La Borne au lion,entre Royaume et Empire
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du Crêt de Chalam
texte de Charles Thevenin ("le progrès" juin 2005) Charlemagne avait tenté d'être clair, "sieut peudet aqua" (comme l'eau coule). Mais les montagnes jurassiennes n'ont pas toutes la même rigueur géométrique du toit de l'église des Rousses qui, comme chacun sait, envoie l'eau vers l'océan ou la Méditerranée suivant le côté sur lequel tombe la pluie.
Les rapports, toujours empreints d'animosité entre la Libre Comté, "possession" d'Empire ou d'Espagne, et le Pays de gex, la Bresse, terres de France et donc de "Royaume", n'avaient pas facilité une maintenance sereine des confins. Ce fut même longtemps des endroits qu'il fallait mieux éviter. Quelques accords, au début du XIIème siècle, entre les établissements religieux suzerains, Saint-Claude et Nantua, avaient tenté d'éclaircir des données nébuleuses. Mais les termes descriptifs comportaient des notions que l'évolution linguistique s'empressa d'opacifier. Chacune des deux parties interprétait certaines bribes de phrase à sa manière. ces libres traductions permettaient, toutes les fois, de revendiquer quelques hectomètres supplémentaires. Pourtant le bons sens finit par triompher. Au mois de février 1612, des plénipotentiaires réunis à Auxonne, mirent au point, un traité fameux puisqu'il reste encore en vigueur aujourd'hui, ou presque ... C'est ainsi que par une belle journée de septembre 1613, Jacques Venot, représentant le Royaume de France et Claude Brun, désigné par les Comtes de Bourgogne, s'avancèrent sur les montagnes qui dominent Chezery la française et les Bouchoux, village comtois. Assurément ils n'étaient pas seuls. La "corvée" qui les accompagnait était lestée d'un certain nombre de blocs de pierre quadrangulaires ou vaguement pyramidaux. Sur deux faces opposées, les armes des protagonistes avaient été sculptées. D'un côté on voit le lys de France, sur l'autre rugit le Lion comtois, "suivant quoy a este plantée à l'instant, au même lieu une grosse borne de pierre carrée, armoyée des armes de la France du côsté de midi, de celle du Comté de Bourgogne du côsté de septentrion". Près de quatre cents ans plus tard, certaines de ces bornes sont toujours en place. La plus célèbre, la Borne au Lion, monte la garde dans un paysage fabuleux, dominé par le Crêt de Chalam. pas très loin, se trouve celle du Berbois et celle du Nerbier. Il y en a encore une dans la combe d'Evuaz, au bord d'une petite route qui regarde le Bief Brun se noyer dans la Sémine. La Borne de Beauregard fut enlevée en 1978 par une main malveillante. Mais l'encombrement du butin et surtout la campagne de presse indignée qui suivit le larcin, contraignit le voleur à la redéposer quasiment sur place. La mieux conservée se trouve aux Cernoises. Il en existe encore une, au sud de Viry, vers la Boissière, à l'entrée du défilé de Rochetaillée. Toutes, en tous cas, poursuivent obstinément leurs carrières administratives. Bien sûr, les ondes belliqueuses qui ont justifié leur mise en place se sont délitées. Il n'y a plus d'animosité entre Empire et Royaume. Mais cette ligne de bornes continue à matérialiser les confins départementaux Jura/Ain. A leurs contacts, on change toujours de provinces, de pays, de cantons. |