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Les catastrophes qui touchèrent Champagnole

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Raoul Sébile, dans son livre "Champagnole" écrit en 1901, énumère la quantité de catastrophes dont la région de Champagnole eut à souffrir entre l'an 1000 et le XIXème siècle. Epidémies épouvantables, famines, incendies, hivers terribles, guerres et réquisitions se succédèrent pour martyriser le pays, et l'on constate à l'énumération de ces catastrophes, que la canicule, les tempêtes, les incendies ou les pneumopathies atypiques, qui font la une de nos médias, ne datent pas d'hier.

photo prise à 18h30, sur les bords du lac de l'Abbaye, le 17 octobre 2003


Dans le courant du Xème siècle, dix famines et treize pestes réduisirent le Comté de Bourgogne à la plus affreuse de toutes les positions.

En 1000, la famine reparut. La France entière eut à gémir de cette grande calamité pendant laquelle on vit des misérables, en grand nombre, se nourrir de reptiles, d'animaux immondes, voire même de chair humaine.

Des traditions bien conservées nous révèlent que, peu d'années après, une autre famine de sept ans fut suivie d'une mortalité désastreuse dans la Gaule : ce fut de 1021 à 1027; en 1031, ces fléaux reparurent. En 1034, la récolte fut si abondante, dit le moine Glaber, qu'elle surpassa celle des cinq années précédentes.

Avec les années 1045, 1053 et 1059 reparurent aussi la misère et la mortalité. Pendant ces 3 années, beaucoup de villes, de bourgs et de villages se dépeuplèrent à tel point qu'on y trouvait à peine quelques habitants.

Le Xème siècle, si fécond en malheurs publics, finit par la peste.

Lac des Rousses

En 1811, la chasse de Saint-Claude séjourna plusieurs jours à Champagnole, et opéra selon la légende plusieurs miracles sur des personnes de différents sexes.

En 1315, des pluies générales et continuelles détruisirent les récoltes et amenèrent la famine. Mais ce qui arriva en 1348 fut attribué à un cataclysme d'une autre nature. Des sauterelles, au printemps de 1349, firent des ravagent d'autant plus affreux qu'alors même existait une très grande disette d'objets de première nécessité.

En 1349, et de 1633 à 1636, la peste décima la population. La lèpre y régna jusqu'au XIVème siècle.

Le siècle suivant, sans être aussi malheureux, vit aussi ses jours néfastes. Les années 1442, 1451, 1466,1476, 1482, 1485 et 1494 furent encore des époques de disette et de maladies populaires. En 1525, les maladies épidémiques recommencèrent.

L'année 1585 fut remarquable par une espèce de maladie pestilentielle qui fit les plus grands ravages.

L'année 1571 eut aussi son épidémie, et 1586 la sienne : on vit en outre, au printemps de cette dernière année, une quantité inouïe de chenilles : les arbres, les haies, les murailles, les buissons, les routes mêmes en étaient couvertes.

Le 7 janvier 1609 fut le commencement d'un hiver extrêmement rigoureux. Le froid était si vif dans le val de Mièges que toutes les personnes qui sortaient des maisons avaient aussitôt les membres gelés; les chemins et les champs étaient couverts de corps morts.

près de Château des Prés

Ce froid s'adoucit un peu pendant quelques jours au commencement du carême puis il reprit avec une nouvelle intensité jusqu'aux approches de Pâques. Il en résulta une disette affreuse : le blé se vendit jusqu'à 21 francs le boisseau, et la misère était si grande parmi le pauvre peuple qu'on allait jusqu'à arrêter les voyageurs pour les dévaliser, en plein jour.

L'année 1638, de déplorable mémoire, rendit le Franc-comtois aussi malheureux qu'il le fut jamais. On était en guerre : les Français désolaient les habitants des campagnes et les poussaient dans les villes pour y augmenter le malaise et la misère. Ces pauvres créatures y étaient sans pain et sans ouvrage, entassées dans des lieux infects.

Il y eut une famine horrible qui forçait à manger de la chair humaine, à sacrifier des enfants, vivre d'herbages et des débris de quelques animaux immondes. Hâves et souffreteux, ces hommes, ou plutôt ces spectres n'éloignaient quelquefois la mort qu'en dévorant les soldats tués au combat.

