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Alésia selon Max Buchon


Chacun sait que la bataille d'Alésia s'est déroulée à Cornu, et non à Salins. La troisième bataille l’a démontré. Il serait cependant dommage que l’on oublie les quelques pages que Max Buchon consacre à Vercingétorix dans son "Histoire de Salins". Il est vrai que Max Buchon était un fanatique de son pays. Il est vrai aussi qu’il écrivait cette histoire en 1862, c’est à dire juste un siècle avant le portrait robot créé par André Berthier.

Voici un extrait de son livre :


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Plaine de Syam


"Les gaulois, forts de leur droit, de leur nombre et de leur intrépidité, se mettent à la poursuite de l’armée romaine, qui, grâce à sa discipline et l’habileté sans scrupule de son chef, fait subir successivement les plus sanglants échecs à la grande armée gauloise. Vercingétorix, battu une dernière fois près de Gray, se replie avec 80.000 hommes sur Alésia. Alésia est alors une immense place forte de quatre lieues de tour, dans laquelle, au bruit des évènements; venait déjà de se réfugier une masse de population des bords du Doubs (les mandubiens) avec leurs troupeaux.

Vercingétorix

Jules César en commence le siège avec toute son armée. Vercingétorix fait une première sortie dont l’insuccès lui démontre l’inutilité de sa cavalerie, réduite à 15.000 chevaux. Il rentre dans la place avec la persuasion qu’il n’y a plus de salut pour lui que dans un immense effort qui arrachera la Gaule à ses fondements, pour la précipiter d’un seul bloc sur l’envahisseur. Partez, dit-il, à ses 15.000 cavaliers; retournez chacun dans votre pays; levez tout ce qui peut tenir une arme; et revenez nous délivrer. J’ai des vivres pour trente jours. Nous vous attendrons. Et voila les 15.000 cavaliers qui s’échappent de nuit par le chemin de Lanquetine, derrière la maison Pourtales, sans que les romains les entendent.

Le mois passe, pas de nouvelles du dehors. Le blocus de l’ennemi devient pressant. Les vivres vont être épuisées. Dans Alésia les uns veulent qu’on attaque, les autres s’y refusent en proposant quand les vivres manqueront, de manger les individus inutiles à la défense. Cela n’est pas accepté, mais, par économie, on chasse de la ville les vieillards, les femmes et les enfants, qui, ne pouvant se faire accueillir par les romains, même à titre d’esclaves, meurent lentement entre les deux armées dans les précipices du Lison.

Cependant Vergassillaume, cousin de Vercintégorix, arrive du fond des Gaules avec 250.000 hommes et tente de forcer la ligne romaine par les hauteurs de By et de Myon. Bientôt avec soixante mille hommes d’élite, il envahit le plateau d’Amancey par Ornans et Chassagne. Une lutte terrible s’engage. César, attaqué par Vercingétorix et par l’armée de secours, semble perdu. Lui-même, il est un instant prisonnier d’un gaulois qui déjà l’emporte sous son bras : mais tout à coup, la chance retourne. L’armée de secours est bousculée dans les précipices du Lison et de la Loue. Vergassillaume est pris vivant. Soixante et quatorze enseignes sont apportées à César. Le combat n’est plus qu’une immense boucherie. La masse de l’armée déployée au loin sur les hauteurs prend la fuite et les défenseurs d’Alésia, délaissés sans retour, rentre dans la place aux approches de la nuit.

 

Vercingétorix, le héros, le patriote, n’avait plus rien à faire ici-bas; la patrie était perdue. L’homme pouvait encore quelque chose pour ses frères. Il pouvait peut-être encore les sauver de la mort et de la servitude personnelles.

rédition de Vercingétorix

Cette pensée fut la dernière consolation de cette grande âme. Le lendemain Vercingétorix convoqua ses compagnons et s’offrit à eux pour qu’ils satisfissent aux romains par sa mort, ou qu’ils le livrassent vivant. On envoya savoir les volontés de César. Celui-ci ordonna qu’on livrât les chefs et les armes, et vint siéger sur un tribunal élevé entre les retranchements.

Tout à coup, un cavalier de haute taille, couvert d’armes splendides, monté sur un cheval magnifiquement caparaçonné, arrive au galop, droit au siège de César. Vercingétorix s’était paré comme la victime pour le sacrifice. Sa brusque apparition, son air imposant, excitent un mouvement de surprise et presque d’effroi. Il fait tourner son cheval en cercle autour du tribunal de César, saute à terre, jette ses armes aux pieds du vainqueur, et se tait.
Devant la majesté d’une telle infortune, les durs soldats de Rome se sentaient émus. César se montra au dessous de sa prospérité. Il fut implacable envers l’homme qui lui avait fait perdre, en un jour, le nom d’invincible, et livra le héros de la Gaule aux liens des licteurs. Vercingétorix; réservé aux pompes outrageantes des triomphes, dût attendre six années entières que la hache du bourreau vint affranchir son âme.

Voila quelques traits de cette grande histoire. Or tout le monde croyait depuis deux mille ans que le village d’Alise, près Montbard, en Bourgogne, était le lieu où s’étaient passés ces gigantesques évènements, quand en 1888, Mr Delacroix prétendit qu’on se trompait, et que l’Alésia de Jules César n’était autre que l’Alaise moderne à deux heures de Salins.


Constatons qu’il est impossible de visiter le plateau d’Alaise où votre pied heurte à chaque pas des sépultures entassées sans reconnaître qu’il a dû se passer là des événements formidables. Pourquoi l’histoire officielle n’en disait-elle rien ? Il serait naïf de le demander, attendu que l’histoire officielle est comme le roi Dagobert; elle n’aime pas les pourquoi ... Un point vulgaire à ne pas oublier, c’est de porter avec soi son dîner si l’on ne veut perdre un temps précieux à l’attendre dans les maigres auberges du pays.

C’est égal. Dans nos petites promenades aux environs, nous venons de rencontrer trois fameux conquérants qui n’ont pas brillé sur notre sol comtois dans la pratique de la magnanimité la plus élémentaire. Se figure-t-on quelle nique le capitaine Morel, d’Arbois, et Vercingétorix d’Alésia ont dû faire, dans l’autre monde, en y voyant arriver Henry IV et Jules César poignardés par leurs ennemis et louis XIV emmitouflé par la Maintenon."


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