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La diamanterie de Foncine le Bas


La diamanterie de Foncine le Bas semble bien oubliée. Vers 1900 elle employait, soit dans son atelier des "Seignes", soit à domicile, plusieurs GUY-BOUCATON, venus de Chapelle des Bois où ils étaient horlogers et devenus diamantaires.

Cette petite usine était vraisemblablement une annexe de celle qu'avait créé, à Foncine le Haut, vers 1890, Émile DALLOZ venu de Septmoncel, et qui, devenue la coopérative "Le Diamant" ("La Coop"), sera fermée en 1932.

Les lacets de Septmoncel

 

On peut rappeler à cette occasion, comme le fait André BESSON dans "Mon pays Comtois" que la venue de diamantaires dans notre région est un cadeau (bien involontaire) de Louis XIV qui venait d'écraser par deux fois la Comté, et de la "conquérir".

Ce roi en effet, en révoquant en 1685 l'édit de Nantes avait contraint les diamantaires de Paris, souvent juifs ou protestants, à s'expatrier. Ceux qui avaient choisi Genève, n'avaient pas tarder, vers 1735, à se rapprocher. Certains avaient choisi Saint-Claude où ils avaient apporté leur savoir faire et leur fortune.

La vie des diamantaires de Foncine le Bas ressemblait évidemment à celle de leurs voisins du haut et ce qu'écrit le père DOUDIER ("Foncine le Haut 1815-1980") est vrai aussi pour nous. Voici ce qu'il a relevé sur un livret de paie de mai 1907 :

"Chaque ouvrier paie sa place 0,60 par jour, les jours où il vient travailler. Il est payé à la pièce. Le prix varie de 1,75 à 4,05 suivant la pierre. A chacun est pesé un lot de pierres, 20 environ. Il doit rembourser toute pierre perdue (2,85) ou cassée (1,85). Les débris constituent les "boazts". Les "boazts" qui servent à faire la poudre qui mélangée à la graisse se met sur la meule comme abrasif.

Un ouvrier taille de 59 à 77 pierres par mois. Son salaire est très variable. Par exemple, pour 25 jours il relève 40,95 et 182,45.

G. FRAIPONT, qui s'intéresse aux diamantaires de Septmoncel donne le croquis et une description d'un établi qui pourrait sans doute s'appliquer à celui de Foncine :

"Cet établi est muni de deux roues horizontalement placées. L'une de ces roues est en plomb, c'est sur celle-là que se taille la pierre fine, l'autre est en cuivre et sert au polissage. De la main droite l'ouvrier tient le rubis ou l'émeraude fixée solidement dans un manche en bois, de la gauche il fait tourner la roue, et la pierre se biseaute, se taille, puis mise au point et soigneusement enfermée dans un des nombreux tiroirs qui s'ouvrent devant l'établi".

G.FRAIPONT nous décrit encore, lors d'une visite qu'il effectue dans un atelier de Saint-Claude pour y faire des croquis, le travail et l'ambiance d'un atelier de diamantaire :

"Dans le bas de Saint Claude, à proximité de la Bienne, s'allonge un long bâtiment dont les murs sont percés de hautes baies vitrées; on dirait une de ces constructions communes dans certains quartiers de Paris et donnant asile à une colonie de peintres et de sculpteurs, on y arrive par des ruelles tortueuses et des sentiers accidentés.

Saint Claude

Cette longue bâtisse, d'aspect vulgaire, est une diamanterie; ses hautes fenêtres vitrées éclairent, non des peintres à leur chevalet ou des sculpteurs l'ébauchoir à la main, mais des tailleurs de diamants. En une seule journée, vont et viennent entre ces murailles des trésors que nul atelier d'artiste ne vit jamais poindre entre les siennes. On n'y pénètre point non plus aussi aisément que dans les ateliers susdits. Dame, sans cela ! ... Nous avons un mot d'introduction et nos figures n'expriment sans doute pas trop de scélérate convoitise, car quelques minutes après notre arrivée on nous introduit dans le grand atelier.

