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La Révolution à Foncine

 


Le dernier chapitre des "Recherches historiques sur les Foncines" de J.B. MUNIER, est intitulé "La Révolution". L'auteur y expose, dans l'ordre chronologique, les évènements survenus dans la nation et dans nos villages durant cette période. Il s'attarde sur quelques cas particuliers :

L'aventure de quatre des plus hautes autorités du Jura, qui, en 1793, lorsqu'ils ont été "déclarés suspects", ont tenté de passer en Suisse et après avoir fait étape aux Planches d'où sont originaires les Monnier, se sont arrêtés et ont fait demi-tour.

La vie du père Claude Ignace PERRENET, foncinier et religieux, qui fut le premier instituteur des sourds et muets, et qui fut sauvé in extrémis de l'échafaud par la chute des robespierristes le 9 thermidor.

La destruction de Château-Vilain qu'avait épargné Louis XIX et que la Révolution a condamné. Ce château avait été construit en 1186 par Simon de Commercy sur un sol que venait de lui apporter en dote sa jeune épouse. Il l'avait baptisé ainsi en souvenir d'un château du même nom qui existait déjà dans son fief près de Langres.

La querelle avec "l'agent patriote" chargé de remettre dans le droit chemin les citoyens de Chaux Neuve, qui venait chasser les suspects jusqu'à Foncine.

Pour situer ce chapitre sans aller chercher trop loin, il est peut-être intéressant de relire quelques lignes du "Villages comtois sous la révolution et l'empire" du père Doudier, et de "l'histoire de Franche Comté" de Lucien Febvre.

L'exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793 fut le signal d'une lutte à mort entre la révolution et ses ennemis. Paris dût envoyer dans tous les départements des représentants en missions, charger "d'éclairer les citoyens égarés" et de "raviver le civisme".

En Franche Comté on vit arriver Augustin Robespierre, le frère cadet de Maximilien, le moins méchant puisque grâce à lui, il n'y eut pas de guillotine à Vesoul, mais aussi Bernard de Saintes, qui, puisqu'on avait banni les saints, était devenu "Pioche fer". C'était, dit Lucien Febvre, un petit homme efrayamment maigre, raide et droit, qui ne riait jamais et comptait avant tout sur la guillotine, sur les guillotines même, car celle du Doubs et de la Haute Saône ne lui suffisant pas, il prit sur lui d'en faire construire une seconde "pour relever sa camarade, la citoyenne guillotine aînée", qui tranférée à Montbéliard fit merveille. Il ne tarda pas à dénoncer son collègue Augustin Robespierre qu'il jugeait "suspect de contrerévolutionnisme"

Il y eut aussi Lejeune, si plein d'admiration pour la sainte guillotine qu'il en possédait une en miniature pour décapiter ses volailles et couper ses fruits. Le Jura se dressa contre la Convention. Douze têtes tombèrent sur l'échafaud. Ebrard, Marie Etienne Monnier, Dumas Aîné et Saillard, tous appartenant au directoire du département, jugèrent préférable de partir en Suisse.


voir également
Un girondin au Creux-Maldru
La révolution aux Rousses
le bras de Saint-Claude le héros oublié faux en tous genres

Nous voyons figurer le nom de GUERILLOT de la Chaux parmi les signataires de la lettre adressée au roi par la noblesse de Franche-Comté en 1788, pour réclamer le maintien des privilèges de la province. La Franche-Comté en 1674 ne payait que 720000 livres d'impôts et en 1783 elle payait 9300000 livres; le 12 novembre 1788 on ouvre à Lons le Saunier les lettres closes de Sa Majesté datées de Versailles 4 novembre 1788 portant convocation des États de la province de Franche-Comté pour le 26 du même mois dans la ville de Besançon, il y avait 122 ans qu'ils n'avaient pas été convoqués. 1789, disette, le pain est très cher, la mesure de blé du poids de 36 livres est à 7 francs. A l'assemblée bailliviale de Dole tenue au mois d'avril 1789 nous voyons figurer le sieur BLONDEAU, curé de la Chaux des Crotenay.

Le 23 juillet le marquis de Longeron ordonne la formation des compagnies de milices nationales pour veiller à la sûreté des campagnes. Du 14 au 30 décembre 1789, constitution des nouvelles municipalités. Le Duret avait érigé toutes les communes en municipalités. 19 décembre, même année, création des assignats.

La nouvelle de la prise de la Bastille le 14 juillet 1789, s'était propagée comme une traînée de poudre à travers la France. Tout à coup le bruit se répand qu'une armée de brigands à la solde des aristocrates court le pays et dévaste les campagnes, le tocsin d'alarme se répand de clocher en clocher, les hommes, les femmes, les enfants s'arment de fusils, de fourches et de faux pour voler à la rencontre d'un ennemi qui ne paraît nulle part, les paysans attaquent les châteaux et s'en prennent aux archives, aux titres, aux monuments, mais disons à la louange de nos communes que si le tocsin y sonna comme ailleurs, il n'y eut point d'excès commis, tout fut respecté.

Le mardi 4 août 1789, les droits féodaux furent abolis; le 15 janvier 1790, la France est divisée en 83 départements, subdivisés en districts, cantons et communes. Foncine le Haut qui jusque là avait été le siège de la justice seigneuriale le perdit, les Planches furent créés chef-lieu de canton, et les trois communes des Planches, Foncine le Haut, Foncine le Bas remplacèrent l'ancienne grande communauté dite des Foncines et des Planches.

Avril 1790, remplacement des droits de gabelle locale pour neuf mois par les impositions foncières. Dès le mois de septembre 1789 les émigrations avaient continué et nos villages si rapprochés de la Suisse étaient un des chemins les plus suivis; 1790, émeutes dans les montagnes, au sujet de la cherté et de l'accaparement des subsistances. A l'assemblée des électeurs tenue à Arbois le 13 mai 1790, nous voyons figurer comme représentants de nos montagnes, MONNIER des Planches, PERRARD de Morez, PANARD de Longchaumois.

