Réveil
|
Chant d'aube
|
|
|
Lorsque
mon coeur en deuil évente sa tristesse |
Pour
vaincre dans l'espace et le temps vide et nu |
Du
sourd bourdonnement d'ombres des soirs déserts, |
La
conjuration de l'ombre et du silence, |
Et
que l'ennui, comme un félin que la faim presse, |
Ma
ferveur supputant de nobles alliances |
Rampe
sinistrement vers ses porches ouverts, |
Avait
suivi sans peur des chemins inconnus. |
. |
. |
Ma
volonté, lionne implacable se lève, |
Les
rumeurs enlaçant les sillages multiples |
Cambrant
les reins puissants de son corps ramassé |
Pour
saluer le jour pavoisaient de chansons |
Et
lorsque ses chacals glapissent vers mon rêve |
La
nef d'aube surgie au loin dans l'horizon |
Rugit
au seuil flétri de mon espoir blessé. |
Au
retour du nocturne et ténébreux périple. |
. |
. |
Alors,
à ce tragique et sauvage réveil, |
Seule
au fond de l'espace épuré du mystère, |
Tous
mes sens ont brandi leurs lances de soleil |
La
forêt hérissait ses sombres ponts-levis |
Vers
les havres d'azur des chimères prochaines, |
Si
noire qu'on eût cru qu'en ses houleux parvis |
. |
La
nuit avait parqué ses phalanges guerrières. |
Tandis
qu'en mon cerveau, lourd, bardé d'énergie, |
. |
Sûr
du sang généreux qui bouillonne en mes veines, |
Mais
je marchais, allié des armées de l'aurore |
J'ouvre
sur la Beauté les portes de ma vie.
|
Et
mon verbe, tonnant comme un buccin de foi, |
|
Faisait
frémir au fond du sinistre sous-bois |
Les
monstres fabuleux que le soleil dévore. |
. |
Nous
avancions ainsi farouches, pas à pas, |
Lui
vêtu de lumière et moi bardé de rêve |
Comme
deux conquérants ivres du sang des sèves, |
L'un
descendu d'en haut, l'autre monté d'en bas. |
. |
Et
debout dans l'orgueil brutal de la victoire, |
Quand
la pourpre royale eut frôlé mon sayon, |
Mon
regard confronta, planté dans ses rayons, |
La
virile noblesse à la divine gloire.
|
|
Idéal
|
Stances à
la mort
|
|
. |
Vers
l'idéal, où le travail ainsi qu'un glaive |
Je
te salue, Divine, ô seule Taciturne, |
Fraye
à notre ferveur des sentiers méconnus, |
Suzeraine
des fiefs du temps et de l'espace, |
Nous
allons, et l'orgueil des vieux temps revenus |
Puisque
je vais sonder, sans regrets, face à face, |
D'un
héroïque espoir a fouetté notre sève. |
L'abîme
pressenti de ton regard nocturne. |
. |
. |
Nous
voulons arriver devant l'aigle du rêve |
J'ai
dépouillé le lâche humain, vide d'audace, |
Sur
le roc soleillé, farouches, pauvres, nus, |
Et
ma volonté nue me raffermit la vie, |
Et
saluer debout la Beauté qui se lève |
Vierge
de compromis, sans haine et sans envie, |
Du
tragique sillon de nos grands fronts chenus. |
Fièrement
dans ses mains prendra tes mains de glace. |
. |
. |
Nos
pieds seront meurtris, nos coeurs battront plus vite, |
Dans
les arènes d'aube où piaffent les sèves |
Plus
d'un sera tombé en travers de la route |
Sous
les molettes d'or des soleils bien fourbis, |
Pour
avoir rejeté la dégradante invite; |
Mon
ennui viager sera le linceul gris |
. |
Sur
lequel saigneront les gouttes de mon rêve. |
Et
tous, peut-être, en proie au souvenir qui noue |
. |
Le
laurier du triomphe au myrte des déroutes |
Une
à une, dans l'urne immense du néant |
Auront
du sang aux mains, mais n'auront pas de boue.
