Foncine le Bas et sa gare |
La revue "Chemins de fer régionaux et tramways" a publié en 2005, dans un numéro spécial, une étude approfondie d'Elie Mandrillon sur les chemins de fer vicinaux du Jura. Cette étude, donne des précisions techniques intéressantes sur la naissance, la courte vie, puis sur l'agonie de ces chemins de fer. Elle fait une place importante aux lignes Clairvaux - Foncine et Champagnole - Foncine le Bas. D'autre part, la première page de sa couverture est consacrée à une "vue d'artiste de la gare de Foncine le Bas durant l'été 1928, où coexistent la vapeur, l'automotrice électrique et l'automotrice à essence". Foncine le Bas mérite bien cet honneur. En effet, si ce village a eu quelques années de célébrité, il le doit certes à ses scieurs et marchands de bois et à ses diamantaires et lunetiers, mais aussi à sa gare. Dès 1907, Foncine le Bas avait une petite gare où s'arrêtait le Tacot, mais en 1927, le Tram venant de Champagnole, faisait d'elle un terminus et presque un nœud ferroviaire, puisque d'elle, on partait pour Lons, Champagnole et quelques fois Mouthe.
Le TACOT
Tortillard d'abord, car beaucoup de villages l'avaient voulu, puis Tacot, il arrive en 1907. Il vient de Lons. Il a parcouru 65 km en cinq heures, il a desservi 30 gares où haltes facultatives. Il entre dans la commune par un tunnel. Il en sort par un viaduc.
On l'attend depuis 1898. On l'inaugure le 11 août 1907 alors que le ballastage n'est pas encore stabilisé; Déjà les ingénieurs pronostiquent un bien faible trafic. En 1914, il a trouvé son rythme : trois aller-retour par jour. Mais avec la guerre le personnel est réduit, les matières premières manquent. On revient à deux aller-retour par jour. Faute d'entretien les machines s'usent, l'inflation sévit, c'est le déficit, il faut économiser. En 1923, on essaye des automotrices, moins gourmandes, pour le transport des voyageurs. Les essais sont désastreux. Elles sont tout de même mises en services avec un horaire accéléré difficile à tenir pour les trains vapeur qui les remplacent fréquemment. Au début de 1929 elles sont déjà garées, leurs moteurs étant hors d'usage. Le Département réfléchit. Finalement il décide, le 9 février 1931, d 'assurer le transport des voyageurs par autobus et de continuer celui des marchandises par le rail. Il faut dire qu'une grande partie du trafic s'est envolé vers les transporteurs privés par autobus à la suite de la grève qui a paralysé le réseau du 20 juillet à la mi-septembre 1930.
Cette décision est appliquée sur la ligne de Foncine le Haut le 20 avril. On garde cependant un aller-retour le jeudi, jour de marché à Lons. Cette exception cesse en mai 1932. Dès lors les trains de marchandises voyageurs, ne circuleront que les jours où la neige interdira aux autobus de rouler. En 1932, quand il quittera la ferme du Bas des Prés pour Clairvaux, Marcel Vionnet embarquera ses bêtes, son matériel et sa famille dans un de ces trains. A partir de 1935 seuls les trains de marchandises sont assurés. Puis en 1937 le département décide de fermer la ligne à compter du 1er janvier 1938 avec enlèvement immédiat des rails afin d'éviter toute demande de réouverture. C'est un tollé. On rouvre le 4 mars et on ferme à nouveau le 8 avril, cette fois pour toujours. Un nouveau sursis est accordé à la section qui relie les deux Foncines En novembre 1939 le ministère donne son accord pour le déclassement de la ligne, mais c'est la guerre, le décret n'est pas publié. Quelques hoquets, puis en juin 1940, la ligne de démarcation coupe la voie à Ilay. En 1943 elle est déférée. Le TRAM Le Tram est plus jeune que le Tacot. Mis à l'enquête en 1909, déclaré d'utilité publique en 1912, c'est en 1924 que sa construction commence réellement. On a hésité entre la vapeur et l'électricité, puis entre le 3000 et le 1500 volts. Les poteaux et la ligne de contact sont posés en 1926.