2 juin 1790, abolition de la noblesse, des titres et des armoiries. Juillet 1790, arrivée à Paris des fédérés du Jura; nous avons souvent entendu le médecin Catini, notre prédécesseur, l'un de ces fédérés nous raconter avec orgueil et plaisir ses impressions de ce voyage;

les compagnies d'élite qui avaient été choisies pour représenter dignement le Jura, étaient en effet composées de sujets d'une taille si extraordinaire, que leur apparition ne pouvait manquer de produire une grande sensation partout; aussi ils avaient remarqué sur tous les visages parisiens l'expression de l'étonnement à la vue de ces compagnies colossales, car le bon peuple de Paris croyait nos Jurassiens sortis des antres des montagnes, où les ours partageaient avec eux le gîte et la nourriture et ils n'en revenaient pas de les trouver si peu sauvages et si bons, on a même demandé à plusieurs d'entre eux, s'il était vrai que, chez eux, on mettait tous les matins sur les portes des écuelles pleines de gaudes (bouillie de maïs) pour les ours qui venaient manger régulièrement avec les habitants de leurs villages.

Les fédérés du Jura, musique en tête, précédés des chasseurs et des grenadiers de la garde parisienne qui s'étaient portés à leur rencontre pour servir de garde d'honneur à leurs frères d'armes du Jura, arrivèrent sur la place des Victoires. Là, en face de la statue que Louis XIV avait fait ériger en son honneur après la conquête de la Franche-Comté, et qui la représentait portant des chaînes et se pliant sous les pieds du monarque, le fier républicain Malet, commandant du bataillon de Dole, s'écria : "Fiers citoyens du Jura, contemplez ce monument qui pendant un siècle et naguère encore, offrait le spectacle humiliant de votre patrie enchaînée, ces emblèmes de servitudes ont été détruits; vous le devez aux représentants du peuple français, que ceux qui nous écoutent jugent du prix que nous mettons à la liberté, par l'expression de notre reconnaissance envers eux".

Il se rendirent ensuite à l'Assemblée nationale et aux Tuileries et au jour nommé célébrèrent, avec tous les fédérés de France, la fête de la fédération. Le 4 août 1790 les fédérés rentrèrent à Lons le Saunier avec la bannière fédérative donnée par la ville de Paris et portée par Alpy, le général Malet la remit au département. La liste des fédérés du canton des Planches n'est pas connue, quelques noms sont cités sous toutes réserves : le médecin CATINI; PETETIN, dit Grenadier; OUDET dit Pierre à la Gelle; PAGNIER di Grand-Guy-Guy.

Le 14 juillet 1790, célébration à Foncine de l'anniversaire de la prise de la Bastille, discours du curé de Marandet. 16 juillet 1790, entrée en activité du directoire du département. 2 novembre 1790, les biens du clergé sont mis sous la main de la Nation, ils comprenaient dans les Foncines plusieurs propriétés fort importantes. 8 janvier 1791, MARANDET, curé de Foncine le Haut, prête serment à la constitution civile du clergé. 30 juin 1791, on décrète la fonte des cloches, Foncine le Haut en avait trois, on lui en laisse une qui existe encore.

Le 11 juillet 1792 l'Assemblée législative déclare : Citoyens la patrie est en danger; aussitôt nos valeureux paysans des Foncines répondent noblement à cet appel, ils courent aux armes sous la conduite de Bonaventure JACQUIN, nommé leur capitaine, dont la femme voulut partager les périls et se revêtit de l'habit militaire pour entrer comme soldat dans la compagnie qu'il commandait. 12 septembre 1792, ordre de supprimer les prières publiques, dès lors à Foncine le Haut le service du culte catholique a lieu au Creux-Maldru, à l'oratoire des Ruines, dans les fermes isolées, et cet exercice du culte y continua sans interruption même dans les plus mauvais jours. Le 25 septembre 1792, la République est proclamée au chef-lieu du département. Le 1er octobre 1792, demande au ministère de la guerre d'une quantité d'armes proportionnelle aux besoins du pays, pour la défense de la frontière jurassienne, en considération d'une prise d'armes subite et considérable qui aurait eu lieu en Suisse. Sur les places publiques de nos communes, l'autorité chante et fait chanter la Marseillaise, en guise de Te Deum pour célébrer les succès obtenus par les armées françaises.

Le salpêtrier, un fonctionnaire mal aimé

Janvier 1793, le sol de toutes les maisons est fouillé par les salpétriers pour la fabrication de la poudre de guerre, beaucoup de nos habitants de Foncine ont à se plaindre que leur que leurs maisons sont littéralement dévastées par ces gens qui en compromettent l'existence. Cette servitude, imposée par l'article 8 du décret de 1792 aux communautés, était très onéreuse et souvent les salpétriers abusaient du privilège qu'ils avaient de pouvoir prendre les terres, cendres et autres matières dont ils avaient besoin. Voici une pièce assez curieuse dont il bon de donner copie :

"A monseigneur l'intendant de Franche-Comté, supplient humblement les habitants des communautés des Foncines et des Planches et disent :

Que depuis dix-huit mois, le nommé Jean-Baptiste CART, salpétrier, a son atelier dans ladite communauté, ayant travaillé les terres propres au salpêtre dans tous les hameaux de ladite communauté, à la réserve d'un petit canton où aucun salpétrier n'a travaillé ci-devant, à raison que les maisons sont situées sur un terrain spongieux que les chaleurs ont desséché, et aussitôt le sieur CART y a transporté son atelier contre les remontrances des suppliants qui craignent que la maladie épidémique sur le bétail rouge soir réveillée par le remuement des terres, que cette maladie a régné trois ans consécutifs dans ce canton.

