La Chaux des Crotenay est une des plus anciennes bourgades
du Haut-Jura.
La date de sa fondation nous est inconnue; située
à proximité de la route romaine de Salins, en Suisse (l'antique
Route du Sel qui passait à l'actuel Pont de la Chaux), elle existait
sans doute à l'époque gallo-romaine, peut-être seulement
à l'état de granges ou de fermes; mais ce ne fut que quelques
siècles plus tard que le village se constitua et prit une notable
importance.
A la fin du IVe siècle de notre ère,
Saint Romain fondait à Condat, où se dresse actuellement
la ville de Saint-Claude, un monastère, qui assez rapidement
prit un développement considérable.
L'Abbaye devint trop étroite pour abriter et
nourrir le grand nombre de moines attirés par la sainteté
du lieu; aussi les abbés successeurs de Saint Romain envoyaient-ils
dans les environs de petites colonies de moines, qui de leurs mains
et avec l'aide de leurs serviteurs défrichaient la forêt,
y installaient des granges et des métairies, et y élevaient
une chapelle pour le culte; des colons laïques s'y établissaient;
c'est ainsi que prirent naissance un grand nombre de villages qui existent
encore aujourd'hui.
Parmi les centres importants issus de Condat, il faut
citer le village de Sirod, dont le Prieuré fut très tôt
érigé en paroisse. Celle-ci comprenait tout le pays s'étendant
de Sirod aux Hautes-Joux, notamment les Foncines et la Chaux des Crotenay,
dont le nom était Protonacum ou Crotonacum.
A une date imprécise, mais antérieure
au IXe siècle, la Chaux des Crotenay fut érigée
en paroisse dite : vicariale, dépendant de celle de Sirod. Elle
était d'une importance suffisante pour être mentionnée
dans la Charte donnée le 21 septembre 852 par le roi Lothaire
à l'Abbaye de Condat, charte qui énumérait les
possessions du monastère. Ce titre est le premier, à notre
connaissance, où Crotonacum est implicitement nommé.
Où se dressait la Chapelle en ces temps lointains
? nul ne le sait; ni texte, ni vestige, ni renseignements d'ordre toponymique
ne nous l'apprend.
Dans les dernières années de XIIe siècle,
un seigneur, allié par mariage à la puissante maison de
Salins, Simon de Commercy, seigneur de Mont-Rivel (à Champagnole),
avait fait construire un château fort, dit Château-Villain,
au-dessus de Sirod (1186); quelques années plus tard, il fit
élever une seconde forteresse à la Chaux des Crotenay.
Ce fut l'origine de la Seigneurie de La Chaux, qui
dura jusqu'à la révolution.
Dans le même temps, le sire de La Chaux fit édifier
la chapelle castrale au pied même de la butte qui portait son
château, à l'emplacement de l'église actuelle. Ce
fut pour le village l'église paroissiale. La paroisse de La Chaux
était en possession temporelle de l'Abbaye de Saint-Claude, sous
la direction spirituelle de l'Archevêque de Besançon et
dans son diocèse. Elle comprenait les villages de La Chaux des
Crotenay, d'Entre deux Monts, de Morillon, du Châtelet et de Mont-Liboz.
Le service religieux était célébré
par un desservant dont voici le détail des revenus (archives
du Jura de 1864) : 123 livres provenant d'une ferme du village; 19 livres
de terres d'Entre deux Monts; 6 sous 8 deniers par paysan bêchant
et semant sans charrue; en tout 200 livres environ.
Le casuel comprenait en outre : 3 pains dus annuellement
par chaque feu; 9, 7 ou 5 livres se lon l'état de fortune, pour
les trois messes célébrées lors du décès
d'un autre membre de la famille; 6 sols 8 deniers pour les cierges allumés
lors de l'office funèbre; 3 livres par mariage pour les publications
et la messe (on y devait ajouter le repas); le Bon Denier dû à
la Pâques par chaque communiant; 1 sol par feu pour la Passion
dite à l'église; 6 sols 8 deniers pour la purification
de chaque femme relevant de couches; enfin un fromage par fromagerie
pour la bénédiction des terres.
Le presbytéral, payé en cire, constituait
un revenu de 200 livres.
