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Titanesques viaducs


Dans son livre sur la construction de la voie ferrée Champagnole -Morez ("Les voies ferrées du Haut-Jura et des Carpates") Joseph Becu donne quelques renseignements intéressants sur Entre deux monts.

En voici quelques uns :

Le 23 mars 1892, il y a une tempête de neige. Athur Mignot, journalier, est occupé à déblayer la voie. Il est tué vers 3 heures de l'après-midi par le train 1248 près de la Chaux.

Le nommé Blondeau, aubergiste au Pont de la Chaux, est tué par le train 1239 près de la même gare.

Un ouvrier italien travaillant sur la voie à Morillon est atteint de la variole. L'hospice de Nozeroy refuse de le recevoir. Le maire d'Entre deux monts doit en référer au préfet. Finalement il n'y aura ici, que deux ouvriers atteints de cette maladie. L'épidémie se transportera dans le secteur Tancua/Morbier.

Au Vaudioux, le chef de gare avait autorisé le fils du facteur (Picquet) à vendre des cyclamens aux voyageurs pendant les arrêts du train. Le jeune vendeur, âgé de 15 ans, a failli être écrasé. Le chef de gare annule son autorisation.


gare du Pont de la Chaux

extrait du "Progrès" des 26 février et 2 mars 2001

Entre l'arrivée du premier du premier train à Dole en 1855 et l'inauguration du dernier tronçon "grandes lignes" à Saint-Claude en 1912, le Jura a connu une période de travaux titanesques qui se poursuivront jusqu'en 1930 avec la construction des voies étroites du "tacot". Durant un siècle, la voie ferrée aura été "un trait d'union entre les personnes, les villages, les villes, les régions" et n'aura pas peu contribué au désenclavement du département.

La voie ferrée du Haut-Jura et celle des Carpates, entre Bourg-en-Bresse et Bellegarde, sont classées parmi les plus belles lignes ferroviaires de France, voire d'Europe. Deux lignes qui sont le résultat de plusieurs années de travaux titanesques.

Quarante-cinq ans de travaux ont été nécessaires à la construction des 103 kilomètres de voies ferrée du tronçon reliant Champagnole à la cluse. Tout autant que la construction, l'entretien a été un travail de longue haleine et difficile. Car une ligne de montagne demande plus de soins qu'une ligne de plaine. Se sont également ajoutés les problèmes du déneigement, surtout au début du siècle où les hivers furent particulièrement longs, des chutes de rochers ou de troncs d'arbres, de la réfection des ponts secoués par les crues de la Bienne ...

La construction de cette ligne du Haut Jura fut une véritable épopée que Joseph Bécu, l'historien jurassien du rail, retrace dans son ouvrage "Les voies ferrées du Haut Jura et des Carpates", paru en fin d'année 2000.

"La beauté de la ligne, des paysages traversés, des forêts jurassiennes vertes ou enneigées, du viaduc de Cize-Bolozon, de la descente sur Morez ou de la remontée sont évidemment des sites exceptionnels" raconte t'il. "D'ailleurs, le succès des voyages de Lédorail avec sa machine à vapeur, les passages réguliers des autorails démontrent l'intérêt de nombreuses personnes qui, aujourd'hui encore décident toujours de revenir ..."

La ligne du Haut Jura fait partie intégrante du patrimoine de cette région qu'elle traverse. "Les viaducs de Morez sont d'une telle beauté qu'ils s'intègrent magnifiquement dans le paysage. Le prix qu'elle a coûté, les vies qui lui ont été données méritent que nous ne l'abandonnions pas !" considère Joseph Bécu dans la préface de son ouvrage qui se veut un hommage aux ouvriers qui, pendant 45 ans, ont travaillé à la construction de cette ligne et permis le développement de l'industrie du Haut Jura tout au long du 20em siècle.

"Mon but est de faire partager le travail titanesque qu'il a fallu réaliser pour construire cette ligne, il a fallu surmonter des obstacles naturels qui ont fait reculer plusieurs ingénieurs devant la tâche à accomplir ... Il a fallu l'entêtement des Jurassiens pour convaincre les politiques de l'utilité économique, stratégique et humaine de cette voie ferrée. La survie des habitants de la montagne et des vallées était à ce prix. Les villes avaient besoin de ce moyen de transport moderne pour résister à la concurrence étrangère mieux lotie et plus compétitive ..."

Le résultat fut et reste prodigieux. Entre Morbier et Morez, les ingénieurs qui ont conçu la ligne ont du "rattraper" la différence d'altitude, en dessinant un tracé de 5500 mètres qui déjoue les pièges du sol grâce à une succession d'ouvrages d'art et de souterrains.