Ce, considéré monseigneur il vous plaise ordonner au salpétrier CART d'avoir à transporter son atelier dans une autre communauté de son arrondissement."

Le 27 juillet 1793, décret qui met le Jura au ban de la Nation. 7 avril 1793, le besoin d'armes devenait de plus en plus pressant dans un département frontière comme le Jura, l'administration départementale achète et reçoit toutes les armes qui se fabriquent à Foncine et chez les armuriers. 13 juin 1793, adresse de la société populaire de Dole à toutes les municipalités du Jura dans laquelle on appelle tous les patriotes à la défense de la République contre les projets du fédéralisme. 22 juin, manifeste du Conseil de Salut public du Jura à tous les administrés.

Suspects puis hors la loi, ils s'en vont en Suisse

Sous le poids des décrets de la Convention qui mettaient hors la loi M. EBRARD, chef de l'administration du département du Jura; M. MONNIER, Marie-Etienne, procureur syndic du district de Poligny; M. DUMAS aîné, vice président du directoire du département, et Pierre SAILLARD, membre du comité de Salut Public, vice président du district de Lons le Saunier; ils se retirèrent aux Planches, chez M. MONNIER-TALLEYRAND. Laissons parler M. Ebrard : "Enfin nous voilà tous arrangés sur la voiture avec quelques effets et des passeports que nous nous étions procurés près de nos collègues, pour passer à l'étranger, décidés cependant à n'en faire usage qu'à la dernière extrémité. Il était dix heures, la nuit était belle et tranquille, le ciel parsemé d'étoiles. A peine fûmes-nous en marche qu'une espèce de comète frappa nos regards; sa direction d'Occident en Orient semblait indiquer la Suisse où nous tendions. Sans croire aux augures, nous trouvâmes dans cet événement quelque chose d'étrange et de satisfaisant. Etait-ce un ordre de la Providence ? Je fus un instant tenté de le croire. Cela nous fit beaucoup raisonner et déraisonner pendant notre route".

10, à quatre heures du matin. Nos fugitifs arrivent à la grange solitaire de Taravan, appartenant à M. MONNIER, où ils passent quelques heures de repos dans une sécurité parfaite, afin que leur passage par Champagnole et par d'autres communes, en plein jour, ne les expose point à être reconnus. On célébrait dans tout le département l'anniversaire du 10 août; on y brûlait sur les places publiques les titres féodaux en exécution des derniers ordres de l'administration déchue. A la chute du jour, les proscrits du Jura, qui s'étaient tenus le 10 à la ferme de Taravan, reprirent leur route et arrivèrent aux Planches en Montagne à une heure très avancée de la nuit. "Notre marche nocturne, dit Mr Ebrard, avait été remarquée par des jeunes gens, et le mystère dont nous nous enveloppions la rendit bientôt suspecte. Pour comble, des amis de Lons le Saunier, à qui nous avions confié nos projets étaient venus, dans la même nuit, nous rendre compte de la sensation qu'avait produite notre départ précipité et de ce qui s'était passé à la cérémonie. Tous ces mouvements avaient fixé l'attention de la police sur nous. Des ordres furent donnés à la garde nationale pour faire un cordon sur la frontière et s'opposer à notre passage. Nous ignorions ces mouvements et ces ordres, et nous ne craignîmes point de nous montrer publiquement. Nous proposâmes au père de notre ami de nous garder quelques jours, jusqu'à ce que nous connussions l'effet des démarches que le commissaire Bassal faisait pour obtenir le rapport des décrets; et, dans l'excès de notre confiance, nous avions écrit à ceux de nos collègues, qui s'étaient réunis dans une autre campagne, de venir le lendemain nous voir en toute sûreté. La journée du 11 se passa dans cette disposition de sécurité qu'autorisait une assurance donnée par un municipal, à qui j'avais déclaré notre intention de passer quelques jours dans sa commune. Mais le lendemain, 12, la scène changea de face. Dès le grand matin, il se forma, près du village, un attroupement composé de gardes nationaux, qui avaient reçu l'ordre de garder les frontières, et qui venaient, disaient-ils, s'assurer si nous n'avions point passé à l'étranger. Il fallait tout l'ascendant que donnait à notre hôte, sur cette jeunesse ardente, une confiance méritée, pour se garantir des effets de son effervescence. On parvint à dissiper l'attroupement par l'assurance précise de notre intention de rester où nous étions, et par l'explication des motifs qui nous avaient engagés dans la démarche d'une absence momentanée. Cette aventure était d'un sinistre augure, elle devait nécessairement apporter du changement à notre détermination. Nous hésitâmes quelques temps si nous partirions sur le champ : c'était l'avis de la plupart d'entre nous. L'un de nos hôtes nous engagea à rester et à ne partir que le soir. Cela me parut plus prudent; nous ne tardâmes pas à nous en repentir. A peine étions-nous à moitié du dîner, que la maison de notre hôte fut investie par plus de 200 hommes, armés de sabres, de fusils, haches, faux, piques ... Au son du tocsin, sonné dans un village voisin et répété de proche en proche, ces hommes s'étaient réunis, sous le prétexte supposé qu'on s'égorgeait aux Planches, où nous étions : et bientôt le rassemblement s'accrut au point de ne pouvoir en exprimer le nombre : les municipaux, les commandants de bataillon, les citoyens du canton et des cantons voisins, tous étaient accourus, sans savoir pourquoi. Tous étaient autour de la maison, où le long des murs de la clôture, ou sur les avenues. On conçoit que les têtes devaient être fort exaltées, et que notre position devint fort critique. Nous fûmes, en effet, très embarrassés. Nous nous présentâmes au milieu de cet attroupement pour parler; mais la fureur de quelques-uns ne leur permettaient pas d'entendre.