La famille de Commercy conserva la Seigneurie de La
Chaux jusqu'au début du XIVe siècle et s'éteignit
dans la Maison d'Arbon, qui dura jusqu'en 1430. Les droits en furent
acquis par la glorieuse famille de Poupet, dont le nom passa les bornes
de la Franche-Comté.
Deux de ses membres eurent leur heure de célébrité
: Guillaume de Poupet, receveur des Finances du Duc de Bourgogne et
Maître d'hôtel de Charles le Téméraire, et
son fils Charles de Poupet, premier Sommelier à la Cour de France,
puis confident et ambassadeur de Charles-Quint, tous deux seigneurs
fort instruits, riches et amis des arts, qui firent du château
de La Chaux, la demeure la plus luxueuse de tout le Haut-Jura. Aussi
voulurent-ils une église à l'image de leur château.
Ce fut Guillaume de Poupet, selon toute vraisemblance,
qui fit abattre la vieille chapelle castrale et la remplaça par
l'édifice qui demeure aujourd'hui. Son fils Charles acheva l'oeuvre
commencée et l'orna avec un goût parfait, aidé en
cela par Jean III de Poupet, son fils et successeur.
Aussi retrouvons-nous encore à chaque pas dans
l'église les armes des Poupet, (d'or au chevron de sable accompagné
de trois perroquets de sinople, becqués et membrés de
gueules), peintes, sculptées, dessinées sur les vitraux.
Nous ignorons les noms des architectes et des sculpteurs
qui construisirent et ornèrent l'église; c'étaient
en tout cas des élèves de cette éphémère
École bourguignonne, filiale émancipée de l'École
parisienne du XIVe siècle, et dont nous admirons les oeuvres
délicates de Dijon et de Brou.
l'Édifice
: Distribution architecturale. Ornementation
Quand on étudie la partie architecturale de
l'édifice, on s'étonne à bon droit de ce qu'en
ces temps lointains où Louis XI régnait sur la France,
une construction d'un aussi beau dessin et d'une facture aussi élégante
ait pu être conçue pour un obscur petit village de la montagne;
mais il ne faut pas oublier que c'était là l'église
de Sires de noble lignée avant d'être l'église d'une
paroisse campagnarde.
Faite de solide maçonnerie, l'église
était orientée selon l'ancienne règle : le grand
axe étant ouest-est. Un croquis très simple, fait sur
un plan au début du XVIIe siècle, représente l'édifice,
vu du village : c'est un bâtiment trapu, dominé en son
milieu par un clocher carré, coiffé d'une flèche
pyramidale portant la croix : une seule fenêtre éclairait
le bas côté, lequel était percé d'une porte
en son centre.
L'église comprenait le choeur, une nef centrale
et deux collatéraux ou nefs latérales, sans chapelles
en absidioles ni transept. Le choeur et la première arcade des
nefs nous sont conservés; le reste des nefs et le porche actuel
datent du XVIIe siècle, lors d'un remaniement et d'un agrandissement
de cette partie de l'édifice. Le choeur légèrement
surélevé par rapport au reste de l'église, est
recouvert par une haute voûte de style ogival, de la même
hauteur que celle de la grande nef. Le fond est occupé par une
abside, non pas semi-circulaire comme dans la basilique romane, mais
formée de cinq pans : les trois pans centraux sont percés
de trois hautes fenêtres à meneaux, dont les combinaisons
couvrent la partie supérieure, ainsi qu'il est de règle
au XVe siècle, de triangles et de quadrilatères curvilignes,
formant une élégante dentelle de pierre; ce que les architectes
anglais appellent une Tracery. Les vitraux sont modernes. Les fenêtres
séparées par un faisceau de sveltes colonnettes; des angles
jaillissent les nervures des voûtes dont l'envol convergeant apporte
à l'ensemble une note d'élégante légèreté.
Ainsi qu'il était d'usage dès le XIIe siècle, la
clef de voûte est sculptée; elle porte le blason chevronnée
des Poupet.
La nef principale, dont le plan est un parallélogramme
allongé, est le noyau central sur lequel viennent s'appuyer les
bas côtés par trois arcades; la première, ogivale
basse, est du XVe siècle; les deux autres semi-circulaires, sont
du XVIIe siècle. La voûte est de la même hauteur
que celle du choeur et la continue.
