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Juin 1940 à Foncine le Bas

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Jean CUYNET dans sa " Bataille du rail en Franche Comté", nous rappelle, avec beaucoup de précisions, comment a fonctionné la SNCF et comment les cheminots ont fait, à leur façon, la guerre aux allemands en 1939-1945.


En août 1939, c’était la mobilisation. Sur les quais les rappelés attendaient les trains, toujours en retard, certains bien seuls, d’autres embrassant leur amie. Puis les bras s’agitaient aux portières donnant l’illusion de la fuite d’un énorme mille-pattes.


En avril 1940, après six mois de drôle de guerre, des régiments venaient se reposer dans des villages proches d’une gare et le 10 mai, ils étaient brusquement renvoyés au front ... pour peu de temps.

Le 13 juin, c’est le début de la grande vague de l’exode des populations venues d’Alsace et de Lorraine. Elle atteint son paroxysme le 16 juin. Sur les voies encore praticables les convois se suivent à vue et sont souvent arrêtés en rase campagne. Ces trains, composés d’un mélange hétéroclite de wagons de voyageurs et d'autres de marchandises, sont surchargés et toujours à la limite de l'insécurité, ils peuvent transporter jusqu’à mille personnes, entassés, assis dans les couloirs, les toilettes, les filets à bagages, les soufflets et jusque sur les marchepieds. Ils viennent de partout, un peu du nord, beaucoup de l’est. Ils ont souvent subi plusieurs alertes aériennes, des bombardements et des mitraillages de la Luftwaffe.

Il y a une forte proportion de femmes et d’enfants. Certains sont blessés ou malades, d’autres coupés du reste de leur famille. Les informations les plus contradictoires circulent, nul ne sait vraiment que faire sinon fuir devant l’avance allemande. A chaque annonce d’alerte aérienne, les convois stoppent , les passagers partent se réfugier dans les bois alentours et se terrent sans savoir, ni comment se protéger ni comment lutter contre ce danger qui dégringole du ciel, cet adversaire énorme, armé de canons, de mitrailleuses et de sirènes, ce Stuka qui a l’air de les poursuivre, de tourner avec eux autour de l’arbre derrière lequel ils tentent de se dissimuler, machine hurlante dont les assauts mettent les nerfs à bout, qui les précipitent dans les tranchées ou les fossés des routes, les y maintiennent le nez, la bouche contre la terre, les ongles griffant le sol.
Les bombes bouleversent les routes et les voies, renversent les wagons et surtout ruinent les âmes.

Le 16, à 11 heures 30, à hauteur de Balanod, près de Saint-Amour, plusieurs avions attaquent un convoi en volant à faible altitude.

C’est une hécatombe ! 3 voitures détruites, 26 morts, 55 blessés. L’hôpital de Saint Amour, qui n’a qu’un médecin, reçoit les blessés. Les trains arrivent autant de Besançon que de Dijon. Ce n’est qu’en fin de journée qu’un nouveau convoi pourra être formé. Un convoi chargé de nombreux lédoniens (ma mère et ma tante en faisaient partie) est passé de justesse la veille. Il a emmené ses passagers dans des villages de l’Isère.

Mais les gens du nord comme ceux qui quittent le Jura, ne partent pas tous par le train. Les routes aussi sont envahies. On y voit toutes sortes d'équipages du camion juqu'au cycliste ou au chien attelé à une charrette... Des automobiles se traînent, des couvertures sur le toit prétendument pour amortir l’impact des balles. Ces réfugiés ont chargé toute leur famille dans des limousines d’un autre âge. Ils affirment que des chars allemands les suivent. D'autres montrent sur leurs carrosseries les trous d’éclats de bombes. Ils ont été attaqués sur la route par des avions. Dans beaucoup d’autos, des blessés sont allongés sur les banquettes.

Passent des camions de déménagement, des voitures laitières, tous remplis de réfugiés. Les piétons équipés pour la marche sont rares ... La plupart ont revêtu plusieurs habits les uns sur les autres, toute une garde-robe. Ils portent une valise dans chaque main, un paquet ou un sac sur le dos. Quand ils sont fatigués, ils jettent leurs bagages dans les fossés où ils sont pillés par ceux suivent.

Les nationales sont rapidement impraticables. On se lance sur les petites routes souvent étroites qui sont vite débordées elles aussi.

C’est ici que Malvaux mérite son nom.

Ceux qui ont opté pour la RN5 se rabattent sur les Planches. Les chauffeurs sont épuisés, les voitures surchargées, les moteurs chauffent, l’essence manque et dans la montée, les pannes se multiplient. La route est bouchée, on pousse les carcasses vers le bord ou dans les gorges. Beaucoup de celles qui peuvent parvenir jusqu'à la Vierge, là où le père Tissot cassait ses cailloux, sont détournées sur le chantier de la scierie Thouverez. D’autres resteront dans le village abandonnées avec leur chargement, et les réfugiés s’en vont comme ils peuvent sans savoir pour quelle destination, chargés de ce qu’ils jugent le plus précieux. Ils reviendront chercher le reste, souvent sans succès, quelques jours ou quelques semaines plus tard, après, pour les derniers, avoir dû franchir la ligne de démarcation.
Quelques soldats français, égarés, se mêlent à la foule et cherchent le chemin qui peut les conduire en Suisse.

C’est la débâcle.

Le 18 juin, une autre foule entre dans Foncine, allemande cette fois. D’abord un side-car puis deux ou trois autos et enfin des fantassins et des chevaux qui traînent des chariots. Ils installent leur Kommandatur au centre du village, dans la maison Poux. La roulante est fixée à côté de la maison Berrod; chacun vient y chercher son repas; les chevaux sont logés dans l’ancienne lunetterie sur la route de Foncine le haut et dans les écuries de la maison Berrod.

Chaque jour, les allemands les font courir au champ du Foyard. Il arrive que certains se blessent. Ils sont abattus sur place.

A cette période, les allemands cherchent à soigner leur image et à s'attirer la sympathie de la population. Ils proposent parfois la viande aux habitants, qui n'ont pas l'habitude de manger du cheval, mais qui s'y habituent. Ils distribuent même des friandises aux enfants.

Les allemands resteront à Foncine le bas environ deux mois. Puis ils s’en iront abandonnant matériel, outils et flacons de liqueurs et d’alcool venant de Fougerolles ou d’autres distilleries de l’est. Mais l'époque rend tout suspect, et le maire, Victor Macle, déconseillera aux habitants de consommer ces boissons. Certains suivront ces consignes à regret, d'autres non et apprécieront.

Ces troupes ne seront pas remplacées. D’autres viendront jusqu’à Foncine le haut fin 1944 mais c ’est une autre histoire.

Selon François Marcot, c’est à Foncine le bas qu’eut lieu le premier acte de résistance du Jura : un câble téléphonique allemand fut coupé. Le coupable présumé est décédé sans savoir qu’il était méritant.


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