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Un Girondin au Creux-Maldru

 


Le 31 mai 1793 la révolution française bascule : la convention, c'est à dire l'assemblée nationale, s'en prend à une partie d'elle-même, s'auto-mutile. La faction montagnarde appuyée, ou plutôt pressée par la commune parisienne, se débarrasse des républicains modérés, ceux qu'on appelle les Girondins. Une vingtaine sont arrêtés, jugés sommairement et guillotinés. Les autres en fuite connaitront une fin tragique. Ainsi, de Pétion, l'ancien maire de Paris et de Buzot, l'ami de coeur de Madame Roland, qui mettent mutuellement fin à leurs jours pour ne pas tomber entre les mains des autorités. On retrouvera leurs corps en partie dévorés par les loups près de Saint Emilion.

Louvet est l'un des rares députés girondins à passer à travers les mailles du filet. A Caen il a tenté avec ses collègues, de soulever la Normandie, sans succès. Devenu clandestin il se montre plus chanceux ou plus avisé que ses amis, réussissant à se réfugier en Suisse via le Jura. Il se cachera comme beaucoup d'autres pendant plusieurs mois, au Creux-Maldru.


31 mai 1793, les Girondins renversés par les Montagnards

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texte tiré de "L'almanach du Franc-Comtois" 2008 (éditions CPE)

Jean-Baptiste Louvet

Mais qui est-il ce Jean-Baptiste Louvet, porte voix du parti girondin ? Fils de Louis, papetier, né en 1760, c'est à l'âge de 33 ans en 1787, peu avant la révolution, qu'il se fait connaître par un livre à succès : "Les amours du chevalier Faublas", un succès qui lui rapporte assez d'argent pour mener une vie libre avec la femme qu'il aime passionément. Mariée, Madame Cholet n'a pas hésité à quitter le domicile conjugal pour le rejoindre. Son nom d'emprunt est plus romantique, Louvet s'appelle en effet Lodoïska, du nom de l'héroïne de son roman. Deux drames lyriques, l'un de Chérubini, l'autre de Kreutzer, donnés à Paris au cours de l'année 1791 font également référence à cette Lodoïska que Madame Cholet incarne désormais aux yeux de la postérité.

En juillet 1789 Louvet se lance dans la Révolution et publie Paris justifié en réponse à Mounier qui attaquait les journées d'octobre. Membre de la section des Lombards il aura vite une grande influence au sein du Club des Jacobins. Il entrera rapidement en relation avec Roland, et le 25 décembre 1791 il sera l'auteur d'une pétition contre les Princes qui sera décrétée d'impression. Roland devenu ministre de l'intérieur financera son journal mural La Sentinelle. Partisan de la guerre il s'opposera à Robespierre sur ce point. Après le 10 août qu'il soutint, il justifiera les massacres de septembre.

En septembre 1792, Louvet est élu député à la Convention par le département du Loiret, le 8e sur 9. Il siégera avec les Girondins et attaquera souvent avec une extrême violence les Montagnards et en particulier, Robespierre, Danton et Marat. Lors du procès du roi il vote pour l'appel au peuple, pour la mort mais seulement après l'adoption de la constitution par le peuple et pour le sursis. Le 13 avril 1793 lors de la mise en accusation de Marat, il se récusa ne voulant pas se prononcer contre un ennemi personnel. Ses positions de plus en plus en opposition par rapport à celles des sections parisiennes et des chefs de la Montagne feront que des le 15 avril 1793, les sections demanderont sa mise en accusation. Le 2 juin il sera compris dans la liste des députés décrétés d'arrestation chez eux mais il s'évadera de Paris pour rejoindre les Girondins à Caen.

Madame Cholet rejoint Louvet à Caen, l'épouse après avoir usé d'une toute nouvelle loi appelée à un grand avenir : le divorce. D'un tempérament fougueux, le Girondin a été un politique parfois imprudent, notamment lors de ce virulent discours contre Robespierre accusé sans preuve de dictature. Jaugeant mal le rapport des forces, Jean-Baptiste Louvet fut en revanche un républicain sincère et militant.

Par la suite, après l'échec de l'insurrection il passera en Bretagne puis en Gironde puis rentrera à Paris le 6 décembre 1793 ou il se cachera. Lors de sa remonté vers la capitale, il passera par Limoges ou il trouvera de l'aide. Après quelques semaines passées à Paris il partira pour la Suisse et y vivra jusqu'en vendémiaire de l'an III (octobre 1794).

Prise des Tuileries, 10 août 1792 (Jean-Baptiste Bertaux)

C'est là qu'il se dissimulera dans une "profonde caverne". Sur l'endroit exact les avis divergent. Certains penchent pour le lieu-dit "Les Cressonnières". D'autres pour le "Creux-Maldru" site qui servit de cache à de nombreux émigrés, prêtres réfractaires et proscrits en tous genres. On peut y voir encore un bénitier sculpté dans le rocher et la place d'un autel. De fait il fut la providence de plusieurs religieux qui y séjournèrent de longs mois, parfois jusqu'à deux ans. Situé sur le Mont-Noir près de Foncine le Haut et Chapelle des Bois, le "Creux Maldru" est une caverne dont l'entrée masquée garantissait la sécurité du refuge. La caverne comprend en effet une grande salle de 17 mètres de long et de 8 mètres de large sise en contrebas. Louvet y médita peut-être sur l'infortuné destin qui était le sien. Celui de ces hommes qui gouvernant la France se retrouvèrent du jour au lendemain traqués comme des bêtes sauvages. Dans le Finistère, un député se cache dans un appentis à moitié enterré. En Gironde un groupe de Girondins vit de longs mois dans une grotte dissimulée sous une demeure bourgeoise. Ils seront pris et guillotinés.

Louvet a décidemment plus de chance. Après le Jura et sa caverne humide, il franchit la frontière en compagnie de sa bien-aimée et s'installe à Saint Bathélemy près d'Ecchallens. Après Thermidor et la chute de Robespierre il peut revenir en France. Il ouvre une librairie - imprimerie et reprend sa plumme de brillant polémiste qu'il met au service de son journal "La Sentinelle". Il combat tout à la fois les Jacobins et la réaction thermidorienne, les dérives de gauche et de droite. Président de la Convention, il participe à l'élaboration d'une nouvelle constitution. Mais violemment pris à partie dans sa librairie par de jeunes royalistes, Jean-Baptiste Louvet se décide à déménager. Seulement les épreuves qu'il a subies au cours de ses années mouvementées ont eu raison de sa santé. Il meurt de tuberculose le 25 août 1797 alors que nommé consul à Palerme il s'apprête à gagner son poste, son journal disparait avec lui. Il a 37 ans. Désespérée son épouse tente de se suicider à l'opium. Elle survivra. D'abord inhumée dans le parc du château de Chancy près de Montargis la dépouille de Jean-Baptiste Louvet sera transférée bien plus tard avec celle de son épouse au cimetière de la ville. jean-Baptiste Louvet n'était sans doute pas fait pour ce grand chox de l'histoire que fut la révolution. Dans un temps plus apaisé on l'imagine menant une carrière d'auteur aux côtés de très aimée Lodoïska.


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