Comme dans la basilique latine, les collatéraux
se terminent brusquement à leur point de jonction par un mur
transversal. Chacun d'eux reçoit le jour par une fenêtre
géminée ornée de vitraux : celle du collatéral
nord porte, symétriquement dessinées, les armes de Charles
de Poupet (le chevron de sable des Poupet et les clefs d'argent des
Clermont) sommées d'une couronne et entourées du collier
de Chevalier d'Alcantara de Jean III de Poupet.
La clef de voûte du collatéral nord est
de même sculptée aux armes des Poupet; celle du collatéral
sud porte, elle aussi, des armes : parti dextre aux trois chevrons;
parti senestre au bélier rampant; nous en ignorons la signification.
C'est dans le dallage de cette partie de la nef latérale
que s'ouvrait la trappe du souterrain qui reliait le château à
l'église. Dans le mur du collatéral sud, au-dessus de
l'arcade transversale, est encastrée, dans un cadre mouluré,
une dalle portant l'inscription suivante :
RICHART,ANEL. JAIDIS.
CHASTELL. |
DE LA CHAULX EN
L'AN. MIL. IIIIc IIIIxx |
ET. HUIT. FIT. AFF.
CESTE CHAPPELLE |
EN. LAQUELLE. ILLA.
FUNDE. TOUS |
LES. LUNDIS. UNE
MESSE. POUR. |
LES. TRESPASSES.
DIEU. AIT. SON. |
AME. AMEN. |
Messire Richard Anel était châtelain de
Charles de Poupet, c'est à dire gouverneur du château et
intendant en l'absence du seigneur. L'inscription, datée de 1488,
précise donc l'époque où fut aménagée
l'église.
Une autre inscription, portant la date de 1475, comme
nous le verrons plus tard, confirme la première.
Ainsi, caractères architecturaux, blasons et
inscriptions tout concorde à fixer l'âge de l'église.
Deux cents ans plus tard, au cours de la deuxième
moitié du XVIIe siècle, l'église fut remaniée
et agrandie par les seigneurs de la Baume, héritiers et successeurs
des Poupet en la Baronnie de La Chaux. De cette époque date la
moitié ouest de l'église comprenant le porche d'entrée
ainsi que les piliers carrés et les arcades semi-circulaires
des nefs. De nouvelles fenêtres furent alors percées dans
les nefs latérale; celles de la face ouest furent ornées
des anciennes verrières de l'église du XVe siècle
et portent encore les armoiries de Charles de Poupet-Clermont.
On sait qu'il était d'usage, avant la révolution,
d'inhumer dans leurs églises les membres des familles nobles;
les sires de La Chaux ont certainement obéi à cette règle,
mais l'histoire ne nous apprend pas les noms de ceux qui reposent sous
les dalles; certains furent inhumés dans d'autres localités
: tel Charles de Poupet qui fut enseveli dans l'église collégiale
de Poligny.
Nous n'avons de certitude que pour Dame Catherine de
La Baume (dite Catherine de Bruges) qui mourut à Bruxelles et
fut ramenée à La Chaux vers 1630; elle reposerait sous
le maître-autel. Néanmoins un caveau seigneurial existait
dans la vieille église; on voit en effet devant le maître-autel
une large dalle gravée de quatre écussons : en haut le
chevron des Poupet accosté à droite d'une banderole portant
la date de 1539; à gauche, les clefs en sautoir des Clermont;
à droite, la bande de La Baume; en bas, la croix ancrée
d'Arbon. Cette pierre recouvrait certainement le caveau. Une dalle voisine
porte l'épitaphe de J.B. Frémiot, qui acheta la baronnie
aux héritiers de la famille de La Baume.
Extérieur : l'extérieur de l'église
est simple; rien n'arrête le regard sur les grandes surfaces des
toits et des murailles. On note quatre épais contreforts à
ressauts (où à lamiers) accolés aux angles du chevet
qu'ils soutiennent; l'un d'eux porte en son sommet un antique crucifix
de pierre, haut de 70 centimètres, qui parai dater du XIIIe siècle
et provient vraisemblablement de l'église primitive. De courts
contreforts à ressauts épaulent également les murs
des collatéraux.
