Les monnaies anciennes |
Plusieurs
textes de ce site font mention de monnaies anciennes telle la livre
tournois (citée dans la page "Mariage et Funérailles").
Voici quelques indications, pour la plupart extraites de l"Histoire
des Rousses" de l'abbé Marc BERTHET (publiée
en 1988 par la Société d'Émulation du Jura) qui
nous permettent d'avoir une idée de la complexité du
système monétaire de l'époque, en particulier
en Franche-Comté, où, jusqu'au rattachement au royaume
de France, cohabitaient deux systèmes : la monnaie estevenante
et la monnaie comtale.
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Les
Rousselands étaient en relations fréquentes avec les
Savoyards, les Bernois et par eux avec les marchands de Milan et de
Florence et naturellement avec le royaume de France. De ce fait une
diversité extraordinaire de monnaies était utilisée
surtout après la conquête française. Le secrétaire
de Ferdinand de Rye, archevêque de Besançon et abbé
de Saint-Claude, écrivait le 29 septembre 1634 : "Quant
au cours des monnaies, il est si incertain que je ne scay comme je
doibs respondre à ce qu'il vous a pleut m'en escrire et semble
qu'elles n'ayent plus de prix. Le sieur receveur estait icy il y a
environ huit jours qui voulut employer les pistoles à 9 francs
8 gros pièce, celles d'Italie à 9 francs 4 gros, le
Zequin à 5 francs 3 gros, les escus sols à 5 francs
1 gros, et quant aux monnaies d'argent, le ducaton passe pour 40 gros,
le philippe pour 3 francs et le patagon pour 33 gros le quart d'écu
pour 11 gros et ainsi des aultres monnaies". Pour 3 soitures
de pré, au Bief de la Chaille, François Prost fils de
feu Pierre Prost dit "à Petit Thoine", recevait
105 francs dont 60 payés en doublons d'Italie, ducatons, testons
d'Allemagne.
Depuis le système monétaire décimal introduit par la convention, le problème de la monnaie est simplifié, mais auparavant il était réellement compliqué. Voici quelques indications permettant de comprendre les textes de cette époque.
Dans le royaume de France, la monnaie de compte, unité conventionnelle servant à exprimer le montant des transactions, devint la Livre, tout d'abord la Livre Parisis (de Paris) à partir de Hugues Capet (987), puis la Livre Tournois (de Tours) utilisée dans l'Ouest de la France, qui supplanta la Livre Parisis à partir de Philippe Auguste. Le système de compte dans lequel 1 Livre tournois valait 20 sous (sols) et 1 sou 12 deniers resta en vigueur jusqu’à la fin du XVIIe siècle. Louis IX (St-Louis) imposa la monnaie royale, s'engageant, avec les premiers deniers à l'écu d'or en 1266 (écus), à ne frapper que de la monnaie de bon aloi. Cet écu ne circula pas, servant de monnaie de prestige. Ce ne fut que sous Philippe le Bel que les monnaies d'or et d'argent revinrent en circulation. Du 14e siècle à 1792
circula le liard, valant 3 deniers 1/4 de sou. En 1356 Jean le Bon fut fait prisonnier à Poitiers par les Anglais ; afin de le rendre "franc", c'est-à-dire libre, fut frappée une pièce d'or fin valant 1 livre tournois, dont la légende était : "Jean, roi des Francs par la grâce de Dieu" écrite en Latin ; cette pièce garda le nom de franc, puis l'on prit l'habitude d'appeler "franc" la livre tournois jusqu'à la fin du 17e siècle. En 1475 Louis XI remplace les écus par l'écu-sol (écu au soleil). Au 16e siècle de nouvelles pièces d'or apparaissent : masse, agnel, teston, royal, parisis, mouton, salut, franc, angelot, chacune correspondant en fait à une dévaluation. En 1575 Henri III frappa le franc d'argent, valant toujours 1 livre tournois, puis des 1/2 et 1/4 de franc. En 1641 Louis XIII crée le
louis d'or, qui gardera son poids de 6,75 g jusqu'en 1709 (l'écu
d'or fut démonétisé en 1679 et ne fut plus frappé
qu'en argent).
De 1701 à 1716 des billets
de monnaies furent remis en échange des pièces afin
de surcharger celles-ci, mais le remboursement se fit attendre et
les billets portèrent intérêt pour un remboursement
en 1704, les billets de plus de 150 livres étant convertis
en billets portant intérêt de 7,5 %, puis à 5
%. L'Aquitaine, le Guyennois, la Lorraine, la Bourgogne, Avignon, le Béarn, la Bretagne, Verdun, la Savoie bien sûr, continuèrent à frapper leur propre monnaie jusqu'à leur rattachement respectif au royaume de France.
