http://foncinelebas.free.fr


Ramoneurs et charbonniers

cabane de charbonniers

texte tiré de "L'héritage de la terre Franc-Comtoise" par Bernadette Maréchal


Les ramoneurs sont nés il y a plus de quatre cents ans. Ils protègent les foyers contre le feu, ce qui leur vaut une popularité sans égale et leur attache la réputation de porte-bonheur.

Origine du mot "ramoneur" :

XIIIe :"ramoner" signifie balayer, puis le sens originel de balayer tombe dans l’oubli. Ce n’est qu’en 1606 qu’on peut lire dans le Trésor de la langue française de Jean Nicot (1) au mot ramoneur : "est indifféremment appelé quelconque qui use du Ramon", mais le français l’a restreint à "celui qui ramone les cheminées"

Fin XVIIe (1694) le Dictionnaire de l’Académie française donne la définition suivante "Ramoneur : celui dont le métier est de ramoner les cheminées, les ramoneurs viennent presque tous de Savoye".

Au XVIIIe, la révolution de la cheminée atteint sa pleine ampleur par l’invasion des demeures bourgeoises et des habitations collectives à étages peuplées de cheminées qu’il faut débarrasser de la suie. Le ramonage devient une activité courante, puis obligatoire.

Au XIXe, en 1870, le Dictionnaire Universel de Pierre Larousse, fait de savoyard un nom commun, "savoyard :.fumiste, ramoneur, la Savoie, fôurnissant un grand nombre d’hommes et d’enfants qui exercent cet état".

D'où viennent les ramoneurs ?

Aux XVIIIe et XIXe, les petits ramoneurs se répandent à travers la France, traversant les campagnes pour terminer leur course dans les grandes villes. Au XVIIIe l’expatriation des ramoneurs est entrée dans l’usage et est une source de revenus réguliers pour bon nombre de paroisses. Sous la Restauration, puis dans la moitié du XIXe, on compte un demi-millier de partants. Le maximum est atteint sous le Second Empire.

Les petits ramoneurs et bergers, étaient souvent savoyards, mais leur recrutement se fait dans trois régions : la Maurienne, la Tarentaise et la vallée d’Aoste; enfants de familles pauvres, ils quittaient leur maison vers l'âge de dix à treize ans. Les filles, quant à elles, étaient placées dans quelque maison bourgeoise. Certaines trouvaient de bons et généreux patrons et patronnes, d'autres vivaient sous la dictature de maîtres méprisants et méprisables, un esclavage que leur très jeune âge et la séparation de leurs parents rendaient insupportable.

Chaque semaine ou pour certains, chaque mois, ces pauvres petits ramenaient à la maison le maigre salaire que leur avait rapporté un travail péniblement démesuré pour leur âge. Les familles étaient nombreuses, frères et soeurs vivaient souvent grâce aux revenus des plus grands. Nos petits ramoneurs étaient souvent embauchés par les marchands de bois ou de charbon. Levés à six heures et équipés de genouillères, de raclettes et de cuirasses, ils partaient avec leur chef, qui lui portait le hérisson et la tringle à nettoyer les tuyaux. Les gosses montaient dans les conduites des cheminées, en s'aidant des genoux et des coudes : à mesure qu'ils montaient, ils raclaient la suie. Ils n'étaient habillés que des vêtements que les gens voulaient bien leur donner. Ils usaient beaucoup, leurs vêtements étaient toujours déchirés et noirs de suie. Sur la tête, ils coiffaient un bonnet qu'ils tiraient jusque sous le menton lorsqu'ils montaient dans les cheminées. On reconnaissait facilement les nouveaux venus parce que leurs genoux étaient écorchés, le patron leur passait la peau à la flamme d'une chandelle. Au bout de quinze jours, elle s'était durcie et ne craignait plus les rudesses du métier. Oui le métier était rude, et dangereux. Certaines cheminées dépassaient le toit de plusieurs mètres et il leur fallait y grimper pour tirer le hérisson. Certaines autres étaient trop étroites et même les plus petits ne pouvaient s'y glisser. Un d'entre eux racontait un jour, comment resté coincé dans une conduite, terrorisé à l'idée de la réprimande du chef, il était resté là, pleurant sans oser redescendre.

