son marteau, le rouage du soufflet s’arrête, toute la famille se réunit autour de l’enclume pour manger les pommes de terre cuites sous la cendre, et le chien fidèle vient se coucher aux pieds des enfants, qui lui passent la main sur les oreilles et jouent avec lui, comme pour le récompenser d’avoir si bien rempli sa tâche. Les habitants de ce hameau élèvent aussi un grand nombre d’abeilles et l’un d’eux exerce la plus poétique, la plus charmante des industries. Il a cent vingt ruches. |