Des cris confus, parmi lesquels on distinguait quelques injures, quelques menaces, furent l'unique effet de cette démarche. Nous crûmes alors devoir réclamer l'autorité des chefs, elle fut impuissante : le commandant et les municipaux n'étaient point écoutés; ils voulaient donner leur démission. Nous obtinmes que le conseil de la commune prononcerait sur notre arrestation, et que les citoyens déféreraient à leur jugement. Ne pouvant être entendus, nous rédigeâmes par écrit la déclaration des faits, et la remîmes au conseil. Quoique rédigée avec modération, elle ranima l'aigreur du peuple qui influençait le conseil : le conseil chassa de la délibération, comme suspect, un membre, parent de celui qui nous avait donné asile. Enfin, après six heures de discussion, pendant lesquelles une garde nombreuse et menaçante ne nous quitta pas, le conseil arrêta que nous serions conduits le lendemain, par devant le juge de paix. Voilà donc notre arrestation un peu régularisée, mais elle n'en est pas moins dangereuse. On nous notifie le jugement, en nous déclarant que la garde nationale veut nous emmener, la nuit même, afin de nous garder plus facilement. Nous réclamons l'exécution littérale du jugement, ne voulant pas nous exposer au danger de marche nocturne, et nous avons peine à l'obtenir. Un piquet nombreux est placé dans la maison et aux portes pour prévenir toute évasion. Le mardi 13, on nous mène dès le matin, à Foncine, où réside le juge de paix. A la fureur qui avait caractérisé le premier mouvement du peuple contre nous, a succédé un sentiment moins violent, mais aussi peu satisfaisant. L'ordre et le silence règnent parmi ceux qui nous escortent; mais leur physionomie exprime leur pensée : ils s'applaudissent intérieurement de l'humiliation qu'ils font éprouver à des hommes que la loi avait, un instant, placés au-dessus d'eux; et quelques fois leur sourire les trahit. Aucun n'ose se permettre injures ou mauvais procédés.

Enfin nous arrivons, le juge de paix est absent. On lui députe un officier municipal, pendant que les autres restent avec nous à l'auberge. Un grand concours de peuple est assemblé. Nous réclamons la loi; l'attroupement est dissipé. Bientôt il se reproduit par petits groupes, et nous donne quelques inquiétudes sur notre sécurité. En attendant l'arrivée du juge, nous nous promenions avec les municipaux qui nous faisaient compagnie et qui nous avaient donné à déjeuner. Le peuple prend ombrage des ces actes d'honnêteté; il rappelle et blâme les officiers municipaux, qui nous invitent à rentrer dans l'auberge. Bientôt on nous annonce l'arrivée du juge; nous nous empressons de nous rendre à son audience, où nous trouvons à peine place tant l'affluence est grande.

Sans attendre qu'il nous interroge, nous lui expliquons la cause de notre départ et les circonstances de notre arrestation. Nous lui faisons part des démarches promises par le représentant Bassal, pour solliciter le rapport du décret qui nous frappe et nous réclamons la protection de la loi pour nous rendre à nos postes, y attendre le fruit de ces démarches, dès que l'inquiétude du peuple ne nous permet pas de conserver l'asile momentané que nous nous étions choisi. Le juge nous promet justice, mais il est lui-même très embarrassé. La délibération du conseil municipal ne qualifie pas le délit renvoyé à sa connaissance, et le peuple l'influence par ses murmures et par les reproches qu'il se permet de nous adresser. Ces reproches sont étranges et proposés avec une fureur dangereuse, que nos plaintes ne font qu'aigrir, et que l'autorité du juge ne peut contenir. Le peuple divague, l'un nous accuse de trahison; il veut qu'on nous traduise à Paris; un autre nous impute des dilapidations de finances (1); celui-ci reproche des abus d'autorité; celui-là des infidélités, des vols de caisse, des soustractions d'effets nationaux ... Au milieu de tout cela, le juge ne cesse de demander sur quoi il doit prononcer et prie l'assemblée de nous laisser répondre librement. Nous détruisons aisément les inculpations. Reste le motif principal de notre arrestation, sur lequel son embarras augmente.

Le curé du lieu arrive fort à propos; il a la confiance du peuple et sait la manier; il présente les torts qu'on nous impute sous des traits qui semblent nous être défavorables; bientôt après il s'attache à prouver qu'il n'appartient qu'aux représentants du peuple d'exécuter le décret lancé contre nous, et qu'il convient que nous retournions à nos postes. Nous saisissons cette ouverture pour requérir notre renvoi avec une force protectrice. Nous demandons aussi que des municipaux nous accompagnent pour vérifier les faits sur lesquels le peuple a élevé des doutes injurieux à notre délicatesse. Le juge prononce ainsi; le peuple est mécontent; mais la présence du curé le contient. L'un de nous dicte le procès-verbal.

Pendant ce temps je me promène avec le procureur de la commune (de Foncine); on le fait rappeler, il reste avec moi; on le rappelle avec menace, en le mettant en joue. Je m'aperçois que je suis la cause de cette injustice; je le quitte et rentre dans la salle d'audience, où je suis gratifié de quelques injures que le procureur de la commune partage avec moi. Enfin le jugement est prononcé.

