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Le Tram à Champagnole


Le Progrès du 7 juillet 2002 publie un article qui rappelle, que malgré sa brève carrière, le Tram a joué un rôle fondamentale dans la vie quotidienne et les mentalités des habitants de la région. On y retrouve la description détaillée du trajet qu'il effectuait entre Champagnole et Sirod puis Foncine d'un côté et Boujailles de l'autre. Un petit voyage dans le temps !

Une prise d'eau du Tram près de Foncine


Il y a d'abord eu, le PLM, ancêtre de la SNCF. Le nouveau siècle exigea la mise en place de nouveaux rails. Plus modestes, plus étroits, ceux-ci répondirent aux exigences formelles d'une époque. Hélas, celle-ci s'écoula fort vite. Pourtant, Champagnole avait eu le temps d'avoir trois gares.

C'est une histoire brève. En deux décennies, le besoin impératif était devenu superflu. Pourtant le "Tram" joua dans les esprits un rôle beaucoup plus important que ne le laisse penser sa modeste carrière.

Avant lui, la distance s'était toujours mesurée en journées de marche. Depuis la nuit des temps, des frontières opaques s'étaient élevées. Il était vain de les bousculer. D'un coup, le train, même ahanant, multipliait les rayons d'action, ouvrait de nouveaux horizons. On endiguera plus l'élan. Ce qui, à moyen terme signifiera la mort du Tram.

Le réseau des Chemins de Fer Vicinaux fut dans le secteur champagnolais, deux fois sauvé par la guerre. Sa construction achevée en 1924, fut dans un premier temps, interrompue par le déclenchement de la première guerre mondiale. Ce qui permit, la paix revenue, de créer une ligne électrifiée alors du fait du modernisme. Le conflit 39-45, annihilant le parc automobile privé, ne fit que retarder l'échéance. Mais le Tram, restera pour toujours, étroitement associé aux "ravitaillements", au "marché noir" et aux maquisards gagnant les zones frontières. Ainsi, sa courte existence aura été marquée par deux flux. Un élan initial, avait singulièrement approché les campagnes de leurs chefs lieu de canton. La phase finale, dans des conditions bien particulières, permit un cheminement inverse.

Champagnole eut trois gares. Outre celle du réseau PLM à voies "normales", deux autres stations étaient aux services du Tram. "Champagnole-Transbordement" était la "tête de réseau". Les bâtiments existent toujours, rue Ambroise Croizat. C'est ici, outre les garages, que se trouvaient les ateliers de la maintenance. Avant de prendre son élan, la ligne se plaçait face à la gare "voyageurs" PLM, où elle disposait elle même, de locaux d'embarquement. La voie étroite, empruntant la Place Camille Prost, qui fut pratiquement créé pour elle, passait derrière le Chalet et grimpait l'actuelle Allée Ripotot. Un kilomètre 278, après son point de départ, le train stoppait à "Champagnole-ville". Cette gare (derrière l'ancienne MJC) possédait un "évitement" appelé "Grands bois", destiné au chargement des grumes. Elle coupait la route d'Equevillon et par la rue du "petit Tram" parvenait à la route de Sapois. Toutes ces routes étaient franchies sans barrières protectrices.

L'époque n'avait que faire des passages à niveau, le convoi, simplement "sifflait" lorsqu'il arrivait en vue d'un croisement. Cette route de Sapois constituait aussi la limite du monde civilisé. Après la ligne s'engageait dans un authentique maquis, peuplé d'épineux agressifs, territoire incontesté de Paul Tico, le chasseur de vipères. Plus loin sur la gauche, on pouvait encore apercevoir le rucher d'Ernest Roz, premier adjoint au maire.

Prise d'eau

A hauteur de l'actuelle scierie Cuby, la ligne traversait une nouvelle fois la route. Elle le faisait sur une très longue diagonale qui, outre le fait qu'elle additionnait deux modes de transports difficilement compatibles, inscrivait deux rails dans la chaussée. Le très faible angle de pénétration en faisait de redoutables pièges. Le tout, bien entendu, n'était pas surveillé. Heureuse époque ! Sapois-ville ! criait la jeunesse en abordant au point kilométrique 4.226, l'adorable petite gare perdue au pied du coteau. Le Tram, prudemment caché au fond de la vallée, émergeait à peine des roselières de l'étang Marquis. Après 7 kilomètres de voie déjà, on atteignait la "halte" facultative de Bourg de Sirod. On devait, par signes, montrer au "chauffeur", son intention de monter. Le tunnel sous la Percée routière, était long et noir, l'émergence, dans le val de Sirod, n'en était que plus lumineuse.

Après le "viaduc" sur l'Ain, on atteignait la gare de Sirod. Elle était l'élément central du réseau CVF "de Champagnole". D'abord c'est "Sirod", à l'aval de la Baroche qui accueillait la majorité des voyageurs. C'est à Sirod aussi, que se trouvait le point d'alimentation électrique. C'est ici aussi, juste après la gare qu'une "bifurcation" marquait la tête de deux options. L'une, vers l'est, avait Boujailles comme objectif, l'autre, au sud, devait gagner Foncine le bas.

Cette ligne de Foncine possède un caractère affirmé. Après une vaste boucle, elle touchait Crans, au point kilomètrique12.7. Puis elle s'inscrivait pour 5 kilomètres dans une sorte de désert semi-forestier communément désigné, dans la région, sous le nom explicite de "pré-bois". La Perena était encore une de ces nombreuses stations champêtres issue d'un roman de Grimm, construite au hasard d'un méandre. Le village éponyme n'est pas vraiment à côté. Le paysage change fondamentalement. On entre alors dans les gorges de la Saine. Les Planches, au point kilométrique 20, sont au cœur d'un système spectaculaire où les viaducs succèdent aux tunnels. Après avoir percé le "bout du monde" la ligne touche Foncine et le réseau perpendiculaire "de Claivaux".

Gare de Foncine

L'autre "branche" au départ de Sirod, possède une philosophie bien différente. Elle concernait une population plus rurale, intéressait de nombreux micro-villages. Paradoxalement , cette volonté d'irriguer le plateau, amena les concepteurs à dessiner un tracé ambigu. La voie passait souvent à distance des agglomérations, parfois même à équidistance de deux villages.

Ces états générèrent une série de gares ou de haltes isolées, complètement indépendantes du tissu existant. C'est le cas de Gillois, Conte, La Favière, Doye, Essavilly, Comunaille, Censeau ou encore la Gaudine. Nozeroy, Mignovillard, Cuvier conservaient des stations plus logiques. Le choix de Bougeailles, comme terminus, fut probablement une des erreurs conceptuelles fondamentales. Bougeailles n'était en soi pas une destination. Frasnes, ses nombreuses fenêtres sur le réseau PLM, offrait beaucoup plus d'alternatives.

En tout cas, le premier avril 1950, la fermeture définitive de l'ultime tronçon en activité, Champagnole-Foncine le bas, trouva un matériel exténué, des habitudes démodées. Le Tram avait répondu aux criantes exigences d'une époque extrêmement précise et en tous cas très brève, celle du premier éveil des campagnes montagnardes jurassiennes.


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