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Les Côtes Chaudes

 


Le "Progrès" du 13 août 2003 nous raconte l'hitoire de cette route entre Syam et Les Planches, dont la construction commencée en 1841 dura 11 ans, et qui permit enfin aux Fonciniers de gagner Champagnole plus rapidement qu'en passant par le Pont de la Chaux.

Une route qui fut, et qui reste encore aujourd'hui, dangereuse et marquée par de spectaculaires accidents, comme celui qui, en 1918, donna son nom au "tournant des russes". Voici cet article :


Syam, le pont


Les gorges de la Langouette, en novembre 2002

Ailleurs, sous des cieux plus prétentieux, on appellerait ça un canyon, un défilé. Le tempérament pondéré du Jurassien, préfère des termes plus mesurés. On dit, les gorges de la Saine. Cette forme de dignité sait aussi éviter les aspects racoleurs de la promotion touristique moderne si destructrice pour d'autres sites locaux.

La vallée de la Saine ne s'ouvre que pour ceux qui veulent bien faire l'effort de la découvrir. Même la scissure amont, le spectaculaire défilé de la Langouette, n'est pas trop perverti par l'intrusion coluchienne. On ne la regarde que de haut et de loin. La Saine, par plusieurs points de vue, n'est pas une rivière comme les autres. Son aspect moderne ne révèle que parcimonieusement une genèse et une histoire plus prestigieuse. Ce fut jadis un fleuve beaucoup plus important. Un élan irrésistible lançait un flot puissant sur une pente fort marquée.

Depuis les Planches, aucun obstacle ne pu s'opposer à la marche infernale de cette furie saisonnière. Les profils convexes de la cuvette champagnolaise, 8 km à l'aval, furent seuls capables de décanter ces eaux endiablées. Il reste de cette antique puissance, une énorme vallée, rectiligne des Planches à Champagnole que l'Ain à ultérieurement colonisé dans sa partie avale.

Les flancs, taillés à coup de hache sont raides, parfois verticaux. La Saine moderne occupe l'angle aigu d'un immense V majuscule. Il est bien difficile d'atteindre, au fond de ce chêneau saillant, la rivière à l'étiage. Cet obstacle majeur scinda efficacement cette partie du Jura central. Au sommet de l'adret, au levant, un socle tabulaire peu accidenté supporte un semi-désert foresté et à peu près impropre aux pratiques culturales. Il n'y a pas de villages, quelques fermes isolées, les Prés de Crans, les Bosses ou jadis la Tassarde, la Grange Brûlée, occupent les rares espaces ou le roc n'émerge pas. "L'autre côté", sur l'avers, plus pastoral mais aussi plus bosselé, bénéficie de nombreuses sources. Deux hameaux de Chaux des Crotenay gèrent ces hauteurs, Cornu et les Combes.

forges de Syam

 

L'axe sur lequel coule la rivière, a opté une orientation sud-est nord-ouest. On se trouve donc en présence d'un avers regardant parfaitement le nord et par conséquent d'un adret surchauffé. C'est ce versant qu'on désigne par les Côtes Chaudes.

La pénétration longitudinale de cette vallée fut longtemps impossible. Ici, le cliché classique qui consiste à utiliser les vallées comme voie de communication, est impossible à mettre en oeuvre. On tenta pourtant de domestiquer la force motrice de la rivière. Deux établissements sont inscrits dans les mémoires. Un moulin, ou moulinet a même laissé quelques pans de murs. Il était appuyé contre un pont qui figure sur des cartes de la Baronnie de la Chaux. La route qui l'utilisait, mettait en communication les Combes et, par la ferme des Bosses, les Planches et la Perrena.

Le "Martinet" se trouvait un peu à l'aval. Lui aussi disposait d'une passerelle. Le chemin qu'elle suscitait , grimpait les Côtes Chaudes en direction opposée. Par les "Quatre Bornes", il gagnait le col de Crans. On peut encore le suivre longuement aujourd'hui. Mais l'intérêt de ces deux perpendiculaires était exclusivement local. Il manquait toujours cette voie de communication qui permettrait aux Fonciniers ou aux habitants des Planches de rallier directement Syam et Champagnole sans passer par les détours fastidieux du Pont de la Chaux, à l'ouest, ou de Crans, au levant.

La Langouette, en novembre 2002

En 1841, le département lança les travaux de percement des Côtes Chaudes. Le projet était considérable. Il fallait, littéralement inclure la plate-forme dans un immense rocher tombant à pic dans la rivière. Il fallut 11 ans pour mener à bien cette réalisation. En 1852, Les Planches et Syam étaient reliés par une route fort commode. Mais son faciès particulier s'apprêtait à l'inscrire durablement dans les notices "faits divers".

Sur un flanc somme toute assez lisse, la route n'a pas effacé ces circonvolutions qui, immanquablement se transforment en virages. En fait, les six kilomètres qui séparent Les Planches et Syam présentent à peu près, un même fluide visage. Une falaise, en continu, constitue la bordure amont. Ce fut longtemps une piste étroite, tout juste adaptée au transit hippomobile. Les croisements jusqu'aux années 60, furent toujours une manoeuvre délicate.

Les bombardements quasi permanents de chutes de pierres sont un autre trait. Les pneus déchirés, carters percés, réservoirs enfoncés ne sont que péripéties. Il y a peu, un roc de 50 kg, éclatant le pare brise, vint briser côtes et sternum d'un habitant des Planches. Dans les années 90, un éboulement majeur interdit la circulation pendant plus d'un an. Mais ce sont surtout les phases concernant le côté "à droite en montant" ou "à gauche en descendant" qui ont laissé les plus durables souvenirs. Les chevaux perdus dans l'abîme meublent les plus lointains. C'est pour eux que les douaniers, postés à Foncine le Bas, avaient fait tailler, dans le pied de la roche, ce petit abreuvoir que les étés les plus secs n'arrivent pas à émouvoir.

En 1918, les soldats russes, repliés du front de l'Est après la "Paix de Brest Livtovsk", avaient été affectés à des travaux d'intérêt collectif. Plusieurs régiments basés dans la région champagnolaise, "bûcheronaient" dans les massifs alentours. C'est justement un de ces détachement, réparti dans deux camions, qui venait de terminer une "coupe" dans le Mont Noir. L'événement méritait bien une pause sur le chemin du retour.

En face de l'église des Planches, Esther Guy tenait un de ces établissement qui, au début du dernier siècle, fit la gloire de nos montagnes. A l'hôtel de l'Oranger, la consommation d'absinthe n'était pas limitée. Un seul virage, dans le "bas" des Côtes Chaudes, possède une petite personnalité. Dans la nuit déjà établie de ce 26 mars, les nuées festives clignotaient encore dans la tête du chauffeur. Le premier camion tirant tout droit disparu dans le vide. Le second suivant les feux rouges, prit le même tragique chemin. Les registres d'état civil de Syam ne contiennent, en fait, que deux noms. "Pierre" Zadalia, était né à Ivanovna, près de Minsk, en terre russe. Mais Émile Portal, du 61e RI, était originaire de l'Aveyron. Depuis cet accident, on appelle l'endroit le "tournant des russes".

La mémoire collective raconte pourtant un accident beaucoup plus meurtrier. On se souvient encore de ce jeune couple de Parisiens, pressé d'arriver "au ski". Dans la neige fraîche, la trace laissé par les pneus, obliqua d'un coup vers le gouffre ... Le "bas" des Côtes Chaudes retient encore quelques épiques carcasses, témoins presque inaccessibles de drames parfois anciens.

Les travaux, sur la route de Malvaux en novembre 2002


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