Morillon, un relais important |
Morillon est connu depuis longtemps. En 1213, et sans doute avant, on trouve ce nom autant dans l’histoire du Grandvaux que dans celle du Haut-Doubs. La Vie de la Serre - une courte partie de l’ancienne route de Salins à Genève - a survécu jusqu’à l’arrivée du chemin de fer. C’est dans cette période que Morillon a vécu ses "années de gloire". Voici, pour compléter les pages qui existent déjà, quelques lignes, relevées sur de vieux ouvrages, qui témoignent de sa célébrité. |
En décembre 1811, c’est un râleur qui s’en va à Turin et qui écrit : "Je trouvai un chemin horrible, de Salins à Champagnole où je ne descendis qu’un moment de voiture pour manger deux œufs qui me causèrent une violente colique d’entrailles dont je pensais mourir deux heures après. En arrivant à Maison Neuve, poste isolé au milieu des montagnes, je n’y trouvai aucune ressource. J’avais heureusement porté du thé avec moi; le froid de la nuit m’avait comprimé l’estomac; mon valet de chambre fit chauffer des serviettes; l’effet de ce remède fut prompt; mes douleurs devinrent beaucoup supportables, et je me sentis le courage de passer encore la nuit suivante. mais nous sommes déjà loin de chez nous .... En 1512 c’est un bourgeois de Metz qui traverse la Franche-Comté du nord au sud en passant par Salins, le Pasquier, Champagnole, Morillon, Grandvaux ... Il se souvient de : "la grande multitude d’ouvriers qui ne font autres choses que forgier et marteler" et d’un "lieu où il y a tant de bois que l’on ameigne tous les jours que c’est chose merveilleuse" et encore "de lanternes, de seilles, de cuir bouilli et d’autres instruments pour résister contre le feu s’il se prenant céans". Pour conclure "c’est grand maixon de grand magnificence et de grand provizion". Une autre fois, c'est un ingénieur à l’Université de Franche-Comté qui, après avoir visité la taillanderie de Nans sous Sainte Anne puis les martinets de Champagnole, de Balerne, de Syam près de Châteauvilain, passe à Maison Neuve et, à cette occasion, donne une définition du martinet. Pour cela il copie ce qu’a rédigé un candidat à un concours de l’académie de Besançon en 1783 : "Une forge de martinet est différente de ce qu’on appelle grande forge. Dans ces forges il y a des roues pour faire agir des marteaux, l’un pour apurer les faulx, l’autre pour les ambattre, roue pour faire agir des ciseaux pour couper la tolle et autres choses semblables. Un marteau pour couper du fer et commencer les faulx, un autre pour les élargir le 3ème pour les parer et un 4ème avec lequel on formait le fer propre aux ouvrages fabriqués dans les martinets; une roue pour faire agir les soufflets, un 5eme marteau pour tirer des bandes de chariot, pamettes, fer d’essieux, et un 6e marteau servant pour casser les bouts de gueuse ou autres morceaux jettés pour les casser et mettre en plus petits morceaux pour ensuite les préparer, une roue qui fait tourner une meule pour les aiguiser, les marteaux et les enclumes". Un italien à Morillon Léonce Pingaud a trouvé, en 1878, à la bibliothèque de Saint-Petersbourg, un manuscrit français de 327 pages, écrit en 1679 par un italien établi en France, semble-t-il, et dont un chapitre est intitulé "Voyageur en Franche-Comté". Ce récit est pittoresque; l’auteur admire Besançon, Salins, Champagnole (où il boit du bon vin mais où il ne voit pas de vignes) et après avoir côtoyé et traversé beaucoup de torrents il arrive à Morillon. Voici ce qu’il a remarqué : "Je traversai le torrent sur un pont et vins ensuite, après avoir vu une troisième cascade, et un moulin, disner en un village appelé Morillon. Il y avait vis à vis un moulin et une autre cascade. J’y disnai d’un morceau de mouton rosti qui était un grand extraordinaire, car ils ont fort peu de rostis dans ces montagnes et sont gens