Nous dînons chez le curé, d'où nous partons peu après pour retourner aux Planches. Pendant que nous étions à Foncine, nos amis, que nous avions invités à venir nous voir, étaient arrivés aux Planches pour y dîner avec nous. Ils mettent à peine le pied au village qu'on les informe de ce qui s'est passé, et qu'on les avertit de fuir pour se soustraire eux-mêmes à l'arrestation. Ils fuirent, quoique épuisés de fatigue et de besoin de manger. Le parent chez qui ils arrivaient n'ose pas même leur offrir un verre de vin, dans la crainte de les livrer au danger, ou de se compromettre lui-même. Il ignorait la décision portée sur notre compte; et dans cette incertitude, sa conduite, que l'on a taxée de faiblesse était un vrai acte de prudence. Nous arrivons enfin, et cet événement, que nous apprenons nous confirme dans la résolution de partir sur le champ pour nous rendre à Lons le Saunier avec les municipaux et les officiers qui nous accompagnent. Mais un nouvel accès de colique me retire forcément. Messieurs Dumas et Saillard partent le soir avec deux députés. Bonnot et Monnier restent aux Planches. Nous partons le lendemain.

14 "Quelques amis viennent m'attendre sur la route, et me conduisent à la maison où ma présence calme les inquiétudes que le bruit de mon arrestation y avait excitées; mais ce qui est encore plus satisfaisant, c'est que les préposés de Foncine qui m'accompagnent, partagent bientôt les sentiments de nos concitoyens, et retournent dans leur commune avec la disposition d'effacer les impressions que la malveillance et l'injustice y avaient suggérées sur notre compte.

M.Monnier disparaît. Il se rend à l'armée révolutionnaire de la Vendée; où, sous des noms supposés et dans plusieurs corps différents, il veut encore servir sa patrie. Il dut, à cette mesure, bien dangereuse il est vrai, de n'être pas compris dans la liste d'émigration, et la conservation des biens de son père et de sa famille. La haine particulière et de Dumas cadet allait le faire découvrir, et ne pouvant rester plus longtemps sur le sol de la France, il fut obligé de s'expatrier en Suisse ou il resta jusqu'en 1795."


Le 3 août 1792, loi qui ordonne la levée en masse de 18 à 25 ans. Le 3 septembre 1793, Chambon met en réquisition, tous les grains, fourrage et paille qui ne seront point indispensables à l'agriculture, le département avait déjà fait face au versement de 80000 mesures de blé, destinées à la consommation des troupes qui devaient se rassembler à Dole et à satisfaire au décret du 22 juillet sur la cavalerie. Le 5 septembre 1793 les communes du Canton des Planches refusaient de fournir leur contingent dans la réquisition ordonnée par le décret du 22 juillet 1793. Arrêté qui ordonne la fabrication considérable de piques à l'effet d'armer les français de l'intérieur, les fusils de munition étant déjà requis pour la classe de 18 à 25 ans dont la levée en masse vient d'être décrétée. Nous avons vu les piques fabriquées à Foncine sur les coûtes de notre église, conservée jusqu'à ces dernier temps.

8 octobre 1793, le système décimal est décrété et l'annale républicaine établie. Le représentant du peuple, Bernard, les 12 et 14 septembre 1793 frappe le Jura d'une réquisition de 3600 couvertures de lits, de 1200 paillasse, de 1200 matelas, de 1200 traversins et de 2400 paires de draps; on fera fournir ces objets par les citoyens riches à titre de prêt à la République. 8 novembre 1793, la démolition de Château-Vilain est ordonnée par le ministère de l'intérieur.

En vertu d'un décret du 14 octobre 1793, le culte de la Raison est substitué au culte catholique. 20 novembre 1793, deux commissaires par canton sont nommés par les sociétés populaires à l'effet d'organiser des clubs à chaque chef-lieu de ces divisions. 27 novembre 1793, Jean-Alexandre Blondeau, ex curé de la Chaux des Crotenay, est porté sur la liste des suspects. 5 décembre 1793, l'abbé Auguste Morel, chapelain des Planches est transféré de la maison des annonciades à Dole au fort Saint-André de Salins. Le 9 mars 1794, le citoyen Moïse ex-évêque du Jura est arrêté à Saint-Claude. Février 1794, on s'occupe d'une réquisition : 18000 quintaux de grains dans le département du Jura. 9 mars 1794, réquisition dans le Jura de 3250 vestes, 8000 culottes, 7500 paires de bas, 20000 souliers, 1300 redingotes, 9000 guêtres, 700 chapeaux, 1700 pantalons et 200 manteaux.

10 mars 1790, Lejeune fait brûler le corps de Saint-Claude, un bras seul échappe. 25 janvier 1794, rappel aux administrés de l'ordre sacrilège du 19 décembre d'abattre les croix, celle de Foncine le Haut est sciée par un Petetin, surnommé Petetin sareillon, mot patois qui veut dire petit mauvais scieur. La tradition de tous nos vieillards rapporte qu'un an après cet acte de scier la croix, jour pour jour, heure pour heure, il fut frappé par la foudre sur sa porte. Depuis cette époque, cette croix n'avait point encore été rétablie; en 1817, ce fut Jules-Joseph Munier qui la fit replacer à ses frais, aussi d'un côté de la croix sont les initiales de son nom J.J. M., de l'autre le millésime 1817.

Le 8 avril 1794, le conventionnel Lejeune en mission dans le Jura ordonne que, sous quinze jours pour tout délai, on remettra au district toutes les cordes qui servaient à sonner les cloches, pour être envoyées à une autre destination. Un discours est prononcé dans le temple de la Raison à Poligny, le 3e de Germinal 1794 par le citoyen Jeunet, médecin, originaire de Foncine le Haut, membre du directoire de ce district; l'orateur se propose de laver les républicains du reproche d'avoir changé de religion.

Le 23 avril 1794, le docteur Jeunet, notre compatriote est nommé, par le représentant Lejeune, membre du directoire de Lons le Saunier. 7 mai 1794, les ouvriers employés à la fabrique de Foncine, où ils confectionnent des armes pour le service de la République, sont dans la plus grande pénurie des subsistances; ils demandent à la Commission administrative quelques secours. 19 mai 1794, Robespierre fait faire acte de déclaration par la Convention "le peuple français reconnaît l'Être suprême et l'immortalité de l'âme". Dans toutes les communes, cette déclaration est inscrite sur l'un des principaux monuments. A Foncine, elle le fut à l'église.