|
Qu'embrasse
ton amour de son geste de pierre, |
|
Et
plein du souverain mépris de la prière, |
Je
les verrai tomber sans un frémissement, |
. |
Car
il sied à celui dont rien n'a pu troubler |
La
sereine douleur et la fierté pensive |
De
s'abîmer sans cris dans les ténèbres vives |
Comme
un soleil couchant qui ne doit plus briller. |
. |
O
mort, ô Mère auguste, éploie sur moi ton aile, |
Ouvre
ton giron noir au coeur digne de toi, |
Et
tends sur l'accent fier de ces mots sans émoi |
Un
pan de ton manteau de silence éternel.
|
|
Les boeufs à
l'abreuvoir
|
Veillée
|
|
|
Dès
l'aube, sous l'oeil clos de l'abat-foin des granges, |
De
l'âtre écussonné d'un grand lys héraldique, |
Vaurtés
sur le fumier qui colle leurs poils roux, |
L'ombre,
comme un rôdeur, à petits pas s'approche; |
Ils
regardent béats se reposer les jougs, |
Au-dehors,
sur les champs, s'effeuille un son de cloche |
Près
des croisées où le liceul de gel s'effrange. |
Et
la retraite meurt dans l'air mélancolique. |
. |
Le
vieux bouvier remplit de foin les râteliers, |
. |
Et
sur les noirs pavés que l'urine corrode, |
L'aïeule
a raconté, branlant son chef antique, |
Le
bruit de ses sabots trouble la torpeur chaude, |
La
Vouivre et son front où la perle s'accroche, |
Où
les boeufs font craquer leurs grands muscles d'acier. |
Et
sous un vent de peur, les rêves s'effilochent |
. |
En
ce soir pastoral frère des soirs bibliques. |
Foulant
le rire épais des bouses écrasées, |
. |
Les
croupes frémissant lorsque le fouet les touche |
Les
grillons se sont tus dans leurs loges de cendres, |
Ils
s'en vont en ruant vers l'auge accoutumée, |
La
flamme du foyer se tord en bleus méandres |
. |
Léchant
de baisers lents et chauds la crémaillère, |
Et
saouls des énergies qui font leurs reins vibrants, |
. |
Les
mufles allongés dans un appel farouche |
Et
la nuit et le vent, complices de la pluie, |
Meuglent
éperdument vers l'horizon de sang. |
Qui
font gémir la vitre et crépiter la suie |
|
Creusent
jusqu'à l'effroi les cernes des paupières. |
Les hiboux
|
Les chats
|
Le bras du jour qui meurt s'abolit au vitrail; |
Dans l'ombre qui défaille aux versants
des toitures |
Par l'air enlinceulé de la rumeur des cloches |
Ruisselle la fraîcheur nocturne du silence, |
On dirait que la vie inscrit d'un geste gauche |
Et Cynthia surgie des abîmes immenses |
Son horreur du mystère au fronton des portails. |
A l'horizon noirci blasonne ses fêlures. |
. |
. |
Exhalaison putride aux lèvres d'un sol
mou, |
La prunelle hypnotique effaçant leurs paupières, |
Ce qui reste des morts remonte vers les fentes, |
Râlant du désir fauve éveillé
dans leurs reins, |
Et, comme un philtre bu sur les seins d'une amante, |
Glissant leur pas muet, les amoureux félins |
Fait miauler d'amour les sinistres hiboux. |
Ondulent lentement aux rebords des gouttières. |
. |
. |
Sur le geste de fer d'un grand Christ éperdu, |
Devant leurs dos arqués pour les mortels
défis, |
Par les croix où se nouent leur vol silencieux |
Devant le glauque éclair de leurs yeux
agrandis, |
Le soir hanté qui passe à l'air
d'être velu; |
La chatte langoureuse a tu ses pleurs d'enfant, |
. |
. |
Et la nuit s'ajustant étroitement aux cieux |
Et, l'oeil lubrique, attend, couchée, l'air
sphynxial, |
Frémit de leur amour qui semble en ce décor |
Du beau mâle rougi au sang de son rival, |
Vouloir féconder l'ombre et rénover
la mort.
|
La souffrance adorée qui sacrera ses flancs.
|
 |