"La date d'ouverture initialement prévue le 1er juin 1926, est repoussée au 6 septembre, puis au 15 octobre, et les ingénieurs doivent finalement se résoudre à la reporter au début de l'année 1927. Les premiers essais électriques ont lieu le 23 novembre 1926. Bien que réussis, ils ne sont pas validés par le Département. Les essais définitifs sont réalisés le 25 février 1927, mais suite à un claquage des isolants de la ligne aérienne, de nouveaux essais doivent être pratiqués le 5 mars, après purge de la ligne électrique". La ligne Champagnole - Foncine le Bas est mise en service le 11 mars 1927. Elle est inaugurée le 21 août en même temps que la ligne de Boujailles, qui avait pris du retard. Le Tram (ne pas confondre avec le Tacot), vient de Champagnole, 23 km en une heure. Il est passé par Sirod. De La Perrena, il est descendu vers les Gorges de la Saine qu'il trouve aux Planches, à quelques pas de la Langouette. Et le voilà sur la commune de Foncine le Bas. La montée est rude. Il ralentit, et c'est heureux, car le dernier kilomètre qui le sépare de son terminus "vaut le voyage". Un premier viaduc enjambe le Bief de la Ruine et découvre ses superbes cascades; puis après un tunnel, là où il n'y a pas de place pour des rails au bord de la rivière, un second viaduc, sur la Saine cette fois, permet de découvrir la gare, le village, les foyards des Douanets et les sapins du Mont-Noir (voir la petite galerie de photos sur l'ancienne voie du Tram). L'inauguration n'y fait rien, les orages amènent toujours les claquages. Ceux-ci s'ajoutent aux coupures de courant de la part du fournisseur ( la Société des Forces Motrices de la Loue). On installe des parafoudres; on essaie de nouveaux isolants. Enfin, en 1930 on remplace tout. En 1938, comme le Tacot, le Tram coûte cher. Les automobiles et autobus lui prennent ses clients. Il bénéficie cependant d'un sursis. Il est très utile pendant la guerre et l'occupation. L'automotrice est remise en service; en raison de la pénurie en essence, on lui greffe un gazobois. En 1946 la ligne aérienne est totalement à refaire. Grâce à Foncine le Haut, un nouveau sursis est accordé. On envisage même d'électrifier le tronçon qui relie les deux Foncines. On se contentera d'une navette par automotrice. "Les bilans financiers catastrophiques de la dernière ligne encore exploitée par voie ferrée font sauter les dernières oppositions à la fermeture. Et à partir du 1er avril 1950, toute activité ferroviaire cesse. La voie est immédiatement déposée et le matériel roulant vendu à la ferraille. Le déclassement intervient le 13 septembre 1951 et la désaffectation des bâtiments le 2 octobre 1952". Entre les deux Foncines La section Foncine le Bas - Foncine le Haut est un cas particulier. Foncine le Haut est devenu un village touristique. Après 1938 il reste relié à Mouthe et Pontarlier par les Chemins de fer du Doubs mais plus rien ne le relie à Champagnole et Lons. On essaie un locotracteur à essence venant de Champagnole, pour le trafic à la demande des marchandises.
Deux navettes sont assurées par semaine. Durant l'occupation les allemands demandent que le département du Doubs prolonge la ligne Mouthe - Foncine le Haut jusqu'à Saint-Laurent. Sans succès, la neige et le peu d'empressement du département du Doubs ont le dernier mot. En janvier 1942 la voie n'est plus praticable. Seuls circuleront jusqu'en 1946, à la demande, quelques trains de marchandises. Peut-être peut-on ajouter ici un renseignement que donne le père Doudier dans son "Foncine le haut 1815 - 1980" : en 1907, un projet avec enquête d'utilité publique porta sur le trajet Foncine le Haut - Mouthe. Une convention fut signée le 27 septembre 1912 et les travaux commencèrent. Mais on songea qu'en hiver, la neige tombant des toits ne manquerait pas d'obstruer la voie. Finalement, après une longue interruption, la ligne fut ouverte le 14 août 1927 et ne fut utilisée que peu de temps.
Et plus loin, le père Doudier précise : "une étude sérieuse fait ressortir que pour l'ensemble du département du Jura, la dépense globale doit être comprise entre 20 et 30 millions de francs-or, dont plus de la moitié fut supportée par le département".
En 1952 tout est fini. La gare et le tunnel du Tacot sont vendus à des particuliers. Le viaduc devient le chemin d'accès aux Douanets. La voie du Tram conduit les randonneurs à la superbe et intermittente cascade du Bief de la Ruine. Elle est aussi l'un des plus beaux tronçons de la Tramjurassienne.
Cette activité ferroviaire aura survécu aux entreprises qui un moment ont fait la richesse du village. Les douaniers, les premiers arrivés étaient partis avant le début du siècle. Les diamantaires, les lunetiers, les horlogers avaient émigré 1940. Plus que les autres la gare avait marqué son temps. Des noms sont resté dans les mémoires comme les Chevassus (chef de gare), les Biard, les Besson, les Tillet, les Personnier. Charles BRENOT qui fut le conducteur des travaux du Tram, avait épousé une dame Berrod, issue d'une famille d'industriels de Foncine le Bas. Il avait hérité du gros bâtiment qui se trouve à côté du pont sur la Sainette. Il est mort à Marseille en 1960 et il est inhumé au cimetière de Foncine le Bas. |