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Les jeux d'autrefois

 


Gaïd Ribault, arrière petite fille du Docteur René Chambelland, m'a transmis une copie des cahiers rédigés par son arrière-arrière grand-père, Louis. Il y dépeint avec détails la vie dans nos campagnes entre 1870 et 1890. Voici un nouvel extrait de ces textes, consacré aux jeux que pratiquaient les enfants d'autrefois pour passer le temps lorsqu'ils gardaient les troupeaux.

Suit un extrait du livre de Michel Vernus, "Paysans Comtois au XVIIIe siècle", consacré à une tradition comtoise : le jeu de quilles.


groupe d'enfants, photo prise à Foncine le Bas, collection de Madame Cordier (transmise par Alain Napoléoni).


Tétot nous jouions à Tétot, (à la tête). Chaque joueur, muni d'un caillou aussi dur que possible (nous avions des silex arrondis qui faisaient bien l'affaire). Celui qui en était (le « patient ») posait son caillou, (sa tête) sur une grosse pierre, les autres, depuis le but, cherchaient à la faire tomber avec la leur, puis devaient aller chercher la leur en risquant de se faire toucher par le patient, s'il était touché, il prenait sa place.

Berger à Foncine le Bas (photo transmise par Alain Napoléoni)

Le Gueno d'où est venu le jeu anglais, le golf. On avait une boule en pierre ou en bois et chacun un long bâton, un trou au milieu du jeu, autant de trous à deux mètres l'un de l'autre. Il s'agissait pour le patient  d'amener avec son bâton, la boule dans le trou du milieu, mais les autres l'en empêchaient avec leur bâton. Si le patient pouvait mettre son bâton dans le trou d'un joueur dont le bâton était sorti, l'autre devenait patient. Si le patient arrivait à mettre la boule dans le trou du milieu (la chaudière) les joueurs changeaient vivement de trou, celui qui n'avait pas pu en avoir un devenait le patient.

Plante Boudon chaque joueur a en main un petit bâton pointu à un bout. Un joueur lance son bâton pour le planter dans le sol, un autre fait de même en essayant de faire tomber le bâton planté, les autres font de même, si aucun bâton n'est tombé le premier reprend le sien et cela continue jusqu'à ce qu'un bâton tombe, son propriétaire est « planté boudon » (bourdon). Celui qui a fait tomber le bâton avec le sien, le lance le plus loin qu'il peut. Alors Plante Boudon court le chercher en disant en partant « plante boudon » et tient le « on » bourdonnant jusqu'à son retour sans reprendre sa respiration. En cas d'échec, c'est à recommencer.

Le Pisti ou Quenet il faut un petit morceau de bois d'environ 10 cm taillé en pointe des deux bouts; une pierre comme tronc et un bâton court. Les joueurs sont divisés en deux camps. Le premier groupe est près du tronc. On pose le Pisti sur le bord de la pierre et après avoir crié « Pisti », les autres placés à une dizaine de mètres en avant répondant « oui », le joueur frappe sur le bout du pisti. Si le coup a été bien frappé, le pisti s'envole en tournant rapidement, les joueurs adverses cherchent à l'attraper avant sa chute. S'ils réussissent, c'est à leur groupe de jouer, sinon un des joueurs lance le pisti contre la pierre au pied de laquelle est le bâton. Si le bâton est touché, changement de groupe, sinon le premier joueur frappe trois coups sur le pisti dans le but de le faire sauter en s'éloignant de la pierre, il peut même, pendant que le pisti est en l'air, le frapper avec son bâton pour tâcher de l'éloigner encore. Les trois coups donnés, on mesurait la distance jusqu'à la pierre en longueurs du bâton. Lorsque l'un des groupes avait obtenu le nombre de longueurs fixé d'avance, avait lieu la pénitence pour les perdants.

Les gagnants près de la pierre étaient prêts, un d'eux frappaient sur le pisti pour le faire aller le plus loin possible et tandis qu'un des perdants courait le chercher et le poser sur la pierre, les gagnants se sauvaient à reculons.

les osselets

Le pisti posé, les gagnants s'arrêtaient, les autres allaient les chercher et devaient les ramener sur leur dos jusqu'au but. Ces différents jeux étaient des jeux de mouvement. Il y avait aussi des jeux tranquilles :

Les Pierrettes (osselets) qu'on reçoit sur le dos de la main, puis qu'on lance en l'air et avant de les recevoir, on doit en ramasser une ou plusieurs.

 

La Pichoulette, avec chacun un couteau de poche qu'on devait planter trois fois dans la terre en le lançant de plusieurs manières.


 


Les quilles et les cartes

extrait du livre de Michel Vernus : "Paysans Comtois"


Les temps difficiles de misère et de crainte étaient heureusement interrompus par de brèves trêves d'explosion de plaisirs et de joies.

cartes à jouer du XVIIIe siècle

Pour les humbles, le jeu et la fête permettaient de vivre momentanément une autre vie.

Moments organisés d'en haut par les autorités ou au contraire explosion de joie spontanée, la fête présentait toujours pour les humbles un défoulement hors du quotidien. Ces réjouissances scandaient de loin en loin la vie des populations rurales;

Les autorités religieuses et civiles déployaient toute leur vigilance à l'égard de la passion des jeux. Peine perdue ! Règlements municipaux, mises en garde du clergé, arrêts du parlement, amendes et condamnations, rien n'y faisait.