21 mai 1794, le girondin Louvet nous dit qu'il fut caché dans une profonde caverne qui se trouve sur les âpres montagnes qui séparent la Suisse de la France, où il voyait et touchait pour ainsi dire l'antique Helvétie. M. Désiré Monnier croit qu'il était aux Cressonnières, nous pensons, qu'il était au Creux-Maldru, et pour deux raisons, la première il n'y a pas de profondes cavernes aux Cressonnières, la seconde c'est que le Creux-Maldru était le refuge de tous les émigrés qui passaient en Suisse. Il y fut visité par sa femme, cette Lodoïska que ses mémoires ont immortalisée. 11 juillet 1794, on s'occupe dans le Jura et le Doubs de la formation de dix compagnie à prendre sur la garde nationale, pour remplacer sur la frontière Suisse, les troupes qui y formaient le cordon et qui ont été expédiées sur les armées. Le 26 juillet 1794, Lejeune écrivait aux agents nationaux du Jura, "de faire fouiller les bois, les retraites dans les montagnes et les maisons renommées par leur fanatisme" pour saisir les prêtres réfractaires; c'est à la suite de ces ordres que l'abbé Girod fut saisi à Foncine, au moulin de chez Sauvonnet et conduit au fort de Joux, sur la dénonciation d'un ardent jacobin du pays. Le directoire de Poligny, dans le mois d'août 1794, signale au représentant Lejeune le passage de M. Monnier par Besançon, vers le 4 thermidor, émigrant vers la Suisse. Le 9 thermidor après avoir renversé Robespierre et ses complice, sauva un honorable jurassien, le père Perrenet disciple de l'abbé de l'Épée.

Le père Perrenet bienfaiteur des sourds muets échappe à la guillotine

Pierre-Claude-Ignace Perrenet, de Foncine le Haut, né le 29 mars 1741, mort instituteur des Sourds et Muets, à Lons le Saunier, le 21 février 1822, était aussi connu par sa candeur que par ses lumières.

Ayant fait ses études à Nozeroy et son noviciat chez les grands Augustins à Seurre, il se rendit au couvent de Paris, où il fut successivement bibliothécaire, sous-prieur, prieur et docteur de Sorbonne. Tandis qu'il n'était encore que simple religieux, on lui adressa un de ses parents, sourd et muet âgé de vingt ans, que l'on désirait faire admettre à l'école de l'abbé de l'Épée. Non seulement le bon père Perrenet procura à ce jeune infortuné une pension gratuite dans sa communauté, mais il le conduisit à l'école et lui servit de répétiteur, cette circonstance le mit en rapport avec l'illustre professeur et le fit aussitôt son ami. Bientôt le mérite de notre compatriote le mit en vue, on le rechercha pour professer dans les grandes villes cet art presque divin. La correspondance qui s'établit à ce sujet entre le vénérable instituteur et Mgr l'archevêque de Bordeaux, exprime les tendres sentiments qui unissaient le maître et le disciple. L'abbé Siccard et le père Perrenet contractèrent le même noeud; l'amitié de pareils personnages fait assez l'éloge de cet enfant de Foncine. L'abbé Siccard est devenu illustre en remplaçant l'abbé de l'Épée., et l'abbé Perrenet pouvait obtenir le même honneur s'il l'eut voulu; mais ce modeste ecclésiastique, à qui le poste de premier instituteur des sourds et muets fut offert détourna sur l'abbé Siccard l'honorable choix sont il était l'objet.

Au moment de la suppression des ordres religieux, Perrenet fut appelé à Pithiviers pour faire l'éducation du fils de M. d'Ymouville, c'est dans cet asile qu'il fut arrêté, et c'est de là qu'il fut ensuite transféré dans les prisons d'Orléans où il était destiné à la mort; il y occupait une chambre dont le plafond était si bas, que le pauvre père Perrenet, qui était d'une grande taille, ne pouvait s'y tenir debout, depuis dix-huit mois il languissait dans une pénible attente, lorsqu'enfin le geôlier vint annoncer à ce martyr et au jésuite qui partageait son cachot, que le jour suivant serait le terme de leur existence, les prisonniers ne furent point troublés de cette nouvelle, apercevant dans un coin une bouteille de vin de Bourgogne que l'on avait donné au jésuite, le père Perrenet dit plaisamment à son compagnon : "laisserons-nous cette bouteille à boire aux patriotes ?". Après l'avoir sablée il s'endormirent tranquillement. Ils furent bien surpris le lendemain de n'être réveillés par le signal de la mort, au contraire, le geôlier n'entra que pour leur annoncer leur délivrance, Robespierre venait de succomber.

Les orages de la Révolution apaisés, notre compatriote, à la merci de ses parents, erra sans domicile fixe, de Pontarlier à Champagnole, on lui donna le soin d'une paroisse, d'abord à Foncine le Bas, ensuite au Bief des Maisons et enfin à Syam, où il resta de 1803 à 1806, c'est alors que l'éclat de son mérite perçant l'obscurité de sa retraite, il fut attiré à Lons le Saunier par M. Poncet, préfet du Jura, il y arriva accompagné de trois sourds et muets, et il y vint d'autres élèves. EN 1812, M. Destouches, successeur de M. Poncet, proposa au conseil général l'établissement d'une école publique de sourds et muets au chef lieu, la ville et le conseil général applaudirent, et le voeu en fut porté au ministère; mais les circonstances ont empêché que le projet n'eut exécution. Le père Perrenet demeura néanmoins à Lons le Saunier pour s'y dévouer à ses bonnes oeuvres, là, on le vit plusieurs années comme un vrai père, entouré de sa famille adoptive, développer dans ses élèves une âme qu'ils eussent méconnue dans lui et leur rendre une existence digne de leur fin.