L'année 1639, moins cruelle sous le rapport de la faim, fut toute de feu et de sang pour les Comtois; Champagnole eut à souffrir des bandes suédoises du Duc Bernard de Saxe Veimar, pendant ces guerres que soutenaient Lacuzon et ses partisans pour l'indépendance de la Comté; et, pour comble de misère, une maladie contagieuse, éclatant parmi les gens de guerre, se répandit promptement dans les villes et en ravagea la population.

Le 9 mars 1670, les habitants de Champagnole constituèrent une rente de 500 francs, au profit de Charles GUYON, de Salins, pour que le prix fût employé à l'acquit des fournitures et entretien des troupes de cavalerie, en station à Champagnole.

A la fin de cette période séculaire, le Jura n'eut plus à souffrir que sa part des légères calamités qui affligèrent la province.

Dès lors, on n'a plus à signaler que les pertes considérables que causa l'hiver de 1708 à 1709. Le froid fut si excessif que tous les arbres y périrent à l'exception des cerisiers. Tous les blés aussi furent perdus, à part ceux que recouvraient des menées de neige. Les alarmes bien naturelles qu'inspirèrent les ravages de la peste de Marseille, en 1720; la disette générale de 1740, enfin le froid extraordinaire de l'année 1789, qui termina les événements malheureux supportés par nos aïeux jusqu'au XIXème siècle.

vers Château des Prés

En 1812, l'année fut si humide et les terres si pleines d'eau qu'elles rendaient la culture pénible et presque impossible. L'année 1816 ne fut pas moins désastreuse. Elle fut généralement mauvaise, tant dans la montagne que dans le vignoble. Les vendanges ne purent avoir lieu, les foins furent presque tous rouillés; dans la haute montagne, les neiges ne permirent de récolter qu'une partie des orges et des avoines. Le 15 janvier 1817, après une petite pluie pendant une partie de la journée, et un vent du Sud-ouest, un ouragan de neige s'abattit sur Champagnole. Cet ouragan enleva la toiture d'une maison appartenant à une pauvre femme, veuve Renaud, laquelle était indigente sans asile et sans pain. Dans cette même journée, la neige disparut complètement.

De 1820 à 1865, Champagnole éprouva sept fois des orages, de fortes grêles qui lui firent perdre au moins le tiers de la récolte.

En 1821, Syam, Sirod, Lent, Conte, Saint Germain, payèrent le tribut à la fièvre typhoïde, qui, en 1832, s'établit dans plus de 40 communes, depuis Nozeroy jusqu'à Thoirette. La scarlatine angineuse l'avait précédée de quelques mois.

En 1830, le 1er février, vers les 6 heures du matin, le thermomètre était descendu à -23 degrés dans le vallon de Syam, au confluent des trois rivières, et à -14 dans la plaine.

Lac des Rousses

En 1854, le choléra emporta 5 hommes et 3 femmes.

A la suite de l'insurrection de la Pologne, un dépôt de réfugiés Polonais se forma à Salins. Champagnole envoya 400 francs pour secourir ces exilés.

Les incendies ont également fait de terribles ravages; aussi, lorsque le feu prenait à ces cabanes et à ces maisons de bois, il s'étendait au loin et au large sur cette surface inflammable, comme une rivière soulevée par les pluies qui inonde la plaine.

Le premier incendie, dont le souvenir est resté impérissable, eut lieu sous Louis XI, en 1479, lorsque ses armées se répandirent dans la province, ravagèrent avec une cruauté et un acharnement incroyable tous les domaines du prince d'Orange, et emmenèrent prisonnier à Gray, l'abbé Jacques de Balerne.

Le château et le bourg de Montrivel furent pris et livrés aux flammes. La destruction fut complète et irréparable.

En 1580, un désastre presque général réduisit en cendres les maisons qui s'étaient bâties depuis l'incendie occasionné par les armées de Louis XI.

Le duc de Longueville, après avoir pris la ville, en 1637, y mit le feu. Charles de Lorraine accourut depuis Moirans, au mois d'Avril, pour la secourir, mais il était trop tard. Après la surprise de Moirans, qui fut également brûlé, le duc de Longueville poursuivit quelque peu l'armée de Charles de Lorraine qui vint se réfugier proche de l'abbaye de Balerne, puis ensuite à Champagnole, où ses troupes campèrent pendant quelques jours.