Les interdits sans cesse étaient transgressés . Un mémoire rédigé à Poligny concernant "les transgressions des commandements de Dieu et de l'église" constatait, en 1784, que "les jeux publics, billards, jeux de quilles, sont tenus ouverts pendant les offices de paroisse, les cabarets, demi-cabarets, gargottes sont remplis sans troubles les dimanches pendant les offices de paroisse comme les jours de travail ..."

A la fin du XVIIIe siècle, Lequinio note "Ils aiment (les jurassiens) beaucoup la table, mais surtout le jeu comme affaire d'intérêt : c'est la passion la plus marquée des jeunes gens ...".

A la mauvaise saison, les jeux de cartes faisaient fureur. Au cabaret, en dépit des interdictions, on jetait les cartes sur les tables dans une arrière-salle. On le faisait chez les particuliers à la veillée.

Le tarot, cependant, ne se développa qu'au siècle suivant. La demande en cartes était grande. Elle suscita une production comtoise. On en fabriquait à Besançon, à Dole et aussi à Salins; dans cette dernière ville Jacques Michaud, maître cartier, s'était installé vers 1760. Le succès des jeux de cartes était si grand que l'on vit un professeur de théologie à l'université de Besançon, Jean-Baptiste Bullet (1699 - 1775), éditer à Lyon en 1757, un ouvrage intitulé "Recherches historiques sur les cartes à jouer".

 

Le tarot est né au XVeme siècle en Italie.

Il introduit un élément fondamental aux jeux classiques : la notion d'atout.

Ces atouts appelés trionfi s'ajoutent au jeu de cartes italien habituel (coupes, épées, bâtons et deniers) en même temps qu'une dame entre le Roi et le Cavalier.

Au XVIè et XVIIè siècles, le terme tarocchi (qui donnera Tarock en allemand et tarot en français) s'impose.

 

Au XVIIIè siècle, le jeu se répand en Europe, en France, en Allemagne, mais ce n'est qu'après que les cartiers allemands eurent l'idée de remplacer les enseignes italiennes par les enseignes françaises que le jeu de tarot y connut sa vraie popularité.

En 1900, l'administration française demande à Grimaud de créer un «tarot nouveau» pour lutter contre le succès des cartes allemandes. Ce tarot nouveau est à peu de chose près celui qui est utilisé de nos jours.


Le jeu de quilles a sans doute été le jeu comtois par excellence. Il s'agit d'une vieille tradition pratiquée avec passion. Ce jeu fait même partie de l'imaginaire Comtois : à la Châtelaine, juste au-dessus d'Arbois, sur le plateau rocheux, une légende raconte que dans les ruines du château est enfoui un jeu de quilles en or.

Partout les quilliers, publics ou privés, existaient avec leur dalle carrée réservant les emplacements des quilles en creux. On jouait "au rabat" en cherchant par un geste circulaire à faire tomber le plus de quilles possible. De la plaine à la montagne ce jeu s'imposait comme la distraction favorite. Lequinio note que dans la région d'Orgelet, au jour de repos, les cartes et les quilles étaient le plaisir des hommes.

Souvent l'aire de jeu appartenait à la communauté, sa gestion était alors laissée à bail à un teneur. A Revigny, c'était la confrérie du Saint-Esprit qui, par acte notarié, laissait à trois habitants le bail pour un an, moyennant la somme de 3 livres. A Conliège, le jeu de quilles était laissé annuellement par les échevins à trois habitants pour 24 livres (1763). A Saint-Laurent la Roche, en 1790, le jeu de quilles était laissé pour 20 livres au plus offrant. A Arbois, le magistrat amodiait le droit de tenir le jeu de quilles par un bail triennal. Dans cette ville, des vignerons en général, obtenaient ce droit. Le prix en variait selon les servitudes et charges imparties aux retenants : entretien, épierrage, implantation d'arbres ... Au milieu du siècle, le montant du marché se situait entre 60 et 100 livres.

Autour des quilliers on pratiquaient souvent le jeu d'argent. A Lons-le-Saunier, le 21 décembre 1722 le magistrat supprime la ferme des jeux de quilles "parce que la jeunesse y est attirée et qu'il y est fait plaintes que les jeunes gens y portent jusqu'aux meubles de leurs parents ...".

jeu de quilles

Certaines parties tournaient mal : à Baume les Messieurs, un joueur lança sa boule sur un partenaire et le blessa (1723). Le 26 janvier 1744, à Saint-Germain, Joseph Grillet, vigneron de vingt ans raconte "Il regardait les personnes qui s'amusaient autour du jeu de quilles. Il vit Claude Joseph Favier, fils du recteur d'école, qui badinait avec le valet de Fèvre, gageait contre ce dernier qu'il n'arrêterait pas avec son pied la boule qu'il jetterait dans le jeu de quilles Favier jeta la boule, mais elle sortit du jeu et alla atteindre à la jambe Claude-Louis Thiboudet qui était assis et qui jouait aux cartes avec d'autres personnes proches du jeu; tout de suite, Thiboudet se leva, vint contre Favier, le saisit par les cheveux, lui donna un coup de pied dans le ventre, le renversa par terre et le battit. Survient alors le père de Favier pour le défendre, Thiboudet prit une boule, le poursuivit en l'injuriant et le frappa".


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