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Le château de la folie, la malédiction du grand rocher

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Charles THEVENIN, dans un article du Progrès paru en novembre 2003, revient sur les origines du Chatelet. Cette ancienne forteresse qui abritait aux pieds de ses murailles un village, qu'on identifie en 1463 et dont six maisons subsistaient encore en 1763. Il raconte, comment en 1837, le projet fou de Claude François FUMEY, personnage taciturne et solitaire, donna à l'endroit une réputation sulfureuse. S'il ne reste rien aujourd'hui de sa bâtisse dantesque détruite par la foudre, le nom qu'on lui donna est encore dans toutes les mémoires. Le Château de la Folie et son propriétaire semblent bel et bien avoir été marqués par une étrange malédiction.


Depuis longtemps autour du roc glabre, régnaient de fumeuses réminiscences. Jadis, il exista un village sous la protection du pic austère. Un dénombrement de 1473 y trouve deux familles.

photo et information transmise par Mr Roger BAILLY-SALINS
Le 12 septembre 1906, les demoiselles Bolle, marchandes de cartes postales à Champagnole, ont fait faire cette photo par la maison Bouveret du Mans. Les retouches du photographe ont maquillé les ruines du château de la folie (d'après Numa Magnin)

En 1763, il comprend six maisons. Trois appartiennent aux CRETIN, deux aux FUMEY, la dernière à la famille GUY. Mais ils ne sont que sujets mainmortables des sires de Joux. L'embryon primitif "serait" venu se blottir sous les murailles d'une petite forteresse désignée par l'explicite "Chatelet". On aurait trouvé ici une sorte de fortin planté sur les limes de la puissante seigneurie de Chaux des Crotenay. On manque d'éléments pour étayer cette thèse militaire. Dans le Jura, "Chatelet" s'applique souvent à ces rochers puissants, capables par leur seule physionomie d'imposer le respect. On raconte même que deux légendaires châteaux, d'autres disent deux fermes, se seraient déjà à cette époque, succédé sur l'éperon. L'histoire curieusement, nourrit dans ce secteur, des racines puissantes.

Lothaire, petit-fils de Charlemagne, cite, dans un diplôme les villages du Chatelet et de Montliboz, le tout proche voisin. Les Planches, n'existe pas encore. Cette prospérité va même traverser quelques siècles "la terre est bonne". En 1820, on compte 136 habitants logeant dans 20 maisons On doit toujours égayer ces bâtisses sur un territoire non limité par un cadre administratif moderne. Il reste une ferme portant aujourd'hui le nom de "Chatelet". Mais elle se trouve à plus d'un kilomètre vers l'ouest, sur le territoire communal d'Entre deux Monts.

Il ne fait pourtant aucun doute qu'elle devait être comprise dans l'entité citée au début du XIXème siècle. A cette époque, on ne parle plus de "chatelet"; pris en temps qu'ouvrage militaire depuis des lustres. Mais la tête émergeante et stérile du rocher surveille encore quelques maisons.

Dans les mêmes années vivait Claude François FUMEY dit du Moulin. C'était localement un notable richement installé. Propriétaire foncier, il avait su profiter des opportunités offertes par la Révolution en acquérant, par exemple, des biens nationaux. Il possédait, au Chatelet, 141 "journaux" (47 ha) mais surtout il était propriétaire d'un moulin "à eau", accroché aux falaises qui constituent l'amont du défilé de la Langouette. En 1817 il est même maire des Planches. Dans ces temps là, il est veuf. Sa femme lui a donné six filles et un garçon, mais elle est décédée après une ultime naissance. C'est cet homme mûr, riche, mais taciturne et solitaire qui conçut, en 1837, un projet inspiré, à l'évidence par une forme aigüe de mégalomanie.

Intérieur de la chapelle

Sur la plate forme sommitale du Chatelet, il commence l'érection d'une bâtisse singulière. Face au nord, et donc aux Planches, le roc présente une face verticale de plus de cinquante mètres de haut. Les accès, difficiles, se pratiquent dans la pente méridionale. Le site toise littéralement la vallée encaissée. Et pourtant FUMEY veut ajouter encore quatre étages à ce piédestal céleste. Au milieu d'un cirque rocheux largement ouvert, le "château" devient l'élément central du paysage. On le voit de partout dès que aborde, par l'un ou l'autre des points cardinaux, le bassin moyen de la Saine. On devine sans peine les réactions sarcastiques des contemporains à qui l'on impose ainsi les preuves clinquantes d'une fortune nouvellement établie.

Dès l'origine peut-être, François FUMEY en subit-il quelques échos. En fait, depuis que le "château" existe, une forme de malédiction semble s'attacher à ses faits et gestes. Son fils en fournit une parfaite illustration.

