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Edouard Herriot à Bourg en Bresse en 1939


C’était au printemps 1939, un jeudi ou un dimanche. L’abbé Gaston FAURE emmenait ses potaches en promenade.

Le long de la rue qui nous emmenait hors de la ville, nous remarquons des affiches. C ’est la fête des écoles laïques. Elle sera présidée par Edouard Herriot, maire de Lyon, président de l’assemblée nationale et ancien président du parti radical-socialiste, et se tiendra au stade Marcel Verchère. Et justement, notre itinéraire nous conduira dans cette direction. Je suis, comme à mon habitude, en queue de peloton avec mon camarade P.

L’idée nous vient alors de sécher cette promenade et de nous inviter à cette fête. Nos camarades se moquent de nous et parient que nous ne serions jamais chiches. Bien sûr nous relevons le défi et renchérissons en assurant que nous rapporterions un autographe.

Quelques pas après la porte d’entrée, profitant d’un tournant, nous disparaissons derrière un bus et nous revenons en arrière. Nous ne rencontrons aucun obstacle pour pénétrer dans l'enceinte du stade; nous repérons assez rapidement le président et naïvement, nous nous dirigeons vers lui. Évidemment, nous sommes interceptés et reconduits à la porte. Quelqu'un qui a remarqué notre manège nous dit alors : "Allez donc vers l’automobile de Monsieur Herriot, vous serez sûrs de le voir quand il partira".

Nous suivons son conseil. Le chauffeur est sympathique et semble amusé de notre audace. "Vous voulez un autographe" nous dit-il 'Le président n’en donne jamais; mais vous pouvez toujours essayer. Je vous présenterai quand il arrivera.". Et il ajoute "Avez vous au moins du papier et un crayon ?". Nous n’y avions même pas pensé.

Là encore la chance est avec nous. Nous avons encore le temps de courir jusqu'à un magasin proche de l'entrée où nous trouvons ce qui nous manque et je crois, gratuitement par dessus le marché. Nous revoilà près de la voiture, le chauffeur nous félicite. Maintenant, notre souci est que le discours de Monsieur Herriot ne soit pas trop long car il ne faudrait pas tout de même que nous rations le passage de notre groupe sur le chemin du retour.

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Le président arrive enfin, accompagné de ses gardes du corps et des autorités locales. Après les adieux, il se tourne vers son chauffeur qui tient sa promesse et nous présente gentiment. Un compliment suivit de deux questions questions : "Quel est votre nom ?" et "Que voulez vous que j’écrive ?".

Nous lui répondons : "Les derniers mots de votre discours". Nous n'en avions aucune idée puisque nous n'avions rien entendu. L'important était d'avoir quelques lignes. Il écrit quelques mots illisibles sur chacune de nos feuilles, les signe, nous salue de deux mots sympathiques et rentre dans sa voiture. Nous disparaissons dans la foule où beaucoup se pressent déjà, malgré les gardes, pour obtenir eux aussi, mais en vain, des autographes.

Nos camarades ne tardent pas à arriver. Nous reprenons la queue de la promenade en exhibant les preuves de notre réussite. S'en suit un brouhaha. L’abbé Faure fait taire tout le monde et s’approche de nous deux en disant "Je vous verrai en rentrant". Nous avions gagné notre pari et en prime, 500 vers d'une tragédie grecque à copier pendant nos heures de récréations.

Je n’aimais pas le grec, et encore moins l’écrire ... Je ne l’aimais pas davantage par la suite, bien que, si ma mémoire ne me trahit pas, l’abbé Faure nous fit cadeau de 490 vers.
J’ai malheureusement perdu l'autographe.

Il faut dire que l’abbé Gaston Faure, préfet général de l’école, savait mettre dans les reproches assez de tact et de charité pour ne jamais blesser.

Pendant les petites vacances (Toussaint et Pentecôte), je restais à l’école pour ne pas coûter trop cher à ma tante. C'est lui qui me prêtait son vélo pour me permettre d’aller jusqu'à Pont d’Ain, chez un camarade dont le père avait été percepteur aux Planches en Montagne.

Il est mort le 29 avril 1942 des suites d’une grave blessure de guerre.


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