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Du Jura à la Guyane


En 1814, la Guyane, que Napoléon avait perdu en 1809, avait été restituée à la France. La monarchie avait décidé d'y établir "une population nationale et libre, capable de résister, par elle-même, aux attaques étrangères et de servir de boulevard aux autres colonies françaises d'Amérique". On avait choisi des terres de qualité, dont le secteur de Mana, et amené des cultivateurs et des ouvriers français. 163 hommes s'y sont installés en juillet 1823. Ils venaient du Jura, on dit même d'Arbois. Ils cultivaient le rocou, le coton, la canne à sucre, et le clou de girofle. Mais la découverte de mines d'or a fait oublier ces cultures.

Henri A. Coudreau, dans ses "Etudes sur les Guyanes et l'Amazone" rapporte un cas particulier intéressant :


Le débarquement des François pour l'établissement de la nouvelle colonie, dans le port de la nouvelle Cayenne

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En 1824, trois familles du Jura, composées de 27 personnes, furent installés, aux frais de l'État, sur les bord de la Mana. Les jurassiens furent déposés à huit kilomètres seulement de l' embouchure de la rivière.

Les trois familles avaient intelligemment été pourvues de toutes les choses nécessaires. Le site était réellement bien choisi. Les colons avaient à proximité, de grandes forêts, de grandes savanes et des terres basses. L'entreprise devait réussir. En effet, le bétail se multiplia rapidement. Les riches et grasses terres de savanes donnèrent de magnifiques récoltes de maïs, jusqu'à trois et même quatre par an. Tant que les jurassiens ne s'adonnèrent qu'à des cultures qu'ils avaient déjà pratiquées en France, ils réussirent parfaitement. Il faut aussi rendre justice à l'administration d'alors et dire qu'elle fut assez sage pour ne pas bureaucratiser la petite colonie.

Eglise de Mana, construite en 1840

Mais bientôt nos francs-comtois abandonnèrent les cultures qui leur avaient procuré une large aisance, pour s'abandonner à celle de la canne et du coton qu'ils supposaient plus lucratives.

Malgré l'insuffisance de bras, d'outillage, de capitaux, de connaissances techniques, la réussite des petits colons, devenus subitement planteurs, fut complète.

Ce fut un malheur. Dans l'enthousiasme du premier moment, nos hommes écrivirent à leur amis de France pour les engager à les rejoindre. Les enfants du Jura arrivèrent par dizaines, par centaines, sans capitaux et ce qui est pis, sans amour du travail. L'espoir d'une fortune rapide, la séduction du luxe, envoyèrent, à Mana quantité de ces mauvais colons, de ces dévoyés ambitieux et fainéants, comme l'émigration en recrute tant. L'encombrement fut une première cause de misère. Un trop prompt découragement amena la ruine. Le noyau primitif ayant l'habitude du pays et de ses cultures eut dû revenir au bétail, au maïs, faire les bois; mais honteux de ne pouvoir réaliser les promesses inconsidérées qu'il avait faites, il s'obstina dans la voie fausse qu'il avait indiquée aux amis et préféra courir au désastre que de revenir à la modeste aisance des premiers jours.

Anne-Marie Javouhey

Quand une famille part avec ses bras et quelques milliers de francs pour coloniser un pays neuf, elle ne doit compter que sur l'aisance qui, à la génération suivante, deviendra la fortune. Mais à rêver autre chose, il n'y a qu' ignorance et folie. C'est déjà bien beau de changer la misère du manouvrier contre l'aisance du propriétaire.

La colonie végéta jusqu'en 1826. A cette époque elle fut rapatriée tout entière. Il est à remarquer qu'aucun de ces européens n'avait été malade. Dont acte : le Jura peut s'acclimater aux savanes de Guyane.

Les Académies et l'administration s'étaient-elle trompées ?

Non. En 1828 Madame Javouhey, fondatrice et supérieure de l'ordre des soeurs de Saint-Joseph de Cluny, que l'on disait être un grand homme, fonda, non loin de l'ancien campement des familles du Jura une école, une ménagerie philanthropique disait-on qu'ont fréquentés six cents Manaouayes.

               

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