Quant au clocher actuel, tour carrée massive
portant un lourd dôme à quatre pans, il remplaça
vers 1755, l'ancien clocher. Un maçon du village, Pierre Chagre,
avait eu l'adjudication d'une partie des travaux.
Les Oeuvres
d'art
L'église de La Chaux des Crotenay a été
classée Monument historique par arrêté du Ministre
de l'Instruction Publique et des Beaux-arts, en date du 12 octobre 1906.
Sont classés : l'édifice et huit uvres d'art parmi
celles qu'il abrite.
Nous allons les étudier toutes successivement.
Tour eucharistique
L'église conserve à l'entrée
du collatéral sud le tabernacle (ou tour eucharistique) en pierre,
qui se dressait au centre de l'ancien maître-autel. Ce délicat
morceau de sculpture, haut de 3 mètres, se compose du tabernacle
proprement dit, coiffé d'un clocheton à étages.
Quatre piliers carrés, reliés par des panneaux de bois
doré forment le tabernacle; ils supportent sur chacune des faces
une arcade ogivale en talon, flanquée de petits clochetons. Le
tout est hérissé de crosses et de bourgeons, de
tout ce luxe de foliations compliquées, qui, dans le style décoratif
du XVe siècle, se développent dans les épanouissements
latéraux des arcades et dans les fleurons qui les couronnent.
Le clocheton prend la forme d'un dais travaillé
à jour que d'épaisses moulures découpent en trois
étages, de plus en plus petits. Ici encore l'archivolte se surcharge
d'une riche ornementation végétale : feuillages frisés
et délicatement incisés, fleurons, de grosses feuilles
sinuées et lobées, bourgeons hérissés et
ajourés; un bouquet de huit grosses feuilles domine le tout,
d'où jaillit un crucifix. A la base de la tour, un écusson
porte, gravée, l'inscription suivante :
EN L'AN LX QUINZE |
AVEC QUATORZE CENS |
RICHARD ANNEL ME
DONNA |
EN L'ÉGLISE
DE CEANS |
Nous connaissons déjà ce Richard Anel
qui, en 1488, dota l'église d'une chapelle.
Les statues
Au temps de Guillaume et de Charles de Poupet, la cour
ducale de Dijon, par le luxe qui s'y déployait et les fêtes
magnifiques qui s'y donnaient, avait attiré de nombreux artistes.
Pour reprendre le mot de Jean de Jaudin, "il y avait de très
subtils faiseurs d'images de toutes sortes, soit en peinture, soit en
sculpture" . Ces artistes dijonnais se séparèrent
de l'école de Bourgogne, école éphémère
qui disparut complètement avec Charles le Téméraire,
et qui nous a donné avec Claus Sluter, Juan de la Huerta et Conrad
Meyt, les trésors de Dijon et de Brou.
L'art du sculpteur se révèle dans les
poses et les physionomies souvent exagérées des figures,
dans le jeu de plus en plus tourmenté des draperies, dans la
représentation du moindre détail, dans le modelé
de la chair, "art plus vigoureux, parfois brutal, avec une tendance
aux attitudes outrées, qui, à l'époque suivante,
alors que le foyer de Dijon n'existera plus, seront parmi les caractères
de l'école flamande".
ces caractères se retrouvent dans les statues
de l'église de La Chaux; toutes sont frappantes en ce qu'elles
atteignent au naturalisme aigu.
Saint-Paul (en pierre,
hauteur : 0,75m classée). Il se dresse devant la fenêtre
géminée du collatéral nord. De taille petite, trapue,
ramassée, vêtu d'un lourd manteau plissé, portant
une longue barbe aux ondulations stylisées, le Saint tient une
épée de la main droite, et dans la main gauche, un long
parchemin qui se déroule.
Saint Christophe (0,95m
classée). Statue en noyer doré placée dans le chur,
à gauche du maître-autel. Le Saint traverse l'eau qui cache
ses chevilles; il porte, debout sur ses épaules, l'enfant Jésus,
à la figure poupine, tenant le globe dans la main gauche. Saint-Christophe
a la tête couverte d'un turban; sa physionomie est sereine; sa
longue barbe est très finement fouillée par le ciseau.
