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Les diligences

 


Dans son livre qu'il écrit en 1900, Raoul SEBILE, décrit à travers l'exemple de Champagnole, la manière dont les transports s'organisaient dans la région, au XIXeme siècle. Les voyageurs comme que le courrier, se déplaçaient alors à la vitesse du cheval. Mais d'autres moyens de transports, plus inattendus, étaient également à la mode dans les villes et pour les petits trajets.


menuService Postal

Le nombre de diligences diminue chaque jour. Bientôt le chemin de fer les aura partout remplacé. Une lettre partant de Paris parcourait 109 lieues de poste pour arriver à Champagnole à l'hôtel de la Poste ou s'opérait le relais de la diligence.

En 1821, le courrier de Paris arrivait les lundi, mardi, jeudi et samedi à 11 heures du soir et se distribuait le lendemain; il partait les mardi, jeudi et dimanche à 11 heures du matin. Une diligence partait chaque jour pour Salins et Besançon.

En 1832, le passage de la diligence de Dole à Genève avait lieu à 10 heures du soir, et celle de Genève à Dole à la même heure. Une messagerie arrivait tous les 2 jours dans l'après-midi venant de Lons le Saunier, et repartait le lendemain pour la même destination.

En 1847, un nouvel horaire fut établi pour la malle poste de Paris à Genève. 496 kilomètres en 34 heures 30 à l'aller et 36 heures 30 au retour.

Aller : départ de Paris 6 heures 30 du soir - Dole 6 heures du soir - Mont sous Vaudrey 7 heures - Poligny 8 heures - Champagnole 10 heures - Saint Laurent minuit - Morez 1 heure du matin - Les Rousses 1 heure 30

Retour : départ de Genève à 3 heures du soir - Les Rousses 7 heures - Morez 7 heures 20 - Saint Laurent 8 heures 30 - Champagnole 10 heures 30 - Poligny minuit - Mont sous Vaudrez 1 heure du matin.

On établit aussi un service de Champagnole à Lons le Saunier, 32 kilomètres en 4 heures à l'aller comme au retour.

Aller : départ de Champagnole à 11 heures du soir, subordonné au passage aller et retour de la malle-poste de Paris à Genève - Mirebel 1 heure du matin - Lons le Saunier 3 heures du matin.

Retour : à Lons le Saunier à 4 heures du soir, Mirebel à 6 heures, Champagnole à 8 heures.

En vertu d'une loi remontant au 15 mars 1827, la taxe des lettres était proportionnelle à la distance. Une carte de France disposée de manière à permettre de calculer aussi promptement que possible les sommes à percevoir était la base des opérations. Il était nécessaire de mesurer la distance en ligne droite séparant le bureau d'origine du bureau de destination et de la reporter sur une échelle de tarif, tracée en marge de la carte. Les taxes étaient acquittées en numéraire aux guichets des bureaux de poste exclusivement. Les progressions de distance et de poids étaient les suivantes pour une lettre simple ne dépassant par 7.5 grammes.


Jusqu'à 40 kilomètres 2 décimes de 400 à 500 kilomètres 8 décimes
de 40 à 80 kilomètres 3 décimes de 500 à 600 kilomètres 9 décimes
de 80 à 150 kilomètres 4 décimes de 600 à 750 kilomètres 10 décimes
de 150 à 220 kilomètres 5 décimes de 750 à 900 kilomètres 11 décimes
de 220 à 300 kilomètres 6 décimes au delà de 900 kilomètres 12 décimes
de 300 à 400 kilomètres 7 décimes    
Progression des taxes en raison du poids
jusqu'à 7 grammes : 1/2 port simple
de 7,5 grammes à 10 grammes : un port et 1/2
de 10 grammes à 15 grammes : 2 ports
de 15 grammes à 20 grammes : 2,5 ports
et ainsi de suite avec augmentation d'un demi port par 5 grammes ou fraction de 5 grammes excédant.

Et pour l'étranger, la taxe de France venait s'ajouter à ce tarif qui du reste avait été constamment en augmentant sur les tarifs successifs suivants pour la distance maximum du territoire.

Tarif d'une lettre simple
en 1673 : 0 Fr 25
en 1703 : 0 Fr 50
en 1759 : 0 Fr 70
en 1791 : 0 Fr 75
en 1796 : 0 Fr 90
en 1800 : 1 Fr
en 1827 : 1 Fr 20

Le port d'une lettre de Champagnole à Louhans était de 6 sols; pour Saint-Amour, même prix; pour Genève 9 sols; pour Paris 12 sols.

De Champagnole à Porto-Ferrajo (Italie), 1 livre; et pour l'île d'Elbe 1 livre et 4 sols. De Paris à Besançon 15 sols.

Enfin, le premier janvier 1849, fut mise en vigueur la réforme postale laissant le public libre ou de ne pas affranchir ou d'affranchir avec timbre apposé. Le bureau postal de Champagnole muni d'un poste télégraphique se trouve situé au centre de la Grande rue. Une cabine téléphonique lui fut adjointe en 1900. Ouvert de 8 heures du matin à 9 heures du soir, il comporte journellement 3 distributions; 7 à 10 heures du matin, 8 heures du soir.

