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La Saine, une fabrique à joyaux

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les Gorges de Malvaux


extrait du Progrès du 17 août 1993

Le relief parcouru est si accidenté qu'au long des 15 km de son parcours, la rivière arrose trois villages. Les sites réputés qu'elle s'est fabriqués la Langouette, le bout du monde, les Gorges de Malvaux ou des Côtes Chaudes sont unanimement appréciés, mais des méandres discrets, voire presque secrets, recèlent encore des trésors inconnus comme le "Creux des Joyaux".

Les premiers habitants connus des montagnes jurassiennes, les fameux Séquanes, sont-ils les fils de la Saine ? L'étymologie ne répond qu'évasivement à cette question. Ce qui est sûr, c'est que cette superbe rivière, tout au long de son parcours, 15 km de cascades, de gorges sans fond, présente tous les attributs destinés à marquer les esprits.

La "Sène", comme l'appelait d'ailleurs les anciens, nait à un peu plus de 900 mètres dans le flanc du Bayard, en amont de Foncine le Haut, à quelques dizaines de mètres des limites départementales. Elle se marie à l'Ain, aux forges de Syam à 521 mètres d'altitude. Elle lèche - dans le cadre de la théorie Alésia - Chaux des Crotenay, elle en constitue même la "douve". Tout le flanc oriental de l'oppidum aurait donc à ce titre séparé pendant le fameux siège, les belligérants sur plus de 6,5 km. Si effectivement, la citée sacrée des Celtes plonge ses assises dans la cour même de la Saine, il devient logique que les eaux mêmes de la rivière s'imprègnent au passage des relents mystiques qui auréolaient l'endroit.

le Bief de la Ruine en septembre 2003

Une autre analyse renforce encore l'idée qui aurait permis à tout un peuple (dont l'extension territoriale s'achève à des lieux, vers presque tous les points cardinaux) de recevoir un nom de baptême oint par les eaux de la rivière jurassienne. Lors de son confluent avec l'Ain, la Saine, puissamment lancée depuis des kilomètres, poursuit un cap nord-ouest. L'ain, arrive de Bourg de Sirod, avec une orientation exactement perpendiculaire, mais pourtant, c'est lui qui change de direction et adopte l'axe inventé par sa fille. Dans ces conditions, il est aisé d'imaginer qu'à certaines époques et malgré un débit favorable en puissance à la rivière mâle, on ait considéré le parcours continu en cours d'eau unitaire. Les flots arrivaient à angle droit devenant alors l'affluent. La Saine aurait possédé alors une dimension suffisante pour servir de cordon ombilical à tout un peuple.

la Langouette

Et puis d'abord, la source, immense amphithéâtre calcaire, n'est-elle pas le jaillissement prédisposé à une sacralisation ? La muraille, minée à sa base par le bouillonnement, montre plus de 40 m d'à-pic et constitue dans le flanc de la montagne un cirque rocheux spectaculaire. Mais cet écoulement possède d'autres particularités. En fait, tout un réseau souterrain fossilisé, abandonnée par l'eau au fur et à mesure que celle-ci se frayait des passages inférieurs, reste à découvrir.

Ce phénomène est bien particulier au Jura, fait d'empilement calcaire de diverses qualités. La Source de l'Ain à Conte n'est que le "trop plein" d'une autre source, celle de la Papeterie, dont le débit étranglé s'épanche, en partie, par une ouverture supérieure.

La Saine possède aussi un pareil exutoire, qui probablement a dû être son parcours souterrain primitif. A 1,5 km de l'actuelle source, perdu dans la montagne, se trouve un autre cirque rocheux, dont l'ampleur prouve à l'évidence qu'il n'a pu être taillé par les rares eaux de débordement qui en jaillissent aujourd'hui.

En effet, le "Bief des Ruines", nom du ruisseau actuel, n'est "en eau" que pendant les périodes pluvieuses. Ce fait permet une intéressante visite des grottes qu'il s'est foré du temps de sa splendeur, avant son arrivée à la lumière. Son parcours d'une rapidité extrême n'est en fait qu'une cascade ininterrompue qui prend pendant les jours arrosés, des proportions surprenantes. Cette brutalité a engendré bien sûr un lit au profil pour le moins tortueux et les rochers en dents de scie, les décrochements brutaux associés à des abords acrobatiques en font un parcours estival sportif.

L'hiver c'est encore autre chose. Bien sûr, à l'aplomb de chaque petites cascades, la puissance de l'eau a creusé de spectaculaires marmites de géant. L'un de ces décrochements s'est produit justement au dessus d'une faille naturelle. L'eau trouvant à cet endroit un sol plus meuble a largement insisté au point de former ici, un creux d'une trentaine de mètres de diamètres. La lèvre inférieure, a nouveau constituée de roches dures, forme un solide barrage qui contient un épais matelas d'eau. Le ruisseau en crue, se ruant dans ce piège, drainant avec lui moult pierrailles, devient un monstrueux tourbillon. Les roches hachées, taillées en pièces, sans cesse en mouvement, sous les incessants coups de boutoir du torrent, voient rapidement leurs angles et leurs arrêtes d'effacer. En quelques temps, elles adoptent un beau poli sur une silhouette largement arrondie.

le Bief de la Ruine en novembre 2002

Les plus compactes deviennent même de véritables billes ou suivant leurs tailles, d'authentiques boules de pétanque. Les couleurs sont naturellement dictées par les terrains originaux et offre une gamme qui, bien que dominée par le gris, n'est pas avare de rose ferrugineux ou de nuances bleutées. Ces "joyaux" biens que n'offrant aucune particularité minéralogique sont bien connus des Fonciniers et chaque foyer, depuis bien des générations, collectionne les plus achevés. Ils ont bien sûr, été à la base de pas mal de juvéniles commerces. En tout cas, ce diabolique fourneau est connu sous le nom de "Creux des Joyaux" et offre, malgré des accès périlleux, une intéressante découverte.

Source de l'Ain à sec en 2003


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