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Les poids plumes du monde ailé

 

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par G. Mazuez, extrait du "Gaulois" numéro 8 de décembre 1973

Un jour du début de l'automne, un roitelet triple bandeau est venu s'assommer contre une vitre de ma fenêtre. J'ai ramassé le minuscule oiseau tombé inanimé dans une jardinière de bégonias et, à force de "bouche à bec" et d'eau glissée au compte-goutte dans le bec ouvert, j'ai eu la chance de la ranimer.

Dès qu'il eut repris ses esprits, il s'est prestement esquivé du creux de ma main pour aller se percher sur une tringle à rideaux. Il est resté là une bonne heure avant de reprendre son vol par la fenêtre largement ouverte à son intention.

De cet incident est venue l'idée d'étudier de plus près ces tout petits oiseaux que nous pouvons rencontrer dans notre région : Ils mesurent moins de 10 centimètres et pèsent moins de 10 grammes. Le moineau avec ses 15 cms et ses 30 grammes fait figure de géant à côté d'eux. Les roitelets sont les plus petits : mesurant 8 cms du bout du bec à l'extrémité de la queue et pesant 5 grammes en moyenne, ils sont des insectivores qui vivent dans les arbres avec une prédilection pour les conifères. Ces très petits organismes à la vitalité ardente ont une durée de vie très courte et ils sont sensibles au froid; mais en compensation ils sont très prolifiques élevant chaque année deux couvées de 7 à 11 oeufs.

Le Roitelet huppé habite presque toute l'europe jusqu'à l'extrême nord. Il est généralement sédentaire en France. De teinte olivâtre sur le dos, grisâtre sur le ventre, il est caractérisé par une bande jaune orangée bordée de noir, qu'il porte sur la tête et qui se dresse en une minuscule huppe en cas d'alarme ou d'excitation. Il marque une nette préférence pour les bois de conifères, surtout d'épicéas, qui lui fournissent insectes en abondance, habitat et protection sous leurs branches retombantes. Le roitelet construit un nid sphérique de 10 cms de diamètre extérieur et 5 cms de diamètre intérieur, avec un bord rentrant pour protéger son fragile contenu des violences du vent car il est généralement suspendu à grande hauteur (10 à 20 mètres) à l'extrémité d'une branche d'épicéa. La femelle couve 16 jours et les oisillons restent au nid 17 jours, nourris par les deux parents. Oiseaux sociables hors de la saison des nids, les roitelets explorent en groupes les grands arbres dans lesquels ils se nourrissent de très petits insectes, oeufs, larves, araignées. Ils se signalent à l'attention par leurs mouvements incessants et leurs menus cris aigus qu'ils poussent presque continuellement.

Le Roitelet triple bandeau ressemble beaucoup au précédent mais se rencontre en bien moins grand nombre. Il s'en distingue par une huppe rouge-orangée bordée de deux traits noirs puis d'une couronne blanche au-dessus des sourcils. Moeurs, habitat, nidification, alimentation sont identiques mais le roitelet triple bandeau vit moins exclusivement dans les conifères. Son chant consiste en une seule note aiguë répétée avec monotonie. Les individus du nord de l'Europe émigrent jusqu'en Afrique du Nord.

La Mésange à longue queue si elle mesure 14 cms, en compte seulement 6 pour le corps et 8 pour la queue, et son poids se situe autour de 8 grammes. Elle a le dos gris à noir, le ventre blanc, le croupion rosé, les ailes noires, la tête blanche avec un bandeau noir en arrière de l'oeil. Sa grâce et sa fragilité évoquent un bijou ailé. Elle vit dans toute l'Europe et une partie de l'Asie Centrale. Les mésanges à longue queue sont généralement sédentaires en France mais peuvent se déplacer localement en hiver sous la pression du mauvais temps. Oiseaux très sociables, elles se déplacent, en dehors du temps des nids, en bandes de 15 à 20, explorant les arbres un à un sur leur parcours, en poussant des cris légers destinés à maintenir la cohésion du groupe. En hiver, elles se réunissent pour dormir blottie dans leur chaleur commune sur une branche. L'édification du nid à lieu très tôt, fin février, début mars : il est le plus souvent placé contre un tronc ou à la fourche de deux grosses branches, soit très haut, soit très bas. Il a la forme d'un gros oeuf vertical avec une entrée latérale à la partie supérieure. Les parois extérieures garnies de mousses, lichens, débris d'écorce, toile d'araignées, le dissimulent bien à la vue en le confondant avec son support, tandis que l'intérieur est tapissé de plumes, crin, laine. La construction très soignée de ce nid volumineux par rapport à la taille de l'oiseau, demande environ trois semaines. La femelle couve seule ses 8 à 13 oeufs pendant 14 jours et les jeunes s'envolent au bout de 15 jours. Les mésanges à longue queue habitent les forêts de feuillus, ou mixtes feuillus-résineux, mais aussi les parcs ou les vergers. Elles se nourrissent de petits insectes à tous les stades, en hiver principalement oeufs et chrysalides.

Enfin nous trouvons un solitaire : Le Troglodyte mignon avec ses 9 cms et ses 9 grammes. Petite taille, voix puissante, courte queue souvent portée relevée, dos brun roussâtre, ventre beige plus ou moins clair rayé transversalement de noir, il vole peu et à faible hauteur mais sautille vivement au sol et se faufile avec une dextérité sans pareille au coeur des fourrés épineux ou des tas de bois empilés par les bûcherons. Ses appellations populaires de "trousse pet" ou de "ratelet" le dépeignent parfaitement. Le troglodyte est, lui aussi, un hôte sédentaire de nos régions. Il habite toute l'Europe sauf l'extrême nord et se cantonne dans des habitats variés, à la ville comme à la montagne, dans les jardins, parcs et bois, au bord des cours d'eau, pouvu qu'il trouve d'épais buissons où chercher sa subsistance et des anfractuosités où s'abriter.