21 août 1794, suppression des comités révolutionnaires dans les communes dont la population est inférieure à 8000 habitants. 7 avril 1795, l'uniformité des poids et mesures et monnaies suivant le système décimal est décrété.

Circulaire du 27 germinal, 16 avril 1795, adressée par les administrations du district de Poligny aux officiers municipaux de toutes les communes du ressort pour opérer le désarmement des terroristes. 28 avril 1795, M. Monnier-Talleyrand pour le canton des Planches, est nommé membre du directoire et du conseil du département du Jura. Le 8 mai 1795, arrestation de Forestier, de la Chaux des Crotenay, portant des lettres venant de Suisse, de la part d'émigrés, envoi de ces lettres au représentant Saladin. 9 mai 1795, un atelier d'armes était établi à Crissey dont un sieur Jaillet était chef, dans cet atelier étaient entrés de nombreux jeunes gens des Foncines et du Canton des Planches, de cette manière, peu de jeunes gens de notre pays étaient au service dans les armées, les uns travaillaient dans les ateliers de Crissey, de Besançon, les autres à Foncine, Jaillet était accusé d'avoir mis en réquisition pour le service de ses ateliers, plus de jeunes hommes qu'il n'en avait besoin, afin de les soustraire au service militaire; d'avoir reçu d'eux de fortes rétributions pour prix de sa complaisance. 30 mai 1795, un décret rendu sur le rapport de Languinais, autorise la célébration des cultes dans les édifices qui y étaient originairement destinés, il fut reçu avec le plus grand plaisir à Foncine le Haut où, pendant le plus fort de la terreur il n'avait jamais cessé, mais comme nous l'avons vu, s'exerçait au Creux Maldru et dans les fermes isolées.

Château-Vilain : Louis XIV l'avait épargné, la Révolution le condamne.

Nous avons vu que le ministre de l'intérieur ordonna le 8 novembre 1793 la démolition de Château-Vilain, quelques explications sont nécessaires pour bien connaître les motifs de cet ordre. On sait qu'après la conquête définitive de Louis XIV, ce château fort fut excepté de la démolition générale des constructions militaires, en considération des services que lui avait rendu Dom Jean de Watteville, abbé de Beaume, au moment de la soumission de la province.

A l'époque révolutionnaire ce château était encore bien conservé et susceptible d'être habité, puisque M. Monnier Taillerand, amodiateur du domaine de Mme la Comtesse de Lorges (qui succédait aux Watteville, aux Sten, aux Gavre et aux Rohan) y avait sa résidence, et que M. Marie-Etienne Monnier, ancien procureur syndic du district de Poligny, ancien administrateur du département du Jura, ancien membre du conseil général, y est né.

En 1793, au moment où cet administrateur accusé de fédéralisme et mis hors la loi comme ses collègues, était en fuite ainsi que nous l'avons vu, ce séjour devint suspect à la convention ou plutôt à la commission administrative de Dole. A sa séance du 18 frimaire, an deux, cette commission prend lecture d'une lettre du ministère de l'intérieur, qui ordonne la démolition d'une forteresse ci-devant dite de Château-Vilain, situé dans le ressort de Poligny et le procureur général syndic entendu, elle arrête qu'il sera écrit à ce sujet aux administrateurs du district, la municipalité de Sirod et le comité de surveillance fourniront vers le 9 nivôse an deux, des détails sur l'état de consistance de cet ancien chef-lieu de baronnie si dangereux à la liberté dans un pays aussi fanatique.

Les ordres de destruction furent sans doute ajournés pour l'exécution puisque le château a existé jusqu'en 1808 à 1810, époque où il fut démoli pour fournir des matériaux à la reconstruction des usines de Bourg de Sirod, qui venaient d'être incendiées. Il n'existe malheureusement plus parmi les ruines de ce château dont la conservation était à désirer, qu'un pan de muraille que l'on désigne sous le nom de Tour de Vienne.

En l'an treize de la république, M. de STain recommença un vieux procès contre les communes de la Perna, les Foncines et les Planches et fut condamné dans ses prétentions.

Voici les faits :

Les sieurs Oudets se permirent en 1784 d'assigner au baillage de Poligny cinq habitants de la Perna, pour avoir coupé du bois dans la forêt du Cuart; ils se disaient propriétaires de cette forêt comme étant une dépendance de la Grange de Poulain acquise en 1728 de M. de Watteville, par leur auteur. Instruite de cette attaque, la commune de la Perna en fit son affaire personnelle, celles des Foncines et des Planches intervinrent au procès, la propriété de toutes trois était menacée, leur réunion était nécessaire. Les sieurs Oudet ne trouvaient rien dans l'acquisition de leur père qui fut favorable à leur action; ils demandèrent la mise en cause des héritiers de M. de Watteville, ils la firent ordonner, et qu'exigèrent-ils d'eux ? la communication de leurs titres.

Des titres ! nous ne vous en devons pas, répondirent-ils, que vous a-t-on vendu ? Comment avez-vous joui, voilà ce que vous devez consulter, nous n'avons rien de plus à vous dire. Sans actes, sans possession, sans moyens conséquemment, les sieurs Oudet abandonnèrent une action indiscrètement engagée, ils se laissèrent juger par défaut le 15 septembre 1791.

Mais profitant de la défaveur dans laquelle les nobles et seigneurs étaient tombés, les Oudet revinrent à la charge en garantie contre les héritiers de Watteville le 2 août 1793. On leur répondit : c'est après cinquante six ans que vous cherchez des garantis, ou dans ce long intervalle vous avez joui de la forêt du Cuard, ou dans ce même intervalle vous avez laissé la jouissance aux communes, dans le 1er cas, vous en avez acquis la propriété par la prescription; dans le second, presque deux fois les communes l'ont acquise par la même voie, et ils succombèrent le 30 vendémiaire an 14, M. de Stain revint à la charge contre ces communes pour s'approprier la forêt du Cuard, mais ses prétentions furent rejetées.

