La Zulma et le Boër "un couple uni, deux grands coeurs, une vie de chien" |
Ceux qui ont eu 15 ans à Foncine dans les années 30 se souviennent de la Zulma qui tirait les cartes et de son mari, le Boër, dont on se demandait d’où lui venait ce nom. Pierre Longchamp nous apporte la réponse. Il le fait sur une cassette où on peut admirer autant sa mémoire que son talent de conteur. Voici quelques lignes tirées de cette cassette. Le ton de Pierre n’apparaît malheureusement pas et il y a sans doute quelques trahisons. Qu’il me pardonne. |
Marie Zulma JEUNET est née le 1er août 1867 Aux Entre Côtes. Elle est fille d’Alexis JEUNET né vers 1814, et de Marie Esther JEUNET. Sa mère meurt le 2 décembre 1867. Zulma a quatre mois, elle est recueillie par sa tante, Louise Marie Jeunet, (née aux Entre Côtes en 1841, morte en 1926, vers chez Berthet à Foncine le Haut) surnommée "la messagère" à Foncine le Haut, et aux Chalesmes "la Louise du Coq"., Elle tient aux Arboux, une ferme que l’on appelle "l’Hôtel du Coq". Avant la percée de Malvaux, pour venir de Champagnole et se rendre à Foncine et monter sur la Suisse, il faut passer alors impérativement par les Chalesmes, les Entre Côtes et monter ensuite sur les Arboux. Les bûcherons, les douaniers, mariés ou célibataires, les colporteurs et beaucoup d'autres viennent se réjouir dans cet hôtel. La Louise du Coq disait qu'elle ne s'était jamais mariée, parceque, dans sa jeunesse, elle allait arracher la gentiane avec d'autres dames qui étaient mariées. Elle disait "Elles se plaignent toutes de leur homme ! Et bien ma foi ! J'n'en prendrai point ! Oh ! c'est pas une raison pour ne pas en avoir de temps en temps !". La devise de la messagère était la suivante : "Ici vous trouverez toujours une assiette de soupe, avec un morceau de lard, du pain blanc, et une chopine de bon vin, un lit tout propre, ….avec la patronne en prime, le tout pour cent sous". Le 5 juin 1893 à 7 heures du matin, Zulma épouse Eugène Joseph JEUNET surnommé le Boër ou encore la Marmaille, né le 28 juillet 1867 à Champagnole, fils d’Auguste Armand JEUNET, bûcheron à Champagnole, né en 1833 aux Planches en montagne et de Florence Anastasie MICHAUD. Les témoins sont Ernest Pianet âgé de 58 ans, Alcide Longchamp âgé de 58 ans, Pierre Meulet âgé de 73 ans et Eugène Jeunet âgé de 31 ans. Pour quelle raison le mariage s'est il fait à 7 heures du matin ? Ce n'était pas pour rallonger la noce. Zulma avait "pris en champ" et, paraît-il, l’église de l’époque voulaient que les filles enceintes se marient avant le levé du soleil. Zulma et son mari viennent d'abord habiter aux Ruines, avec la messagère qui avait quitté son établissement qui périclitait après la percée de Malvaux. Ils habitaient une maison qu'on appellait "le Clos de la Marmaille". Dans cette maison où vivaient 3 ménages, il y avait 2 puits qui ne servaient à rien. Le Boër avait pour habitude d'acheter des vieux chevaux de mine à la réforme. Il les abattait, les dépeçait et plongeait les quartiers de viande dans l’eau des puits qui n’étaient plus utilisés. La Messagère était toujours là. Elle était toujours habillée avec de la toile de sac. On pouvait lire sur le devant de sa personne : "Les minoteries de Rondebise" et sur l'arrière : "Les grands moulins de Commercy". Elle avait deux vaches, un petit âne. Une de ses vaches s'appelait "Drapeau" et quand elle remontait des Ruines, depuis la chapelle jusque chez elle avec sa petite charette, lorsque la route montait trop elle dételait l'âne fatigué et attelait la vache qui s'appelait "Drapeau" en disant "Allez Hu ! Popo !". Puis la maison a été vendue, et le Boër, Zulma et sa tante partent vers chez Berthet. C'est là que la messagère mourra en 1926. Le Boër et sa Zulma vont errer, vivant toujours de petits travaux . On les voit aux Entre Côtes où ils partagent une maison avec Henri Jeunet dit Messager, un frère de la Zulma. Puis ils ont hérité d'une chambre dans la maison familiale à Chalesme. Il y avait la nièce de la Zulma, Gabrièle Jeunet, dont la première décision a été de refermer la porte d'entrée, si bien que les deux vieux passaient