En face de l'Eglise de Morez, départ des voitures de la maison de transport Bouvet


menuMoyens de locomotion

Si les vieilleries ont disparu dans l'incendie de 1798, qui détruisit Champagnole, de nouvelles vieilleries s'étaient déjà formées.

Avant 1867, et lorsque le chemin de fer ne desservait pas encore la localité, il restait les messageries BOUVET, le Lafitte et Caillard immortels des routes Jurassiennes; aussi Champagnole avait gardé ses pataches de l'ancien régime, ses provinciales carrioles jaunes, coiffées de cuir, ses conducteurs à l'humeur gaie, à la langue sèche, et les bouchons nombreux semés au coin des routes tortueuses.

Le relais de la diligence s'opérait à la maison Jeannin. C'était là, sur cette placette, que chaque matin arrivait la malle-poste venant d'Andelot, qui repartait chaque soir pour cette même direction. Le soir, surtout, que d'animation : malles qu'on charge, parents qui s'embrassent, filles de la montagne partant en condition à la ville, et Colin, et Maillard, le bonnet de conducteur sur l'oreille, debout sur le marchepied, rangeant dans le coffre les paquets, devant le gendarme planton, fidèle à sa consigne.

Le voyage ne s'effectuait pas sans fatigue, mais il avait son charme, la route était pleine du bruit des diligences arrivant de différents côtés et toutes ces voitures encombraient la route à la même heure devant l'hôtel.

Aussi quelle scène : voyageurs étirant leurs membres ankylosés, voyageuses traînant des petits enfants hébétés de sommeil, roulant des yeux noyés de vague, palefreniers conduisant les chevaux; postillons et voyageurs criant devant le comptoir où se verse le café bouillant, tel était le tableau qu'on avait chaque jour.

Puis les parlementages interminables pour avoir des places qu'il fallait retenir à l'avance. La voiture est déjà comble, qu'importe, le conducteur ne veut pas laisser les gens dans la peine car, avant tout, il faut être exact à la date et au rendez-vous. On cueille les derniers arrivés, on les fourre sous la bâche, entre les malles ou au dessus.

Les paysans, contents tout de même, s'empilent en un tas inextricable pêle-mêle de jambes, de bras, de têtes, où l'on ne distingue plus au juste ce qui est à l'un de ce qui appartient à l'autre, et en avant, hue ! clame le postillon tandis que la machine grinçante, traînée au grand trot de trois chevaux mûrs, s'ébranle au bruit de leurs clochettes, roule et s'évade avec un bruit terrible de ferraille froissée, dans un formidable cliquetis de grelots, de jurons et de coups de fouet.

Au tournant de la route, la lourde patache a déjà disparu; un à un les citadins se retirent le verbe haut, et Champagnole retombe jusqu'au lendemain dans le calme et le silence.

Par la suite, ce relais fut transféré au quartier de La Londaine, dans la maison formant l'axe de l'avenue de la Gare; puis, après 1867, lorsque Champagnole fut tête de ligne, le débarcadère local s'opérait au bureau qui était situé au milieu de la grande rue; et la diligence continuait son parcours pour déposer à la gare les voyageurs par chemin de fer.

Avant la construction du tronçon de ligne Champagnole-Saint-Laurent, d'autres voitures faisaient le roulage pour cette même maison, avec cette différence que ces dernières transportaient des marchandises. Il en partait à toute heure de la journée. Il en partait pour le Nord, pour le Sud, pour l'Orient et l'Occident, les unes roulant dans la direction du bon pays, par Lons le Saunier, d'autres montant à Nozeroy et jusqu'aux sources du Doubs, les autres escaladant les masses du Haut-Jura et fuyant de casse-cou en casse-cou à Saint-Laurent, Morez, Saint-Claude. Il fallait les voir narguer les travaux babéliens d'un chemin de fer construit au flanc des rochers, et qui ne pouvait se résoudre à marcher.

Mais la vengeance des guimbardes centenaires, c'était de passer au pied des talus montueux, repris d'année en année, ainsi qu'une toile de Pénélope, et jamais solides, de rencontrer à tout bout de précipice une amorce de ligne abandonnée par les ingénieurs, un pont effondré, un viaduc lézardé ... Dieu sait pourtant combien ce railway d'alpinistes mettrait au rancard de voitures, sans compter les caravanes de la corporation séculaire des Grandvalliers. Adieu, et bien adieu ! La continuation de la ligne du chemin de fer Champagnole - Saint-Laurent, puis Morez, fut la revanche des ingénieurs.

Photographie de la famille Cordier, de Foncine le Bas. Transmise par Alain Napoléoni.

En voyageant le long des grandes routes, vous avez sans doute plus d'une fois remarqué de ces charretiers encombrants, tenant le milieu de la chaussée, en dormant sur leur siège de côté; de ces files de voitures sillonnant les côtes, chargées comme des chameaux, recouvertes d'une toile grise et attelées chacune d'un robuste et énorme cheval. Un homme en roulière, portant un large feutre, d'épais souliers ferrés, quelques fois un enfant, conduit une demi-douzaine de voitures, et transporte sous une couverture de paille et de chanvre les plus précieuses marchandises. Le cheval est sûr, l'homme hardi et infatigable.