En 1739, incendie de 37 maisons. Dans la nuit du 6 au 7 septembre 1792, incendie complet des anciens moulins situés près du pont de l'Épée. Le plus terrible fut celui qui arriva le 28 avril 1798, où 75 maisons disparurent.

Lequinio relate cet événement :

le petit Maclu

"Le huit floréal de l'an six, à midi, par un temps d'abord assez serein, le feu prit à Champagnole, sans qu'on ait jamais su comment : à deux heures, cette agréable bourgade n'était déjà plus qu'un monceau de cendres; les habitations étaient couvertes en bois de sapin; les charpentes étaient aussi composées de ce même bois; c'est pour ainsi dire le seul produit propre à la destruction que fournissent les pays élevés.

Champagnole est long d'un demi-quart de lieu, et les maisons se trouvent très fréquemment isolées, séparées; ces intervalles devaient naturellement arrêter les progrès du feu qui ne se montra d'abord que dans un seul point, mais il sembla bientôt que ce fut un combat des vents pour anéantir ce village.

L'atmosphère se mit en convulsion; les courants d'air se croisèrent de toute part; en quelques minutes, les flammes se portèrent en vingt endroits, et même à de grandes distances; partout ces toits secs, résineux, extrêmement combustibles, reçurent les étincelles, s'enflammèrent et communiquèrent l'embrasement dans l'intérieur; chacun accourait d'abord pour secourir son voisin; à l'instant, le même fléau le rappelait à sa propre demeure, les bras furent bientôt inutiles : c'était un jour de marché : quatre mille hommes des environs s'y trouvaient, la terreur les gagna tous; tous couraient de tous les côtés sans moyen, sans direction, sans conduite; le zèle devint embarras, le mouvement obstacle.

Que peuvent dans tous les dangers de la vie le trouble de l'âme, les cris superflus et l'agitation tumultueuse du corps ? Ce n'est jamais que le sang froid et la fermeté qui sauvent. L'agitation destructive de l'air s'était emparée de toutes les têtes; la confusion fut générale, et près de quatre cents familles passèrent subitement de l'aisance, plusieurs même de l'opulence, à la désolation et à la plus affreuse des misères. L'inconstance ou la fureur des vents transporta l'incendie du haut du village à la manufacture qui en était séparée par un coteau de plusieurs centaines de pas et par la rivière. 23 maisons, dont 19 n'étaient que des baraques, échappèrent à cet incendie terrible; et quand on a vu les lieux et qu'on y réfléchit, on ne sait ce qui doit étonner, ou de la combustion générale du village, ou de la conservation surprenante de ces 23 maisons éparses, placées à des distances éloignées et sauvées de la destruction au milieu des tourbillons de flammes qui dévoraient tout autour d'elles et dans les intervalles qui les séparaient.

 
 
 
 
 
 

Il n'est pas indifférent de dire comment un particulier sauva la sienne. Son exemple peut servir. Il était monté sur le haut du toit; il avait un seau de chaque côté. Armé d'une hampe, ou longue perche au bout de laquelle pendaient quelques haillons qu'il trempait dans ces seaux, il éteignait les étincelles à mesure qu'elles s'abattaient sur la couverture. Son sang froid, sa hardiesse et sa patience furent, ainsi que cela ne manque guère d'arriver, couronnés du plus heureux succès.

Une singularité fut remarquable dans cet incendie. Un marchand de draps faisait creuser un puits dans son jardin; ce puits n'avait point encore d'eau mais il était déjà creux de vingt-quatre à trente pieds; le marchand crut sauver ses draps en le précipitant dans le trou profond, ils y furent entièrement consumés.

Au couchant du village, plusieurs hêtres de grandeur moyenne qui se trouvaient fort éloignés des habitations, quoique tout aqueux de la sève qui monte avec abondance à cette époque, devinrent eux aussi la proie des flammes, et ne laissèrent que le squelette charbonneux de leur végétation passée".

lac de l'Abbaye

La perte fut évaluée à 1.197.185 francs.

280 familles, composées d'environ 1000 personnes, se trouvèrent sans asile et sans ressources; ces infortunés logèrent sous des cabanes formées de quelques planches ajustées en dedans des murs de leurs masures.

Le gouvernement donna 13000 pieds de beaux sapins formant 98.983 solives et des secours en argent. La bienfaisance des habitants du Jura y joignit le produit d'une quête montant à 150.000 francs.