Avec ses 217 mètres de longueur et ses 18 arches qui surplombent la vallée à une vingtaine de mètres de hauteur, celui de l'Evalude est tout aussi impressionnant. Des années de travail ont été nécessaires à l'achèvement de cette construction. Des milliers d'ouvriers, pour la plupart italiens, y ont travaillé dans des conditions inhumaines, luttant sans cesse contre les éboulements de pierres et les chutes de neige. Beaucoup l'ont payé de leur vie.

Mouchard, noeud ferroviaire

Plus de 160 ans d'existence et de bons et loyaux services. La gare de Mouchard a joué et continue de jouer un rôle capital pour toute la région, sur les plans stratégiques, démographiques et économiques. Véritable noeud ferroviaire , passage obligé vers toutes les directions et destinations, son implantation en plein coeur de la cité du bois ne fut pas un hasard.

Lors du tracé des premières lignes de chemin de fer, avant le milieu du 19ème siècle, nos ancêtres avaient bien mesuré l'importance de la situation géographique occupée par la cité muscadienne. Importance statégique à une époque où la rapidité des déplacements de troupes et de leur intendance pouvait se révéler capitale pour la sécurité de la patrie. Importance économique et démographique pour des régions excentrées et enclavées.

En effet depuis Mouchard, le voyageur peut prétendre se rendre dans toute l'Europe et au delà. Ligne directe pour la capitale permettant de rejoindre le Nord et l'Ouest; ligne pour la Suisse et tout le Sud-Est et l'Orient ; ligne vers Lyon permettant de gagner le Sud-Ouest, l'Espagne et l'Afrique; ligne vers Strasbourg, l'Europe de l'Est, la Russie et les pays nordiques. Que d'efforts humains pour aboutir à ce résultat. Percer, forer, creuser, remblayer, construire, tout cela dans un paysage et sur un terrain qui ne s'y prêtaient pas toujours et pour lesquels il a fallu déployer beaucoup d'ingéniosité. Les témoignages nous sont parvenus, un siècle et demi après, comme la formidable tranchée creusée pour faire passer la ligne de Vallorbe et de Salins ou bien encore celle qui mène à Arbois et Lons. Talus remblayés avec le machefer des locos à vapeur, construction des quais bordant les voies en direction de Besançon, roche taillée et minée à la main du coteau des Vignes, la gare de Mouchard reste un exemple de cette entreprise opiniâtre et un peu folle que lancèrent ces hommes du 19ème siècle avec des moyens bien modestes.

Infrastructures et installation de personnes donnèrent un bel élan à la cité muscadienne. Il faut imaginer aujourd'hui le dépôt de machines à vapeur, bien utiles pour pousser les trains qui montaient la difficile rampe de la ligne de Vallorbe. Il faut imaginer les quais encombrés de marchandises. Il faut imaginer l'effervescence des agents de trains, des agents de gare, du nombreux personnel d'entretien des voies. Pour eux furent construites les cités du "Bel-Air", plus communément appelées "cités SNCF" et qui aujourd'hui, au vu de la baisse inexorable des effectifs cheminots ont dû être cédées à un organisme d'habitat jurassien et n'abritent pratiquement plus d'employés des chemins de fer. Car progrès et modernisation ont entraîné comme ailleurs la baisse des effectifs . De deux cents cheminots autrefois, la gare de Mouchard n'en emploie plus aujourd'hui que cinquante. La gare de Mouchard entre dans une nouvelle ère , avec l'avènement du TGV et la création en janvier 1984 de la liaison Paris - Lausanne puis le baptême quelques mois plus tard de la rame TGV 74 aux armes de Mouchard-Arbois-Port-Lesney. Les bâtiments se transforment, les souterrains se creusent, les lignes s'électrifient. Le 25000 volts gagne toutes les lignes et la dernière portion, qui relie Frasnois à Saint Amour, se termine en 1995.

Avec cet extraordinaire bond en avant , la physionomie du chemin de fer se transforme . Les dessertes marchandises ne font pratiquement plus partie du décor et le dépôt ne sert plus désormais qu'à abriter un locotracteur de gare et quelques automoteurs pour les nuits. La plaque tournante est partie un beau matin sous les chalumeaux des démolisseurs. La nostalgie du passé a gagné les anciens cheminots et malgré leurs récits, la relève montante (celle de l'ordinateur qui a envahi les guichets du commercial et les pupitres des chefs de sécurité et des aiguilleurs) a entamé un tout autre parcours dans un tout autre et nouvel esprit. Pourtant la gare de la cité du bois traverse bravement les vicissitudes et beaucoup espèrent, malgré les craintes, qu'elle continuera à assurer le rôle important pour lequel elle avait été créée.


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