http://foncinelebas.free.fr


L'Hôtel de la Poste de Saint-Laurent

retour


En juin 1864, un émigré qui veut revoir son cher Jura et le village où est né son père, fait étape à l'hôtel de la poste de Saint-Laurent en Grandvaux. Il écrit à un ami une suite de lettres, dans lesquelles il relate ses impressions et ses souvenirs d'enfance. (auteur Paule Méré, extraits de "la revue des deux mondes" 1864).



Plus d’un sapin m’a regardé d’un air familier; plus d’un vieux mur m’a souri au passage. Un ruisseau tombant d’une roche grise a grossi sa voix pour m’appeler. L’Angélus commença de sonner au village. Du haut de ce clocher, mes jeunes années m’interrogeaient et mon coeur éperdu, ne sachant que répondre, les écoutaient en silence.

Je suis descendu à l’hôtel de la Poste. Cette auberge est célèbre à vingt lieues à la ronde pour la bonne chère qu’on y fait et pour l’ordre, l’exquise propreté; je ne sais quel air de fête qui y règne. Je vous défie de me montrer une cuisine mieux tenue, des casseroles plus reluisantes et des visages plus avenants.

Dans cette maison, tout le monde est heureux, depuis les maîtres et les servantes jusqu’aux poules blanches qui picorent dans le jardin, jusqu’aux chiens et aux chats qui rodent à l’entour des fourneaux, et le museau en l’air, hument le parfum des fritures en se recommandant à la providence. Je vous le dis, en vérité, ce sont de bien bonnes gens que nos montagnards du Jura, et parmi eux, s’il faut choisir, je donne la palme aux grandvalliers. Chez ces hommes robustes et laborieux, rouliers, fromagers, lunetiers, horlogers, il y a des traditions d’honneur et de sagesse.

Beaucoup de bon sens, une figure grave, un peu sévère, comme les paysages du Grandvaux, mais prompte à se dérider, un air de dignité réservée, une froideur apparente, et sous cette écorce, un coeur chaud. Tel est le maître d’hôtel de la Poste, ce brave Denis que mon père aimait. Il eût pu faire fortune en Suisse. Il a préféré rester à Saint-Laurent situé au carrefour de cinq grandes routes, mais qui a bien perdu de son importance depuis que grâce aux chemins de fer le courrier de Paris n’y passe plus et que les chaises de poste sont sous la remise.

A qui s’étonne du parti qu’il a pris, Denis répond qu’il aime son clocher, son sapin et son Lac des Rouges Truites, et qu’il est plus sûr d’attendre son bonheur chez soi que de courir après lui.

Quand je parus sur le seuil de la cuisine, Mme Denis poussa un cri et laissa tomber une poularde qu’elle plumait. Son mari, debout devant ses fourneaux portait, à son ordinaire, sur son épaule gauche, un gros chat roulé en peloton. Au cri de sa femme il se retourna, posa précipitamment sur la table, son chat et sa cuiller, et accourut m’embrasser ...

L’ami Denis retourna bien vite à ses fourneaux, jurant de se surpasser pour me faire fête. A huit heure la table était dressée au bout du jardin, dans un pavillon où flambait un bon feu, car vous pensez bien qu'à la mi juin, à 913 mètres au dessus de la mer, les soirées sont fraiches. Toutes les amitiés de mon père étaient là. Vous n’attendrez pas de moi que je vous fasse le détail du menu. Il se composait de tous les mets favoris, à commencer par ces fameuses truites au coulis d’écrevisses, tous ces vins de prédilection : le Château-Châlon, le jus mousseux de l’Etoile, le nectar rosé de Salins, le nectar doré de Pouilly, vins généreux qui ont une si belle robe et tant de sève, et dont la renommée n’égale pas encore le mérite.

Evidemment c’est un roman qui finira par un mariage.
Mais l’auteur connaît bien le Grandvaux, et le Jura (qu’il enrichit du Pouilly ??).

Quant à l'Hôtel de la Poste, il existe toujours. Et le livre d'or de René Faivre qui en était le propriétaire jusqu'en 2003, peut attesté de sa notoriété.

Sans en porter le nom, il était l'un des quatre célèbres "hôtels Monnier" qui enrichissaient la Route Blanche, du Pont de la Chaux à Saint-Laurent, en passant par Morillon et le Pont de Lemme. La mère de René Faivre, Anne Marie Monnier, était la soeur d'Armand Monnier, aubergiste au Pont de Lemme et de René Monnier qui a laissé à chacun de ses deux fils un hôtel au Pont de la Chaux et dont la fille a aussi été hôtelière à Champagnole.

Ancien hôtel du Pont de Lemme Ancien hôtel Beauséjour  (Pont de la Chaux) hôtel des Lacs (Pont de la Chaux)

 


haut de page