fort grossiers et à moitié sauvages. Les femmes, comme à Salins et presque dans tout le Comté, y vont pieds nus, ce qu’elles observent presque tout l’hiver au milieu des neiges; mais en récompense, elles ont des cornettes qui viennent en guise de mentonnières, leur enfermer le dessus du menton et leur en couvre une partie, ce qui est ainsi partout. Au sortir du Morillon, je montai un peu et marchai quelque temps dans une mi-côte entre des montagnes couvertes d’arbres, y ayant en plusieurs endroits des épicéas. Dans le fond était une petite lisière de prairie avec quelques eaux. Après cet endroit je remontai fort haut et gagnai le faiste des montagnes sur les quelles éstaient plusieurs pelouses d’où la vue aboutissait sur plusieurs sommets de montagne ...". Et notre italien s’en va à Morbier puis aux Rousses. Merci pour ses compliments. Qu’était donc ce relais? On trouve un élément de réponse avec le" livre des postes aux chevaux du Royaume de France et des relais des routes desservies en poste"qui recense la liste des relais de poste aux chevaux du royaume de France de 1835, et parmi eux la route Paris à Gex. Voici ceux du Jura, avec pour chacun, la distance (appelée "poste"), retenue pour calculer le prix :
Pour chacun de ces relais il est ajouté : un cheval de renfort sur les voitures de la première division pour l’année. Chaque poste doit être ouvert jour et nuit. Il y a : Son maître, qui doit résider sur place, et est responsable du service et responsable civilement en cas d’accident. Il tient un registre d’ordre et de réclamation.. Des postillons qui, seuls, doivent conduire les chevaux du relais. Ils ont plus de seize ans, portent un uniforme et ont sur un bras l’écusson ou la plaque qui indique le nom du relais. Comme les chevaux, ils sont attachés à un seul relais. Des avant-courrier. Un avant- courrier est un homme à cheval qui court devant une voiture pour faire annoncer son arrivée et faire préparer les chevaux du poste suivant. Des chevaux qui ne peuvent être remis en service avant "qu’ils aient rafraîchi",quitte à faire attendre les voyageurs. S’il vient à en manquer, on peut les employer sur un relais voisin mais pas au delà. Saint Laurent a de 50 à 60 chevaux, plus que Morillon évidemment car il dessert à un carrefour. Les usagers sont de deux sortes : Les malles-poste (la grande et la petite) qui transportent les dépêches et deux ou trois voyageurs, plus une vache.
Les gens du peuple ignorent ces voitures, on le devine. Comment ce système fonctionne-t-il ? Les voyageurs ont commandé des chevaux. Un avant-coureur a annoncé leur arrivée très proche. Le postillon devant partir a préparé les chevaux de rechange. Avec son collègue arrivant, Il doit relayer la voiture en moins de cinq minutes (moins d’un quart d’heure la nuit). Jusqu’au relais suivant, - entre 40 et 50 - il ne devra ni s’arrêter, - sauf pour laisser souffler les chevaux - ni descendre de cheval. Le postillon du relais suivant doit pouvoir repartir avec ses chevaux dans les cinq minutes, à moins qu’il n’y ait plus de chevaux "rafraîchis" ou qu’une malle poste n’use de sa priorité. Sauf accident, les postillons ne peuvent se dépasser sur la route. Cette disposition ne concerne pas les malles-poste. Les rouliers, voituriers, charretiers sont tenus de céder par moitié du pavé aux courriers de la malle, aux voyageurs en poste et aux voitures publiques à peine de cinq francs d’amende. Le prix Il est calculé pour chaque poste selon le nombre de chevaux, de postillons , de personnes transportées. Multiplié par 1,50 francs, qui est le prix de chacune de ces bases. Ainsi trois personnes allant en cabriolet de Morillon à Saint-Laurent, payeront : Si, comme cela se trouvait souvent pour monter la Vie de la Serre on devait mettre un cheval de renfort, il fallait ajouter un franc. |