Hommes et femmes sont à l'oeuvre. Sur toute la longueur de la pièce s'allonge une sorte d'établi d'où émergent à intervalles égaux des potences maintenant les meules d'acier posées horizontalement et qui tournent avec une vertigineuse rapidité.

C'est sur ces meules qu'on débrutit la pierre précieuse, sur elles qu'on la pavillonne, qu'on la facette, qu'on la polit.

 

Le diamant est d'abord enchâssé dans une sorte de poignée pointue en forme de demi-fuseau où on le fixe solidement à chaud avec un ciment spécial. Sans crainte de se brûler les doigts, le diamantaire doit tamponner, tapoter, modeler ce ciment jusqu'à ce que la pierre ait pris la position voulue et ne laisse à nu que le biseau qui doit être taillé.

Le travail du diamantaire, tout de précision et de soin, n'a rien de bien curieux à regarder, les ouvriers perchés sur de hauts tabourets appliquent sur les meules les poignées diamantées, les retirent, les examinent, pour recommencer ensuite, ... mais l'atelier prend peu à peu un aspect inaccoutumé; tous ces braves gens sont peu habitués à voir pénétrer chez eux des figures étrangères; tout d'abord ils n'on rien dit, chacun est resté à son poste, mais lorsqu'ils nous voient tirer nos albums et crayonner, l'attention qu'ils portaient à leur travail se reporte sur le nôtre ... Nous constatons une fois de plus que les femmes sont décidément beaucoup plus curieuses que les hommes; une des diamantaires, fort jolie montagnarde, s'approche, se glisse derrière moi, puis riant aux éclats : "Tiens ! c'est François qu'il tire; eh ! Marie, c'est ton homme, viens donc voir !".

Saint-Claude, le pont suspendu

 

Et Marie se lève et accourt, puis c'est François qui vient voir, ... peu docile, ce modèle, peu dociles tous, car bientôt, Jacques et Jacqueline, Lucienne et Lucien, tous hommes et femmes nous entourent, rient, dissertent, oublient leurs meules qui continuent à tourner et leurs diamants qui ne tournent plus ...

Le contremaître essaye de remettre un peu d'ordre, mais en vain, le calme ne se fera que lorsque nous nous retirerons, ... ce que nous ne tardons pas à faire, car ces braves gens travaillent "aux pièces" et nous ne voulons pas diminuer leur salaire.

Ah ! si c'avait été le patron qui ait soldé le temps perdu, nous n'y eussions pas regardé d'aussi prêt. " Un diamantaire, songe donc !, un homme qui a sa maison pleine de cailloux précieux, doit bien en garder aux doigts quelques parcelles ... lui prendre quelques parcelles de son temps n'eut pas été une grosse affaire ..." Boutade de mon compagnon qui nous fermerait à tout jamais les portes des ateliers où l'on travaille "à l'heure", s'il ne l'avait pas dite à voix basse".

Il n'y a plus de diamantaires à Foncine, et encore bien peu dans la région de Saint-Claude. Voici une petite aventure qui s'est produite en 1944-1945 et qui concerne un négociant en diamants.

Une compagnie du maquis Vauthier avait arrêté fin août 1944, un passant qui par son allure et son accent paraissait suspect. Il avait été conduit à la prison de Lons après la libération de la ville. Le maquisard chargé de la liquidation du maquis Vauthier, à Fontenu, avait alors remis aux greffes du tribunal, la sacoche de l'individu sans en faire l'inventaire, ni demander de reçu. Début 1945 le suspect avait été libéré. Sa sacoche lui fut rendue, mais il y manquait selon lui une petite bourse qui contenait des diamants pour une valeur de plusieurs millions. Le diamantaire insistait, menaçait. Le greffier lassé finit par retrouver le maquisard qui avait remis la sacoche. Ce dernier n'en sachant pas davantage décida de faire appel au lieutenant DANEAU, Commandant la compagnie de gendarmerie de Lons, qui avait justement rejoint lui aussi le maquis de Fontenu, pour fouiller, avec l'accord du greffier, les dix mètres cubes d'effets de toutes sortes entreposés dans le local des greffes. La bourse fut enfin retrouvée et avec son contenu intact, son propriétaire put repartir sans les excuses qu'il exigeait violemment.


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