Albert Léon FUMEY, né en 1817, est étudiant en médecine. En 1843, il est sûrement encore célibataire, peut-être fiancé. Le six août, on le trouve "descendant" de la fête de Foncine avec son ami POUX. Dans ces instants, on était justement en train de tailler dans les falaises de Malvaux, une nouvelle route destinée à suppléer la sente redoutable qui unissait les deux villages. Le chantier était déjà bien avancé mais la circulation n'était pas encore autorisée. C'est pourtant par là, la nuit étant tombée sur les effluves échappées d'une journée de fête, qu' Albert Léon choisit d'engager son léger véhicule hippomobile. La mort le guettait au plus haut de falaises. Mais dans cette épopée nimbée de mystères, drapée de non dits et de sous entendus, on ne sait plus déjà s' il a chuté au fond du gouffre où s'il s'est simplement cassé le col sur les arrêtes du chantier. On est sûr seulement, que le cheval, échappé au désastre, fut retrouvé broutant sereinement les talus avals.

En tout cas, Albert Léon FUMEY, est officiellement décédé le six août à son domicile aux Planches.

La Rose des Montagnes

 

Il s'agit d'Esther BILLOT, fiancée d'Albert Léon FUMEY et, comme lui, étudiante en médecine.

(collection Jean-Noël Coste)

Ce nouveau malheur semble avoir plongé François dans un état squizophrénique. On dit que préalablement, il fuyait tout contact avec ses contemporains. Le château peu à peu, s'enveloppa de nuées maléfiques. On ne sait d'ailleurs, quel fut l'état d'avancement définitif du chantier. Une foule de cartes postales, postérieures à tous ces drames il est vrai, montrent une construction arrogante, à quatre niveaux couverts, en tavaillons dit-on parfois. Certains affirment, aux Planches, que ces documents sont faux. D'autres au contraire les agréent. En tout cas, considérant l'état, à la fois des occupants et du bâtiment, la vox populi le baptisa d'un nom explicite, on ne connu plus que le Château de la Folie. Cette épopée fantasmagorique trouva même un épilogue à sa mesure. Sur son pic esseulé, le château fut la cible d'un orage danteste. Un coup de tonnerre le fendit littéralement en deux.

La croix Fumey, dans son ancien emplacement

Les partie aménagées furent réduites en cendre. En 1882, il fut officiellement "réputé démoli", on le sortit des matrices cadastrales huit ans plus tard. Les assises subsistantes servirent de carrière de pierres.

La personnalité ... particulière de François FUMEY du MOULIN s'embarrassait d'autres finalités. D'abord losrque sa fortune sembla établie, il changea de nom. Il se fit appeler FUMEY du CHATELET. Il est par ailleurs singulier d'assister en même temps que la construction du château, à l'érection d'un tombeau monumental.

Sur une crête sylvestre peu éloignée du Château de la Folie, on trouve une jolie chapelle précédée par deux piliers d'ordre dorique. C'est là que François comptait asseoir sa dernière demeure. La loi républicaine en décida autrement.

La chapelle, certainement sans sépulture, a beaucoup mieux traversé l'épreuve lénifiante des temps. Elle est aujourd'hui en excellent état. Sur le fronton on peut lire "UTINAM F 1837 F". La malédiction qui semble s'attacher à François et sa proche descendance, a frappé une ultime fois durant l'été 2003. L'endroit dans Malvaux ou fut accidenté Albert, avait été signifié par une niche ogivale dans laquelle on avait fixé une croix de fer. On pouvait voir juste à côté, l'esquisse d'un premier abri inutilisable. Les travaux d'aménagement de la route départementale, "rognant" les rochers, s'employèrent à l'effacer. Elle fut reconstituée, quasiment en la même place, la croix de fer y loge à nouveau.

Des six filles de Claude François FUMEY du MOULIN (ou du Chatelet), l'une est bien connue des fonciniers : c'est Louise Appolonie, née aux Planches le 26 septembre 1810, et mariée le 29 septembre 1836 au docteur Jean-Baptiste MUNIER, né à Foncine le Haut le 23 brumaire An XIV, auteur entre autres des "Recherches historiques sur les Foncines et le Canton des Planches". Madame MUNIER, "la bonne dame", a fait des dons importants pour l'église de Foncine le Haut, dont l'orgue, qui n'était pas encore tout à fait accordé lors de l'inauguration le 8 octobre 1854.

C'est le docteur MUNIER, qui après la mort de Claude François FUMEY, le 14 mars 1854, a acquis, ou reçu en héritage, le domaine du Chatelet.

Au mariage du 18 septembre 1836 assistait Eléonore BAILLY, directeur du grand séminaire de Lons. Il est donc très possible que le registre des sépultures des Planches précise si Claude François et Albert Léon FUMEY, décédés les 6 août 1843 et 14 mars 1854, ont été inhumés au cimetière communal ou à la chapelle du Chatelet. Si ce registre n'est plus aux Planches, on devrait le trouver aux archives diocésaines de Montciel.


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