En Franche-Comté, deux systèmes monétaire cohabitent. La monnaie estevenante des évêques de Besançon, exprimée en livres, sols, deniers; la monnaie comtale dont l'unité est le franc divisé en 12 gros de chacun 4 blancs ou 12 engrognes ou 10 niquets. Jusqu'à la conquête de la Vaud par les Bernois, les évêques de Lausanne et ceux de Genève frappèrent des monnaies; la monnaie genevoise est très répandue dans la terre de Saint-Claude. On trouve des deniers, des oboles, des gros, des parpaïolles, des testons. Après 1536, la monnaie bernoise s'impose; la base est le florin bernois qui vaut 4 batz, chaque batz équivaut à 3 sols de 12 deniers chacun. Au cours du XVIIIe siècle, une certaine unité se réalise; la livre suisse ou franc est de plus en plus utilisée; elle se divise en sols et deniers. Cette livre se paie 2 florins 1/2 ou 10 batz. Circulaient encore des pièces savoyardes, milanaises et florentines. La parité de toutes ces monnaies est très difficile à établir; elle a varié beaucoup au cours des siècles, et les spéculations sur les changes ont enrichi plus d'un marchand. Guillaume Carloz est condamné pour n'avoir alors voulu prendre en paiement les carolus que pour 9 deniers en 1630; ils valaient alors 2 blancs ou10 deniers.
Le denier estevenant était généralement pris pour les 4/5 du denier tournois, c'est à dire la livre estevenante se payait 16 sols tournois. Le franc de Bourgogne était un peu inférieur, les 2/3 de la livre tournois, soit 13 sols 4 deniers.
Pour comparer la monnaie bernoise à la monnaie bourguignonne, le ducaton de Milan est utilisé comme intermédiaire. Ce ducaton a varié de 28 batz à 37 1/2, entre 1603 et 1707. En 1618 il valait 30 batz, à la même date il était payé 3 francs de Bourgogne. En ce début du XVIIe siècle on peut établir les égalités suivantes : 1 franc de Bourgogne = 13 sols 4 deniers tournois = 10 batz bernois; en d'autres termes la livre tournois était payée 15 batz. La valeur de l'écu d'or, au soleil du roi de France, a varié beaucoup; en 1709, 43 variations de cours, et 35 variations sous le règne de Louis XVI. Au XVIe siècle son cours est de 3 livres tournois. Le petit écu bernois vaut 5 florins, l'écu bon un peu plus de 6 florins. Les pistoles d'Espagne s'échangeaient contre 4 francs et 1 gros. Le carolus a une valeur variable suivant sa grosseur et sa nature, l'un vaut 15 francs, un autre 3 francs 3 gros, et un troisième 10 deniers. L'écu de Berne valait 6 florins 3 sols en 1615, l'écu Patagon 8 florins en 1737. En francs de 2001, la livre valait 150F sous François 1er, 105 F de Henri II à Louis XIII, 62 F sous Louis XIV, 35 F sous Louis XVI, puis baissa encore à 19 F jusqu'à la Révolution. Sous Louis XVI circulent : Dans le langage courant le franc équivalait à la livre : d'où écu de 6 livres ou écu de 6 francs ; on ne disait jamais "6 francs", mais "1 écu". Cet usage demeurait au 19e siècle, où 3 francs étaient synonymes de 1 écu.
En 1790 sont émis les assignats, gagés sur la vente des biens d'Église, portant intérêts au départ puis vite simple papier-monnaie perdant jour après jour sa valeur jusqu'à leur disparition en Juillet 1795 ; ils permirent à beaucoup de s'enrichir (en les utilisant pour acquérir les biens saisis aux émigrés et au Clergé) et en ruinèrent beaucoup d'autres. En 1793 le buste de Louis XVI fut
remplacé sur le louis par une couronne de branches de chêne,
puis le Franc remplaça le Louis en 1795 ; il fut divisé
en 10 décimes, lui-même divisé en 10 centimes.
Sous le Directoire (1796) apparut la pièce de 5 F en argent. Napoléon 1er, la Restauration
puis Napoléon III conservèrent le Franc qui fut, de
1795 à 1914, d'une exceptionnelle stabilité, ne subissant
aucune dépréciation durant 119 ans. Le 1er Janvier 1960 entra en vigueur le Nouveau Franc. 1 Nouveau Franc valant 100 Anciens Francs. Le 17 Février 2002 le Franc disparaît, au profit de l'Euro monnaie Européenne. 1 Euro valant 6,55957 Francs. Pour terminer, voici une estimation de la journée d'ouvrier au cours des cinq derniers siècles; elle permettra de se faire une idée des prix en vigueur. Le salaire d'un ouvrier varie de 4 sous 7 deniers à 8 ou 10 sous entre 1487 et 1608; le salaire d'un manoeuvre passe de 1 sou en 1508 à 6 sous en 1608. En 1500 on achetait 13 litres de blé avec 1 sou; en 1600 c'est à peine 2 litres que l'on pouvait obtenir. En 1629, la journée d'ouvrier est payée 7 à 8 sous; le prix s'élève lentement : 20 sous en 1670, 25 ou 30 en 1789. La journée d'ouvrier se paie entre 1,50 francs et 2,25 francs vers 1840; elle est estimée à 4 francs en 1872. Avant 1914, un bon lunetier pouvait gagner 5 francs par jour.
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