Sa main droite s'appuie sur le bâton de pèlerin; de la
gauche, aux tendons saillants, l relève un pan de sa longue tunique,
aux plis démesurément tourmentés, qui baigne dans
l'eau.
Saint André (0,90m
classée). Statue en noyer doré placée à
droite de l'autel. Il est debout; le bras droit posé sur la croix
qui porte son nom; il porte de longs cheveux coupés franchement
autour du front; une barbe très ciselée tombe en tresses
parallèles. Les traits du visage sont fort délicatement
traités. Il est vêtu d'une robe damassée, à
manches étroites, sur laquelle il a jeté un manteau retenu
sur la poitrine par deux boutons. Robe et manteau sont exagérément
plissés, mais le dessin ravit le regard.
Ces deux statues, dignes d'admiration, proviennent
très certainement du même artisan, élève
de l'école bourguignonne du XVe siècle. Le dessin en est
net, précis et souple; les visages sont finement modelés,
et les mains, délicatement ciselées. Il s'en dégage
une expression attirante de force et de vie. Les vêtements sont
présentés avec un souci d'élégance, mais
avec une grâce maniérée et un peu outrée
des draperies.
Sainte Marguerite : Bois
polychromé, 1,35m, placée dans le collatéral sud
(classée). C'est la représentation parfaite d'une dame
noble du XVe siècle, et très vraisemblablement de la famille
de Poupet. Cette oeuvre est postérieure aux précédentes;
on y remarque une grâce plus aisée, plus libre, un moindre
souci des détails, avec toutefois la même recherche dans
le dessin des draperies. Sur le visage fin, quoiqu'un peu empâté,
un sourire narquois se joue. Coiffée du tortil de baronne, les
cheveux tombant en longues mèches roulées, la noble dame
porte une robe à corselet très ajustée et à
manches collantes, à jupe ample qu'elle relève de la main
gauche; un manteau ouvert est jeté sur ses épaules; un
pan retombe avec élégance sur son bras droit. La sainte
pose le pied, comme le veut la "légende dorée"
sur un horrible dragon, qui se tord, la gueule béante. La statue
est juchée sur un socle de bois orné d'un écu peint
aux armes des Poupet.
Pieta : groupe en bois
polychromé, haut de 0,90m dans le collatéral sud (non
classée). La vierge, au visage douloureux, porte sur ses genoux
le corps du Christ et lui soutient la tête. Robe et manteau sont
fortement plissés; le bouillonnement du linge sur la poitrine
est fort bien travaillé. Cette uvre d'un bon style n'atteint
pas cependant la valeur de la précédente.
Vierge et enfant : marbre
blanc; 0,95m, dans le collatéral nord (classée). Cette
uvre est incontestablement la plus belle que possède l'église.
La vierge porte l'enfant sur les bras et le presse contre elle de ses
deux mains, un peu grasses, fortement dessinées; elle penche
vers lui son visage d'un bel ovale potelé, qu'encadrent de grosses
boucles. Une robe et un manteau ouvert tombent à grands plis
simples qui s'écrasent sur le sol. L'enfant est nu, couvert partiellement
d'un lange dont une pointe s'échappe; détail amusant;
il porte à sa bouche un doigt de la main gauche, tandis que la
droite joue avec son pied. La statue était jadis peinte; il reste
des traces d'or sur la robe et les cheveux, et de la couleur verte sur
le socle. On peut la dater du début du XVIe siècle.
Vierge et enfant : bois
polychromé; 1,20m dans le collatéral sud (classée).
L'oeuvre du XVIe siècle, n'est remarquable que par le mouvement
des mains et le jeu des draperies; l'enfant Jésus, d'ailleurs
mutilé, a une tête de poupée sans grâce.
Une autre Vierge portant l'enfant bois peint, 1m dans le collatéral sud) n'est pas classée,
non plus que deux statues voisines d'Évêques qui datent
de la fin du XVIe siècle (0,80m). L'une d'elle cependant, placée
à droite de l'autel, mérite qu'on l'étudie : debout,
mitré, l'évêque est vêtu d'une longue robe
et d'un ample manteau à gros plis travaillés. Le visage
est terne et la chute de la lèvre inférieure lui donne
un air boudeur. La main gauche supporte un missel; la droite relève
un pan de manteau.
