Autre folie, autre légende |
Depuis longtemps je voulais voir les traces de
ces ruines pour me convaincre qu’il ne s’agissait pas seulement
d’une légende. Peu après, des premières traces
de constructions sont visibles au sol et correspondent sans doute à
deux fermes qui se trouvaient au pied de la bâtisse géante.
On distingue simplement les entourages de ces bâtiments et quelques
pierres de taille écroulées.
Je remercie Luc Duboz qui m'a aimablement autorisé
à retranscrire ci-dessous son texte imaginaire extrait du « Jura médiéval » (de L. Duboz et E. Petitjean
aux éditions Gunten). Il vient enrichir les nombreuses légendes
qui ont pris naissance autour de ce lieu inquiétant.
Connaissez-vous la peur ? Cette oppression insistante, cette phobie maladive qui vous fait perdre tout sens des réalités. Votre esprit s'engage dans des impasses innombrables, percutant les bords infranchissables de la raison. Vous êtes du côté obscur alors qu'une minute auparavant la sérénité était votre compagne bienveillante. Une nuit sans fin s'étale devant vous et toute notion logique vous abandonne. La moindre ombre, la forme la plus commune fait monter en vous une angoisse incontrôlable. Des siècles de mythes, plus fantastiques les uns que les autres, surgissent devant vous comme s'ils étaient une part de votre réalité quotidienne. Un doute me hante en cet instant. Serais-je encore le même après cette aventure ? La tour fuyant vers le ciel dont je contemple maintenant l' immensité, regorge du plus étrange des mystères. Aux abords du village des Planches, se perpétuent les souvenirs d'une sombre nuit. La légende est une part de la vérité. Elle grossit parfois les traits du passé pour marquer à jamais les incrédules qui découvrent les mystères des temps anciens. Or, il y a bien longtemps, quand cette terre s'épanouissait doucement et que les colons défrichaient et bâtissaient sans relâche le domaine de leur nouvelle existence, survint un drame qui marqua les esprit à jamais. Le jeune seigneur d'alors vivait en parfaite harmonie avec les sujets de sa seigneurie. Touchés par sa bienveillance, ils travaillaient tous d'arrache-pied à la mise en valeur de sa terre. La tâche était dure mais chacun redoublait d'effort. Le jeune baron participait parfois aux travaux, montrant ainsi sa sollicitude, et faisait partager son enthousiasme. Il vivait heureux avec son épouse, et bientôt elle lui donnerait, du moins l'espérait-il, un héritier. La jeune dame, enceinte de plusieurs mois apparaissait parfois parmi ce gigantesque chantier, plus par amour pour son époux que pour porter ses encouragements à tous. Car ces deux là s'aimaient ... à la folie. Le temps passait et le jour de la délivrance approchait. Tous les jours le baron ne quittait pas sa jeune épouse le matin sans s'être auparavant assuré que tout allait bien et que ses dames de compagnie seraient constamment à ses côtés. Tout s'annonçait pour le mieux. Aussi la douceur de vivre se lisait sur le visage du maître au travail parmi ses sujets. Les nuits devenaient froides mais de belles journées ensoleillées accompagnaient le labeur incessant des hommes. A trop vivre dans le bonheur, on oublie parfois le danger. Par un bel après-midi, alors que tous sommeillaient au château, la jeune dame voulut rejoindre, une fois encore, son époux tant aimé. Mais alors qu'elle traversait le bois qui l'a séparait de lui, le drame éclata. Une horde de loups affamés, excitée par le chef de la meute, l'attaqua soudainement. Ses cris donnèrent l'alerte mais il était déjà trop tard. Avant tout secours, elle succomba. Avec elle, l'enfant qu'elle portait. Fou de rage et de douleur, le jeune baron sombra peu à peu dans une folie profonde. Jamais plus il ne redevint le brillant jeune homme qu'il fut auprès de sa douce et tendre. Tous le plaignirent mais nul n'osait désormais l'approcher. Ses réactions et ses paroles inquiétaient. Tous pouvaient reconnaître l'oeuvre du diable. Il ne survit pas longtemps à sa belle qu'il rejoignit en se jetant du haut de la tour. Depuis lors, cette demeure est maudite. Et aujourd'hui encore la peur vous saisit, une incompréhensible angoisse vous fige de terreur en contemplant les murs du château de la folie. |