Des sinistres particuliers eurent lieu en 1804, 1817, 1819, 1822, 1825, 1829, 1832, 1833 ...: l'écroulement de la maison située à l'angle de la rue du Sauget et celle du Pavé; l'incendie de la quatrième maison rue Baronne Delort, oeuvre d'un fou; celui, par la foudre, de la maison située à l'entrée du chemin conduisant à l'ancien cimetière; l'incendie des scieries joignant la brasserie, et celui des moulins proches du Pont de l'Épée.

Il n'y eut jamais de victimes directes dans ces différents sinistres. L'incendie de 1798, si lamentable dans ses résultats immédiats, eut pour conséquence l'établissement d'une ville nouvelle. Elle se fit bien supérieure à celle incendiée.

En 1814, les troupes du 2ème corps d'armée des puissances alliées, sous les ordres du prince de Licheinstein, occupèrent Champagnole ainsi que les villages voisins, et opérèrent des réquisitions.

La correspondance de ces troupes consistait en différents postes établis dans les villes et villages situés sur leurs routes d'étape. Ces réquisitions étaient imposées au nom du canton, et le maire de Champagnole, chef lieu, répartissait sur l'ensemble des communes le contingent que chacune devait fournir, de même que le maire de ces communes répartissait, au marc le franc, ce que chaque habitant avait à fournir.

La livraison de ces réquisitions avait lieu dans certaines localités désignées d'avance, où des commissionnaires contrôlaient et vérifiaient les quantités et natures annoncées puis délivraient reçu des diverses denrées. Ces reçus devaient également faire retour au chef-lieu.

Les localités suivantes sont les seuls lieux de livraison dont on a pu trouver trace : Besançon, Censeau, Champagnole, Dole, Grandvaivre (sans doute à Grange de Vaivre), Ornans, Poligny, Pontarlier, Salins et le Pasquier où il existait des magasins.

Voici une réquisition imposée sur la commune d'Equevillon :

l'Abbaye en Grandvaux

A la date du 4 janvier 1814, il y eut une réquisition dont on ne trouve pas la trace. Peu de temps après, on voit le maire d'Equevillon, J.J. Proudhon, réquisitionner ses administrés "de la part du gouvernement autrichien, de livrer aux magasins militaires, à Pontarlier, la quantité de 735 hectolitres d'avoine et, pour le tiers du contingent en foin qu'il faut livrer de suite 603 H".

à Equevillon ce 11 janvier 1814, à 8 heures du matin, à la commune d'Equevillon. Signé J.J. Proudhon, maire.

Un mois s'était à peine écoulé que, le 12 février, le maire de Champagnole expédie la lettre suivante au maire de cette commune :

"La commune d'Equevillon est comprise dans la répartition de toutes les contributions directes pour les quantités suivantes :

Pain 252 rations à 2 livres chacune. Viande de boeuf vivant 252 rations à 1/2 livre chaque. Légume ou farine blutée 252 rations à 1/2 livre chaque. Avoine 325 décalitres. Foin 174 rations à 10 livres chaque.

Le premier tiers devait être livré le 11 du courant, et nous avons reçu le présent le douze du courant, un autre tiers doit être versé le 16 dudit mois, et le dernier tiers le 22 dudit mois.

Dans le cas où il aurait le moindre retard, l'intendant enverra quatre dragons pour s'assurer de la personne de l'administration chargée de l'ordre et la conduire au quartier général.

La moitié du contingent en avoine sera livrée à Ornans, l'autre moitié au Grandvaivre; le contingent en pain sera transporté à Ornans ainsi que celui en boeuf, légumes et foin.

Vous ferez préparer le pain de manière que chaque miche soit de deux ou quatre livres".

signé : OLIVIER Maire

Le surlendemain, la lettre suivante est envoyée de Champagnole à Poligny :

Monsieur ......................................... Charles à Poligny.

En exécution des ordres de son altesse (S.A) le prince de Liechtenstein, général en chef commandant le 2ème corps d'armée des puissances alliées.

Vous êtes requis de verser provisoirement et sur le champ dans les magasins de la Grandvaivre, la quantité de douze décalitres à peine d'exécution militaire.

Ce versement vous sera précompté dans le contingent qui vous sera assigné lors de la répartition qui va être faite de la réquisition du 4 janvier et autres subséquentes.


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