Une dernière statue est à signaler :
celle de Saint Antoine bois polychromé,
0,80m non classée); elle porte la date de 1538. Elle est d'une
facture plus simple, plus enfantine même que les uvres du
XVe siècle étudiées précédemment;
c'est le travail d'un "imagier" de petite envergure, peu expert
dans l'art de ciseler un visage ou de draper une robe. Le Saint, vêtu
d'une robe monacale et portant la capuce, un gros chapelet de bois pendu
à la ceinture, est debout dans les flammes. Le visage est attristé
par une longe moustache tombante; détail pittoresque : son compagnon,
le cochon, se frotte contre sa jambe, pas plus gros qu'un chat.
Poutre de gloire
c'est une uvre très originale, qui n'existe
dans aucune autre église (classée).
En haut des deux premiers piliers carrés de
la grande nef, s'accolent deux poutres de chêne sculpté
formant une arcade à talon, c'est à dire une composition
de quatre arcs dont les deux supérieurs sont à contre-courbure,
et les inférieurs à courbure ordinaire; des touffes de
feuilles d'acanthe y sont semées; de part et d'autre du sommet,
deux anges soutiennent un piédestal ouvragé qui porte
un crucifix dressé entre la Vierge et Saint Jean. L'oeuvre classée
date du début du XVIIe siècle.
Autel du collatéral
sud
Il porte la date de 1733 et est remarquable par le
grand panneau de cuir repoussé et peint, qui couvre sa face antérieure,
et qui représente des fleurs et des feuillages stylisés,
dessinant un ensemble charmant du plus pur XVIIIe siècle (non
classée).
Peintures
L'église possède un certain nombre de
tableaux dont la plupart datent des XVIIe et XVIIIe siècles;
ils ne présentent cependant aucun intérêt; nombre
d'entre eux ont été traités de façon enfantine
par des peintres locaux fort peu experts en leur art. Il est une uvre
toutefois qui mérite une étude particulière : c'est
un panneau de bois conservé par Mr GUERILLOT (haut 1,10m, large
0,40m), c'est le volet gauche d'un triptyque, dont les deux autres parties
ont disparu, et qui provient de l'église. Il représente
Charles de Poupet agenouillé devant une table recouverte de velours
cramoisi, les mains placées sur un Livre d'Heures. Il est couvert
de son armure d'acier noirci et d'une cotte de mailles, sur lesquelles
il a jeté une casaque à ses armes, en étoffe dorée
et frangée. Tête nue, les cheveux coupés sur le
front, il montre un visage assez jeune et énergique. A sa gauche,
on devine son écu et son casque pendus à un arbre. Le
peintre anonyme a représenté Saint Christophe, derrière
lui, penché sur son épaule, debout dans l'eau, la main
gauche appuyée sur un long bâton de pèlerin. Ses
cheveux et sa barbe bouclée sont bien peignés; il porte
une longue robe et un léger manteau drapé. L'enfant Jésus
est debout sur ses épaules, auréolé d'une gloire
et portant une longue croix. L'oeuvre est d'un beau dessin; ses caractères
le font dater de la fin du XVe siècle;
elle nous est d'autant plus précieuse que c'est
la seule représentation qui existe d'un Sire de La Chaux.
La Vierge du Rachet
Pour être complet, et bien quelle ne se trouve
pas dans l'église, nous devons mentionner une petite Piéta
de pierre, nichée dans le roc, sur le chemin d'Entre deux monts,
contre le mont Rachet (0,40m), le groupe est d'une assez belle venue;
une inscription gravée dans le pierre date de 1678. Très
certainement les riches fondateurs de l'église de La Chaux l'avaient
ornée d'oeuvres d'art, en peinture, en sculpture et en orfèvrerie,
autres que celles que nous avons étudiées. Au cours des
périodes troubles que vécut la Franche-Comté, pendant
les horreurs de la Guerre de Dix ans qui mit aux prises des montagnards
et les soldats du Roi de France, pendant la Terreur surtout, nombre
d'entre elles ont disparu dans le pillage et la destruction. Mais celles
qui demeurent suscitent notre admiration pour les humbles artistes anonymes,
qui, il y a cinq siècles, les ont conçues et exécutées,
dans l'envol de leur foi pour leur art et pour leur religion.
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