Le héros oublié |
Tiré des "Mystères du Jura" de Roger JAY, éditions "La Taillanderie Qui sait si notre sort actuel, celui de tous les français, et peut-être des autres, n’aurait pas été différent sans le Jura ? Tout au moins sans un homme tout simple de chez nous, de Dole exactement.
Le brave grenadier – puisque cette appellation reste son seul titre de gloire à défaut de galon – faisait partie de la compagnie de Réfuvelle qui partit de l’Hôtel de Ville pour accompagner la foule jusqu’à la Bastille. Arnay se rendit au premier rang, à seul fin d’étudier la situation. Mais lorsque le pont-levis de la cour inférieure tomba, il saisit cette opportunité, réflexe de soldat, et sauta dessus pour éviter qu’il ne soit relevé. Entré de ce fait parmi les premiers dans la forteresse, il eut la présence d’esprit de grimper sur l’une des tours et de brandir son bonnet au bout de sa baïonnette pour faire cesser le feu, toujours réflexe de soldat. C’est encore lui qui désarma le gouverneur de Launay, il était bien placé pour cela, et lui enleva l’épée dont il voulait se percer et la brisa, comme on le fait pour un vaincu. Puis il reprit sa fonction au sein de sa compagnie. Si tout cela est vrai, il s’agit bien d'un simple soldat et d’un véritable héros.
"Il existait à Paris un monstre de féodalité gothique sous tous les aspects. Il avait trois gueules comme le cerbère; ses horribles entrailles étaient faites de gros et durs cailloux; des fers, des chaînes, des verrous lui servaient de nerfs, de muscles et de tendons; ses mains étaient des ponts-levis; il avait de petits yeux enfoncés, triplement grillés d’acier et surmontés de créneaux en forme de sourcils et de paupières; ses oreilles étaient d’énormes tours qui faisaient peur aux plus aguerris, son dos était chargé de quatre batteries. Il avait quatre cent ans, ce monstre
épouvantable, et il semblait que plus il avançait en âge,
plus il acquérait de force; il était insatiable, et il
ne se nourrissait que d’hommes vivants, innocents ou coupables,
tout lui tait égal …
Ce même Thélesphore, commit un autre discours, plein de figures menaçantes et de troublantes vérités. Cela eut lieu au même endroit, trois semaines plus tard, sur l’égalité conquise le jour de la prise du ci-devant château des Tuileries :
Une nombreuse dynastie de ces Capets restait en France; elle privilégia encore toute cette dynastie, elle fit une multitude de "princes français". En doutez-vous ? Citoyens, bientôt des princesses autrichiennes, des princesses espagnoles, des princesses piémontaises, de nouvelles Médicis, mariées à ces princes français seraient venues nous éclabousser de nouveau, ainsi que leurs époux, leurs chevaux et leurs laquais. Bientôt ces laquais auraient eu des titres; avec ces titres ils auraient eu des exceptions, des droits de "commitimus", peut-être des droits de corvées; leurs maîtres leur auraient communiqué le privilège réservé de chasser dans la commune de Versailles, dans la forêt de Fontainebleau, dans les champs de Compiègne, et sûrement sous peu dans les vôtres. Pour ressaisir ces droits "incontestables à des princes", on avait eu l’adresse de se ménager des bâtons de maréchaux de France : on s’était réservé une maison militaire; vingt-cinq millions nets de liste civile et le revenu de sept châteaux à énormes dépendances. Avec de telles ressources, citoyens, et vous, avec votre demi liberté, vous auriez bientôt couru de nouveau les risques d’être envoyés aux galères pour l’énorme attentat d’avoir osé tirer un lièvre ou pêcher une écrevisse … ". Il se trouve dans ces phrases grandiloquentes, bien des occasions de rire ou de nous moquer. Cependant, on ne peut s’empêcher de reconnaître un réel talent de poète au citoyen Jousserandot. |