Ils avaient une manière de vous dire : "Ce ne sera pas encore pour cette année" en regardant les tranchées du chemin de fer.

Pour cette misérable somme de quelques francs par cent kilogrammes, il se mit en route avec un convoi. Un commissaire lui donne un chargement de coton, de fer, de denrées coloniales pour une ville dont le pauvre voiturier n'a peut-être jamais entendu prononcer le nom, et il prend le chemin de cette ville.

Arrivé là, il cherche un nouveau chargement qui le conduit peut-être à une autre extrémité de la France. Qu'importe ? Il lit en tête des lettres d'expédition qui lui sont remises avec sa cargaison : A la grâce de Dieu et il s'en va vers une province ou vers une autre. Ni la pluie, ni le vent, ni les mauvais chemins ne l'arrêtent. En 1812, dans cette déplorable campagne dont le seul nom nous afflige, l'armée aurait été privée de ses derniers convois sans les Grandvalliers Franc-Comtois qui pénétrèrent intrépidement à Vilna.

Joyeux voyageur, le Grandvallier a peu de goût pour la vie sédentaire, l'espace est son domaine, et sa charrette lui sert de tente. C'est là qu'il se retire sous une espèce d'auvent en toile quand la pluie tombe à flots et il s'endort nonchalamment avec la confiance que lui donne son attelage exercé à suivre les sinuosités de la route.

Le soir, il s'arrête dans quelque auberge rustique, et le lendemain, de grand matin continue sa marche.

A certaines époques, il revient à son village natal et, si les denrées qu'il conduisait n'ont éprouvé aucune de ces désastreuses avaries dont il aurait été responsable, il rapporte à sa femme un beau sac d'argent qui servira à acheter un nouveau cheval et peut-être un petit bout de champ. Il s'occupe alors des travaux de la maison, des semailles ou des foins, et à l'heure du repas raconte à sa famille réunie, les divers incidents de ses lointaines pérégrinations. Tout cela n'est plus qu'un souvenir que le vent emporte dans la fumée tourbillonnante de la locomotive.

Depuis de longues années, il existe dans le pays comme dans les communes environnantes, un genre de locomotion que les badauds de Paris seraient très heureux de posséder dans leur capitale. Et qui sait même si, dans l'avenir, un sport d'un nouveau genre ne viendrait pas à s'établir en voyant défiler ces légères et basses voiturettes traînées par les chiens.

Les attelages de ce genre ne comptent plus à Champagnole : beaucoup de petits commerçants, de cultivateurs même, possédant soit un cheval ou un couple de rudes dzaillets, préfèrent pour des courses urgentes et peu chargées employer leur toutou favori. Ces voitures agencées de différentes façons pour servir à des attelages de un, deux, trois et même cinq chiens qui détalent avec une rapidité surprenante.

N'est ce pas aussi un éloge à rendre à ces trotteurs infatigables, ceux qui ont permis de porter les premiers secours aux sinistrés du terrible incendie qui détruisit Saint-Laurent le 15 novembre 1867.

Plusieurs fois le livre d'or s'est ouvert pour y inscrire leurs actions d'éclat, et cependant ils sont toujours traités comme des ... chiens. Les attelages de un, deux et trois chiens se mettent côte à côte, ceux du milieu en limonière. Ceux de cinq se mettent, trois devant, et les deux autres sont reliés de chaque côté du derrière de la voiture par une corde attachée à un anneau.

L'étranger est tout surpris de voir que ces nobles bêtes, parfois si méprisées et souvent rudoyées, ont cependant leur utilité, et surtout aucune ressemblance à celui de Jean de Nivelle.

Il y avait chaque jour deux allers et deux retours de la diligence qui faisait le service des voyageurs de Morez à Champagnole, localité où s'arrêtait la voie ferrée. Cette voiture, attelée de deux chevaux, se composait d'un intérieur, d'un coupé et sur le toit, de quelques sièges appelés pompeusement "l'impériale". La diligence elle-même était couramment dénommée "la Malle". Elle était conduite par Michel, connu de tout le département, "le Michel de la Malle" qui faisait tous les jours et par tous les temps le trajet cité plus haut. Maître absolu de la voiture et des voyageurs dont l'organisation lui incombait, il ne craignait pas d'empiler ceux-ci dans son véhicule quand leur nombre excédait celui des places disponibles. Conducteur expérimenté mais trop audacieux, ce mépris du danger causa sa fin. Descendant à vive allure sur une route glacée, entre le Saut et Morillon, sa voiture s'abattit contre le rocher de Cornu; il se trouva pris dans le choc et complètement écrasé.

Une autre diligence prenait à Saint-Laurent les voyageurs à destination de Lons le Saunier; on devait sans doute arriver vers midi à Clairvaux où le déjeuner nécessitait un arrêt. Tenant compte des stations où la voiture prenait et déposait voyageurs et marchandises, on ne devait guère arriver à Lons que vers 17 heures.

La diligence "La Fédérale"


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