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Le Ranz des Vaches

Gruyère,12 juin 2004.


On ne connaît ni le compositeur, ni l'origine de cette chanson. La publication du texte et du chant a été effectuée pour la 1ère fois en 1813, par le doyen Bridel, pasteur vaudois. Selon d'autres sources ("Le patois fribourgeois" de Louis Page), le premier qui fit imprimer, en 1710, la musique du Ranz des vaches, fut le professeur bâlois Théodore Zwinger, dans sa curieuse Dissertation sur la Nostalgie.
Chalet des Colombettes, 12 juin 2004.

On sait que ce chant existait déjà au 18ème siècle et qu'il était bien connu des Gruériens de l'époque. Les jeunes hommes gruériens embrigadés dans la garde suisse des rois de France, avaient eu la fâcheuse tendance à déserter ou à souffrir du "mal du pays" au son de ce chant.
Il fut donc tout simplement interdit de le chanter à Versailles. La garde suisse était constituée de jeunes et solides paysans gruériens, qu'on avait souvent recruté sur les alpages après les avoir quelque peu enivrés pour mieux leur faire signer leur contrat d'engagement.

L'expression lyoba provient du verbe patois ayôbo, qui signifie appeler le bétail. ayôba (ou yôba) por ario est une phrase signifiant appelle le bétail pour traire. C'est le commandement donné au bouébo, ou à l'armailli de second rang, de ramener le bétail au chalet pour la traite.
La lecture des 19 strophes de ce chant en vaut la peine. On y trouve un épisode de la vie des armaillis d'autrefois. Ils descendent avec le troupeau (la rindya) et les fromages produits sur l'alpage. Bloqués aux "Basses-Eaux", ils ne peuvent passer parce que le terrain est inondé et veulent demander au curé de leur dire une messe. Le dialogue entre l'armailli et le curé est très croustillant. Un Ave Maria sera dit en échange d'un fromage bien gras. Mais le curé ne veut pas que sa jolie servante aille chercher le fromage, car il a peur qu'elle ne veuille plus revenir après avoir rencontré nos deux solides montagnards. tout s'arrange, puisqu'après la prière du curé, le troupeau peut passer. Les refrains (il y a un refrain pair et un refrain impair) nous ramènent aux labeurs quotidiens des armaillis: l'appel du troupeau, constitué de différentes races, pour la traite, suivie de la fabrication du fromage.
Sans rapport avec le titre patois (Lè j’armayi di Kolonbètè), le titre français est le "Ranz des Vaches". Le mot " ranz " provient de Rank en celtique, Reihen en allemand, soit la marche des vaches.

Cette chanson célèbre qui accompagne la désalpe serait née près de Vuadens, précisément aux "Colombettes" (http://www.lescolombettes.ch). Le moine Joseph Bovet, qui a donné son nom à l’Association Joseph Bovet, a harmonisé la mélodie dont l’origine se perd dans la nuit des temps.

source : http://www.lyoba.ch


Vuadens, les Colombettes, 12 juin 2004.

Lè j’armayi di Kolonbètè
Lè j’armayi di Kolonbètè
Dè bon matin chè chon lèvâ.
Kan chon vinyê i Bachè j’Ivouè
Tsankro lo mè! n’an pu pachâ.
Tyè fan no ché mon pouro Piéro?
No no chin pâ mô l’inrinbyâ.
Tè fô alâ fiêr a la pouârta,
A la pouârta dè l’inkourâ.
Tyè voli vo ke li dyécho?
A nouthron brâvo l’inkourâ.
I fô ke dyéchè ouna mècha
Po ke no l’y pouéchan pachâ.
L’y è j’elâ fiêr a la pouârta
È l’a de dinche a l’inkourâ:
I fô ke vo dyécho ouna mècha
Po ke no l’y puéchan pachâ.
L’inkourâ li fâ la rèponcha:
Pouro frârè che te vou pachâ,
Tè fô mè bayi ouna motèta
Ma ne tè fô pâ l’èhyorâ.
Invouyi no vouthra chèrvinta
No li farin on bon pri grâ.
Ma chèrvinta l’è tru galéja
Vo porâ bin la vo vouêrdâ.
N’ôchi pâ pouêre, nouthron prithre,
No n’in chin pâ tan afamâ.
Dè tru molâ vouthra chèrvinta
Fudrè èpè no konfèchâ.
Dè prindre le bin dè l’èlyije
No ne cherin pâ pèrdenâ.
Rètouârna t’in mou pouro Piéro
Deri por vo on’Avé Maria.
Prou bin, prou pri i vo chouèto
Ma vinyi mè chovin trovâ.
Piéro rèvin i Bâchè j’Ivouè
È to le trin l’a pu pachâ.
L’y an mè le kiô a la tsoudêre
Ke n’avan pâ la mityi aryâ.
Redzingon
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19:
Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Vinyidè totè, byantsè, nêre,
Rodzè, mothêlè, dzouvenè ôtrè,
Dèjo chti tsâno, yô vo j’âryo,
Dèjo chti trinbyo, yô i trintso,
Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Redzingon
2-4-6-8-10-12-14-16-18:
Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Lè chenayirè van lè premirè,
Lè totè nêrè van lè dêrêrè
Lyôba, lyôba, por aryâ (bis).
Le Ranz des Vaches
Les armaillis des Colombettes
De bon matin se sont levés.
Quand ils sont arrivés aux Basses-Eaux
Le chancre me ronge! Ils n'ont pu passer.
Pauvre Pierre, que faisons-nous ici?
Nous ne sommes pas mal embourbés (ou "empêtrés")
Il te faut aller frapper à la porte,
A la porte du curé.
Que voulez-vous que je lui dise
A notre brave curé.
Il faut qu'il dise une messe
Pour que nous puissions passer
Il est allé frapper à la porte
Et il a dit ceci au curé:
Il faut que vous disiez une messe
Pour que nous puissions passer
Le curé lui fit sa réponse:
Pauvre frère, si tu veux passer
Il te faut me donner un petit fromage
Mais sans écrémer le lait.
Envoyez-nous votre servante
Nous lui ferons un bon fromage gras.
Ma servante est trop jolie
Vous pourriez bien la garder
N'ayez pas peur, notre curé
Nous n'en sommes pas si affamés
De trop "moler"votre servante
Il faudra bien nous confesser
De prendre le bien de l'Eglise
Nous ne serions pas pardonnés
Retourne-t'en, mon pauvre Pierre
Je dirai pour vous un Ave Maria.
Beaucoup de biens et de fromages vous souhaite
Mais venez souvent me trouver.
Pierre revient aux Basses-Eaux
Et tout le train a pu passer
Ils ont mis le kio à la chaudière
Avant d'avoir à moitié trait
Refrain
1-3-5-7-9-11-13-15-17-19:
Lyôba (appel des vaches) pour traire (bis).
Venez toutes, les blanches, les noires,
les rouges, les étoilés sur la tête les jeunes, les autres,
Sous ce chêne où je vous traie,
sous ce tremble où je fabrique le fromage,
Lyôba, lyôba, pour la traite (bis).
Refrain
2-4-6-8-10-12-14-16-18:
Lyôba (appel des vaches) pour traire (bis).
Les sonnaillères vont les premières,
Les toutes noires vont les dernières.
Lyôba, lyôba, pour la traite (bis).

1) Molo on cuti signifie aiguiser un couteau. La pression de la meule sur la lame traduit bien, au figuré et de manière "gaillarde", ce que pourraient être les assiduités des armaillis avec la servante du curé, traduites par molo la chervinta.


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