par la fenêtre. Hubert Jobard était allé les voir quand il était enfant aux Ruines. La Zulma lui avait fait voir la pièce qui leur était attribuée. Elle était folle de joie tellement elle était belle. Elle avait tapissé cette pièce avec des pages d'illustrés en couleur. C'était un véritable Kaléidoscope ! L'atmosphère se dégrade entre Zulma et sa nièce. Zulma et le Boër partent s'installer à Foncine le Bas, d'abord chez le grand Damien, puis près de chez Madame Joux. Ils allaient de temps en temps depuis Foncine le Bas jusqu'aux Entre côtes, couper du foin sur une minuscule parcelle de terre dont ils étaient propriétaires, et le ramener dans des sacs, pour nourrir leurs lapins. Le Boër meurt le 21 juillet 1941. Il était très malade. La Zulma disait toujours : "Il est foutu mon Boër ! Il a du pusse au gosier ...". Veuve, Zulma part s'installer quelques temps après, chez un frère du Boër, Octave Jeunet, dit "Coco", qui habitait à la Cressonière. Puis elle part au Voisiney Sauvonnet, dans une maison qui appartenait à la famille de Jules Guyon. Et pour finir, la mairie la fera admettre "au dépôt", le mouroir des petites sœurs des pauvres à Lons le Saunier, où elle mourra le 23 septembre 1947. Elle sera enterrée en fosse commune. Un sacré phénomène ce Boër. Haut en couleur, grande moustache, parlant fort. Il faisait peur aux enfants, mais il les adorait. Sa femme s'était mariée enceinte, mais est ce que l'enfant était mort en bas âge ? En tout cas ils n'ont pas eu d'enfant.
Pourquoi ce surnom de Boër ? Aurait-il laissé Zulma plus de dix ans après son mariage, pour aller faire le soldat en Afrique du sud ? Ce serait étonnant mais pas impossible. On le retrouve après, se louant dans les fermes ou occupé à de petits travaux. A Foncine le haut, il avait été chargé de creuser les tombes du cimetière. En arrivant, il posait son litre sur le bord de la fosse. La Blanc Blanc ,une bigote de premier ordre, qui considérait que l’église était sa seconde résidence, le surveillait et s'approchait à pas de loup lorsqu'il était à l'ouvrage, pour donner un coup de pied dans la bouteille qui tombait au fond. Lorsqu’il s’en apercevait, elle avait déjà disparu. Il pensait que c’était un chien qui avait levé la patte. Mais une fois il l’a surprit en flagrant délit. " Ah ! c’est toi vieille chouette ! qui m'culbute mes bouteilles de vin ! Hé ben tu vas aller chez Letoublon, tu vas aller m'chercher dix litres d'vin d’Algérie parc'que c'est bien au moins c'que tu m'as fait perdre et tu vas r'venir dans pas plus tard que vingt minutes ! Si tu r'viens pas j'vais t'chercher chez toi par le kolbak et j't'enterre vivante !". Il parait qu'elle est partie tout en tremblant, elle lui a rapporté son vin, et jamais plus elle n'a donné de coup de pied dans sa bouteille. Il faisait des folies. Il y avait dans la chapelle des Ruines, une statut de Saint Oyen taillée dans un tronc d’arbre. Un soir de saoulerie, il l’emporte dans son clos et la larde de chevrotines. Il voulait se venger du Bon Dieu qui ne permettait pas le retour du beau temps pour faire les foins. La Zulma, c’était un tout petit bout de bonne femme ! Elle était effectivement un peu cartomancienne. Elle allait de maison en maison, cardait, tricotait et filait, et a rendu d'énormes services à beaucoup de gens, mais vivait dans un grand dénuement. Certains l’avaient aidée, d’autres lui en avaient fait voir de toutes les couleurs. Pierre Lonchamp, ancien avocat, lui témoigne beaucoup de sympathie. Comme sa maman, il dit "un couple unis, deux grands cœurs, une vie de chien". Une nièce du Boër a vécu à Entre deux monts vers 1925. Elle habitait dans une annexe d’un bâtiment appartenant aux Girardot dont la porte est encore coiffée d’un cartouche demandant - en latin - à Saint Laurent, de protéger cette maison. C’était Marie Eugénie Jeunet née au Lac des rouges truites, fille de Henri Joseph Jeunet. Elle est ensuite partie au Pont de la Chaux. On la surnommait la Marmaille, comme le Boër et comme le clos du même nom. Le nom de sa fille Bernadette était alors accolé à celui de Pascal-Mousselard. Je ne sais pas pourquoi. |