charbonniers

Le jour de la Saint Gras (2) en général, les troupes de petits Savoyards s’en vont par les chemins, suivant un itinéraire précis. Chaque maître ramoneur a sa tournée et malheur à qui s’avisait d’aller chasser sur les terres d’autrui. Des rixes violentes s’ensuivaient. La saison d'été se passait en ville, celles d'automne et d'hiver en campagne, durant lesquelles ils traversaient plusieurs départements à pied, même pieds nus pour économiser les sabots. Ils abattent des étapes de 40 à 50 kms par jour, les plus forts chargés de marchandises. Souvent ils marchent la nuit pour échapper à la police, à l’affût de toute sorte de mendicité. Même quand circulèrent les chemins de fer, on fit encore à pied le voyage aller; pour le retour, les ramoneurs obtenaient du PLM un permis à demi-tarif pour être rapatriés comme chômeurs. Lors de leurs déplacements ils tiraient derrière eux une charrette sur laquelle ils entassaient la suie récoltée. cette suie était ensuite expédiée au Creusot pour la trempe des aciers. Ils dormaient dans les granges ou dans les écuries, parfois dans des hangars où, loin de la chaleur des bêtes, ils devaient se couvrir de leurs sacs à suie pour ne pas grelotter de froid. Leurs repas étaient composés des dons que les paysans leur faisaient : pain, lard, parfois du vin. Voyageant ainsi de commune en commune, ils frappaient tout d'abord à la porte du maire qui leur indiquait chez qui ils devaient aller. Les habitants de certaines communes se montraient plus généreux que d'autres. En général aussi, bourgeois et châtelains se révélaient méprisants et avares alors que les petits propriétaires et ceux qui avaient peu pour eux-mêmes, cherchaient avec bon coeur et générosité à faire plaisir et consoler.

meules de charbonniers

On demandait au ramoneur de chanter lorsqu'il atteignait le haut de la cheminée, alors avec courage, il faisait marcher sa raclette et arrivé au sommet, il s'asseyait sur le rebord et chantait tout son répertoire; les chansons étaient plutôt osées, mais les enfants qui écoutaient ne comprenaient pas, ce n'était donc pas grave ... L'hiver était redoutable, alors que le chef portait un long manteau de cuir, les petits ramoneurs tremblants de froid, n'avaient sur les épaules qu'un sac. Ils ne pouvaient se réchauffer que dans les cheminées encore vivantes du feu que l'on venait d'éteindre. Il leur fallait de plus tirer, parfois dans la neige épaisse, leur lourde charrette de suie.

Se mettre à table avec un ramoneur portait bonheur. On l'invitait à dîner les jours de noce s'il se trouvait d'être là. Le dimanche ils ne travaillaient que jusqu'à dix heures, puis ils quittaient leurs bonnets, coiffaient leurs casquettes et sortaient en ville.

Parmi les autres métiers itinérants, il y avait aussi les charbonniers. Ils passaient de commune en commune pour nettoyer les forêts et fabriquer avec le bois coupé, du charbon de bois. Ils leur fallait fabriquer de grosses meules agencées de façon très spéciale de façon que le bois se consume sans trop d'air ce qui l'eut réduit en cendres. On voit encore tout au long de nos chemins, des sortes de creux arrondis, ce sont les trous des charbonniers. En grattant un peu, on y trouve encore quelques menus morceaux de charbon. ces gens, habitants des forêts, avaient souvent maille à partir avec les loups, ils vivaient et devaient organiser leurs vies avec eux. les femmes, par exemple, installaient leurs bébés dans des sacs qu'elles pendaient dans les arbres de peur que les loups ne les leur volent.

Les fumerons éliminés, ils vendaient le charbon en ville où il brûlait sans fumée dans des poêles dépourvus de cheminées. "Marchands de charbon !" criait-ils dans les rues. "Dis petit charbonnier, un double !" lui répondait les citadins.

(1) Jean Nicot : 1530 - 1600. On lui doit le premier dictionnaire de la langue française consacré à cette langue Seule (Trésor de la langue française)

(2) Saint Gras : 7 septembre. Évêque d’Aoste au Ve siècle. Son culte est répandu sur les deux versants dus Alpes : en Savoie et en Piémont.


haut de page