Quand l'agent patriote de Chaux-Neuve vient arrêter un suspect à Foncine

13 septembre 1798. Nous lisons dans l'ouvrage de Jules Souzay : Le gouvernement ayant lui-même donné l'exemple de sauver la Constitution en la violant, les imitateurs ne lui manquèrent pas. Pendant la nuit du 13 septembre, le détachement de la 36e demi-brigade cantonné à Chaux-Neuve, dans le canton de Mouthe, ayant à sa tête l'agent patriote de Chaux-Neuve, se permit de passer dans le Jura et d'envahir la maison de M. Faivre, adjoint de la commune de Foncine le Haut. Ayant trouvé chez lui le prêtre Girod de Cerniébaud, ils le saisirent, ainsi que le propriétaire de la maison, et les amenèrent par devant Jouffroy, commissaire du directoire à Mouthe, qui leur fit subir un interrogatoire non moins régulier, et les renvoya devant l'administration cantonale. Celle-ci, mettant le comble à cette série d'illégalités, arrêta que les deux prisonniers seraient incarcérés au fort de Joux, où ils furent aussitôt conduits. Informé de ces faits étranges, Quiro écrivit lui-même à Jouffroy le 21 septembre :

"L'arrestation est irrégulière, l'agent de Chaux-Neuve n'ayant pas pu autoriser par sa présence une visite domiciliaire dans une commune du Jura. L'arrêté de l'administration de Mouthe est incompétente, la rétractation du prêtre Girod, qui exerçait à Foncine, n'ayant pu être jugé que par son département.

S'il eut été sujet à la déportation, il avait au moins, comme les émigrés, quinze jours pour quitter le territoire français. L'arrêté est encore plus illégal en ce qui concerne l'adloint de Foncine. Quirot finissait cependant en chargeant Jouffroy de dénoncer au commissaire du Jura le prêtre Girod et son hôte.

Jouffroy s'acquitta, avec un grand luxe de zèle, de cette dernière commission, en adressant à Champion, commissaire du Jura, toute la procédure illégale commencée contre les deux prisonniers, mais il se montra beaucoup moins pressé de rétablir ceux-ci dans leurs droits. Il écrivit, le 3 octobre à Champion : "J'ai chargé le commandant du fort de faire élargir de suite l'adjoint Faivre, père de famille; mais à l'égard du prêtre Girod, qui est prévenu de faits graves, et qui peut disparaître et s'évader, j'ai engagé le commandant du fort à attendre une réponse de votre part avant de le faire sortir. Vous pouvez donc en disposer. Je vous informerai d'avance qu'il a perdu entièrement l'esprit public dans tous les alentours, et qu'il est bien intéressant pour ce pays que ses principes plus qu'ultramondains ne s'y propagent pas davantage. Il avait été en premier lieu conformiste, puis s'est rétracté, et a fini par prêcher ouvertement contre le gouvernement républicain, qu'il m'a déclaré ne point reconnaître. Vous verrez le procès-verbal et l'interrogatoire. Il est donc au moins sujet à la déportation. Vous voudrez bien faire sans retard, les poursuites convenables contre ces individus. Ce prêtre Girod a inspiré tant de fureur aux volontaires en détachement sur ces frontières, que j'ai beaucoup de peine à le soustraire à leur ressentiment, et il ne fallait rien moins que la confiance qu'ils ont dans mes principes, pour les calmer. Vous sentez, par conséquent, combien il serait dangereux pour lui de le leur livrer".

L'administration du Jura ne se laissa pas duper par la modération hypocrite de Jouffroy. Le 12 octobre, elle renvoya sa lettre au département du Doubs, en ajoutant : "Vous y verrez combien ce fonctionnaire donne de latitude et d'effets aux mesures arbitraires, aux violations du territoire, qu'il a approuvées par l'instruction qu'il s'est permise. Vous y verrez que loin de se conformer à la lettre du commissaire, près votre département et au second arrêté de l'administration de Mouthe, il continue à donner suite à l'arrestation la plus illégale. Nous ne vous rappelerons pas citoyen collègue, les articles de la charte constitutionnelle dont cette affaire offre une infraction aussi alarmante qu'incroyable; nous ne vous rappellerons pas les lois qui frappent de nullité tout ce qui a été fait contre le prêtre Girod, la violation du territoire, l'invasion nocturne de la force armée dans le domicile d'un citoyen. Votre commissaire a rendu hommage à ces principes sacrés et vous serez surpris autant que nous, que la sagesse de sa conduite n'ait pas servi de modèle à celle du commissaire de Mouthe. Nous joignons à cette lettre un extrait de l'acte constatant que le prêtre Girod a fait la soumission prescrite par la loi du 7 vendémiaire an IV. Dans ces circonstances, nous avons lieu d'attendre que vous vous empresserez d'ordonner la pleine exécution des lois qu'invoque cet ecclésiastique, que vous lui donnerez toutes les facilités de retourner en sûreté dans le lieu de son domicile, sauf aux autorités locales et compétentes à faire contre lui les poursuites nécessaires, et que vous voudrez bien aviser encore aux moyens de prévenir et de réprimer des infractions qui attaquent jusque dans leurs bases la déclaration des droits et des devoirs et la constitution de l'an III. Bossu, Pareau, Bailly"

Ces représentations, pleines de fermeté, et particulièrement méritoires, à une pareille époque, eurent tout le succès qui leur était dû. Le département du Doubs, ordonna à Vincent, commandant du fort de Joux, de mettre immédiatement en liberté le prêtre du Jura. Vincent écrivit, le 1er octobre, qu'il venait de s'y conformer.


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