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La Chaux des Crotenay et Entre deux Monts
"libres" depuis 1294

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Dans son livre "Jura médiéval" Luc Duboz met en scène un personnage qui se déplace de village en village et retranscrit ses réflexions sur ce qu'il observe autour de lui. Dans le court passage qui suit, notre voyageur du moyen âge arrive au village de la Chaux des Crotenay. Il y découvre un manuscrit qui n'est rien d'autre que l'acte d'affranchissement, par le sire de Montrivel, des habitants des villages d'Entre deux Monts et de Chaux des Crotenay.


 

En poussant plus en avant mes pas, enfin surtout les sabots de mon cheval, je m'approchais de la seigneurie toute proche de Chaux des Crotenay.

Un puissant et magnifique château marquait la présence bienveillante du seigneur en ce lieu. Sa robuste constitution garantissait aux hommes et femmes du village, l'assurance d'un abri en cas d'agression étrangère.

Cette imperturbable forteresse gardait en ses entrailles les traces de l'histoire des rapports entre le seigneur et ses sujets. Une nouvelle fois durant ce périple, j'eus la possibilité de consulter les écrits des temps anciens qui régissaient encore profondément l'existence de toute la communauté.

Ma présence attirait sans doute la curiosité. Je n'étais pas homme d'armes et encore moins Français, bien que tout en moi soit proche de la culture du Royaume de France. Sans doute avais-je sur mon visage les marques de ma bonne foi et de mes intentions pacifiques.

 

Au cours de ces dernières semaines toutes sortes de personnes m'étaient apparues.

De nouveau l'une d'elles me servirait de guide dans les méandres de l'histoire locale. Traversant le village de Chaux des Crotenay, il me fut donné de rencontrer l'un des échevins en exercice pour l'année courante.

Après quelques bavardages, il m'invita chez lui et me fit l'honneur de consulter le coffre contenant les actes importants de la localité. Je tenais entre mes mains un parchemin daté de 1294.

Il s'agissait ni plus ni moins, de l'acte d'affranchissement des communautés de Chaux des Crotenay et d'Entre deux Monts, par Vauthier de Commercy, sire de Montrivel et Marguerite, sa femme.

Profitant de l'occasion qui m'était offerte, je pris ma plume et recopiais les points principaux de cet acte que je livre aujourd'hui même :

les semailles

"Et voulons et octroyons es habitans desdits lieux que chacun puisse vendre l'un à l'autre, sa maison, sa terre. Et voulons que si aucun y mouroit sans hoirs de son corps que la échoitte vint au plus prochain et que nous ne notre hoir ne puissions rien demander en l'eschoitte ne dire que nous y eussions la mortemain, ne nulle raison, ne nulle action, mais la quittons. Si aucun vouloit partir d'illes nous que n'y voulust plus demeurer; il s'en put aller tout quitte, que nous ne pouvons rien demander, mais si nous requiert que nous le conduyons nous ou notre commandement, le devons conduire un jour et une nuit sauf et sûr le corps de luy. Si nous devenons chevalier ou notre hoir, ou mariassions notre fille, ou allassions outremer, ou achetassions terre que nous coustats 200 livres ou plus, ils nous doivent aidier un chacun par son povoir et selon raison".

A travers ce texte une volonté toute nouvelle apparaissait clairement aux cours des siècles marquant la vie féodale. Le seigneur abandonnait de nombreux droits sur ses sujets, il offrait les bases d'une liberté nouvelle et annonciatrice de nouvelles données économiques et sociales. Je voyais ainsi comment la puissance seigneuriale s'adaptait aux exigences des populations afin de les maintenir sous leur pouvoir par des concessions libérales. Toutefois, si la générosité apparente de ce texte ressortait de ces quelques lignes, les dernières indiquaient combien le sujet demeurait tributaire des privilèges dont jouissait son maître. Chacun cherchait son intérêt particulier et l'une et l'autre des parties devaient trouver leur compte. Les paysans sentaient s'éloigner le poids séculaire pesant sur eux et le seigneur s'attachait à maintenir les chances d'essor de sa terre, et accroître au final ses revenus.



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