Vivant dans une farouche indépendance, le troglodyte chante dans son canton, même au coeur de l'hiver. Il a un chant harmonieux et puissant qui ne manque pas de surprendre de la part d'un si petit oiseau. Au début du printemps le mâle ébauche plusieurs nids sur son territoire et quand une femelle se présente, il lui fait une cour empressée : il entre et sort d'un de ses nids, étale les ailes, redresse la queue, salue, chante decrescendo ... Si la femelle cède à des invites aussi pressantes, l'accouplement a lieu et elle termine l'aménagement intérieur du nid. Placé dans un buisson, un trou d'arbre, une touffe de lierre, sous un toit ou dans l'anfractuosité d'un rocher, parfois dans le nid abandonné d'un autre oiseau, le nid très volumineux a soit la forme d'une bosse suspendue avec ouverture latérale, soit l'aspect d'un tas de feuilles et de mousse bien tapissé de plumes. Là, la femelle va devoir assumer seule l'incubation et le nourrissage de sa couvée de 5 à 8 oeufs, car son Don Juan d'époux est polygame et dès lors qu'il a installé sa compagne, il va tenter avec un autre nid une nouvelle conquête. Et la femelle s'en ira peut-être élever une seconde nichée chez un second conjoint. Et surcroît de problème, le nid du troglodyte est souvent parasité par le coucou. Quant aux autres nids ébauchés, ils servent, en général, de gîte nocturne. Le troglodyte est un insectivore mais peut consommer quelques baies ou graines en hiver. Toujours remuant, sautillant au sol si vite qu'on croirait voir trotter une souris, entrant dans un trou, ressortant plus loin, tel un prestidigitateur qui s'escamote lui-même, le troglodyte réserve à qui l'aperçoit ou l'entend un spectacle charmant.

N'est-il pas surprenant que les plus petits oiseaux de notre région aient en commun d'être pratiquement sédentaires, de construire des nids volumineux et très élaborés, d'avoir une vitalité tout à fait exceptionnelle qui leur permet de faire face, pour notre plus grand plaisir, aux rigueurs du climat sans que nous puissions leur apporter le moindre secours de nourriture en hiver, puisqu'ils sont résolument insectivores ? Il ne nous reste qu'à les admirer lorsque nous les rencontrons et ils sont si enchanteurs que c'est un sentiment auquel nul ne peut se soustraire.

Le cingle plongeur ou merle d'eau

extrait de la revue de l'association des amis de la Chaux des Crotenay "le Gaulois" n°6 de juillet 1972

C'est un montagnard qui affectionne les eaux vives peu profondes des torrents. C'est ainsi que nous le rencontrons souvent le long de la Lemme ou de la Sayne. Son observation à la jumelle est passionnante. On le rencontre un peu partout en France sauf à la pointe de la Bretagne et sur les côtes de la Manche. C'est un passereau de la taille d'un merle.

Mâle ou femelle portent une livrée identique : teinte marron et large bavette blanche, queue courte portée souvent rebroussée. Les jeunes sont gris, marqués de brun noir avec absence de plastron. Le cingle est un sédentaire se limitant à un faible érratisme hivernal si la glace lui interdit momentanément l'accès de l'eau. Il est le seul passereau plongeur et nageur. Il aime les eaux rapides et claires, les remous et les cascades et il cesse de plonger lorsque l'eau se trouble, après un orage par exemple. C'est pour se nourrir qu'il plonge, nage et marche au fond de l'eau. Le cingle est un insectivore qui fait consommation de larves et d'insectes aquatiques, de petits crustacés et mollusques recueillis dans l'eau sous les pierres du fond mais aussi dans le gravier des berges.

Les couples se forment dès janvier et les parades nuptiales se prolongent pendant les mois de février et mars avec chant et attitudes variées. le territoire d'un couple peut être long de 200 à 1000 mètres sur le parcours d'un cours d'eau. Le nid, volumineux et solide est construit par les deux parents, la femelle assurant seule le garnissage intérieur. Il a la forme d'une boule sphérique ou ovale avec ouverture latérale. Il peut être situé de 1 à 5 mètres au-dessus de l'eau dans une cavité d'un mur, d'un pont ou d'un rocher et mesure de 20 à 40 cms de hauteur, 20 à 30 cms de largeur.

La ponte a lieu fin mars, début avril et comporte généralement 5 oeufs blancs que la femelle couve seule pendant 15 à 18 jours. Les jeunes restent au nid durant 19 jours en moyenne et dès la sortie du nid ils se jettent à l'eau, plongent et nagent avant même de savoir voler. Ils sont encore nourris par les parents le long des berges et se dispersent au bout de 4 à 5 semaines sans s'éloigner de plus de 50 kms de leur lieu de naissance. Une seconde ponte a généralement lieu vers la mi-mai dans le même nid qui est souvent utilisé pendant plusieurs années.

Le cingle est facilement visible le long de la lemme et de la Sayne, surtout en hiver pendant la fermeture de la pêche. Il est souvent posté sur un rocher qui émerge de l'eau et s'il est surpris, il s'envole au ras de l'eau en lançant des cris aigus. Si on réussit à ne pas l'effrayer on peut le voir se jeter à l'eau, explorer le fond, émerger pour s'ébrouer sur un rocher et faire une soigneuse toilette avant de plonger à nouveau.


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