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La Lemme

 


On a débaptisé la Sene pour l'appeler la Saine, et on a bien fait. On a débaptisé la l'Ayme pour l'appeler la Lemme et c'est bien dommage. Il est vrai que comme dit Maillet-Guy, la nouvelle orthographe adoptée en 1789 est celle des hommes étrangers au pays.

H. Buchot qui médit de tout et tous : "des jurassiens rudes et grossiers, portés à la médisance, à la raillerie et à la bonne chère, des grandvalliers, auvergnats comtois, barbus et hirsutes, invaincus par la fatigue, hautains et méprisants pour autrui et de bien d'autres", ne l'oublie pas. Voici quelques lignes de lui :


la dernière cascade de la Lemme avant son entrée dans la plaine de Morillon. Elle a fait fonctionner une scierie jusqu'à son incendie en 1950


la Billaude

"La Laime ou l'Aime qui se vient joindre à l'Ain en aval de Sirod et qui a sa devise toute trouvée : "Beaucoup de bruit pour rien". beaucoup de précipices, de trous, de cascades, pour le plus petit, le plus minuscule rivelet d'eau douce qui soit jamais tombé des rocailles jurassiques. A la manière des nains, ce filet de mince allure, à peine soupçonné quand il coule à visage découvert, mugit, gronde et s'indigne au profond des fentes arides où les sapins l'enferment, quand les cailloux l'arrêtent à chaque pas. Il a beau cueillir la Saine au passage, la dot de l'épousée ne fait pas la situation meilleure. Il ne trompe que les montagnes naïves, entrouvertes pour lui, étonnées de son audace, comme les grands boeufs s'écartent d'un roquet tapageur et effronté."

En fait, la Lemme prend sa source à la Fontaine du cul, au pied de la Savine, à 908 mètres d'altitude. C'est une source intermittente qui servait de baromètre à nos ancêtres. Elle chemine dans la forêt et aux Martins, renforcée par le ruisseau du Lac des Rouges Truites, elle alimentait deux scieries maintenant abandonnées, puis un moulin depuis longtemps en ruines. Elle serpente ensuite dans les marais de la Chaumusse, là où la Carcasse et le Tord cou d'Auguste Bailly se sont fait leur dernière gentillesse, laisse son nom au pont de Lemme où ne restent ni péage, ni moulin, ni auberge;

elle ralentit devant ce qui reste de la scierie du Métant passe sous le pont romain qu'aucun livre de géographie des années 1920 n'oubliait, mais qui disparaît maintenant sous les broussailles et les saules, et là, aussitôt après avoir traversé la Nationale 5, qui contrairement à la route du sel son illustre grand-mère, elle fait ses adieux au Grandvaux. En 1790, avant d'arriver là, elle avait fait tourner 18 moulins.

 

Elle fait alors en deux bonds une chute de 12 mètres.

Au pied de cette cascade il y avait en 1714 " une usine à deux tournants, une pierre pour rebattre le chanvre, et une autre grosse pierre percée de deux grands trous propre à fouler les étoffes"; Au dessus de cette cascade, "des vestiges et d'anciens murs du moulin du saut où 18 ans plus tôt un cloutier faisait aller son soufflet au moyen d'une roue que l'eau faisait tourner". Les moulins du Pont de Lemme, du Mitant et du Saut ont appartenu aux Lezay, riche famille de Fort du Plasne, puis aux Thouverez.

Ensuite elle devient torrent sautant de marmites en chaudières, usant ses rives jusqu'à faire tomber dans son lit cette énorme pierre carrée, et la voilà dans la plaine de Morillon où elle pénètre par une nouvelle cabriole: le saut de la bique qui faisait tourner, comme les autres, une petite scierie.

Grossie et troublée par le Dombief, elle se calme et dépose ses boues apportées par cet affluent. Pendant un kilomètre elle laisse parler pour elle le hameau de Morillon devenu célèbre grâce à elle et à son pont, grâce aussi à la grange du Cernois, bâtie par les seigneurs de la Chaux des Crotenay.

Au pont de la Chaux, à nouveau un moulin devenu scierie. Brûlée deux fois et désormais en chômage, un autre pont avec en amont un moulin disparu depuis longtemps et en aval une scierie trois fois brûlée de 1900 à 1950.

Depuis 1871 elle se laisse chevaucher par la voie ferrée qui lui a ravi encore un moulin. Puis elle revient à ses habitudes de sauteuse : Claude Roy, La billaude, avant de se jeter dans l'Ain avec la Saine qu'elle a embarquée peu avant. Elle a parcouru ainsi 19 kilomètres.

Le chanoine Luc Maillet-Guy lui consacre tout un chapitre, car cette rivière, la seule importante du Grandvaux, a eu une importance toute particulière. Déjà en 1213 lorsqu'il fallu fixer les frontières entre les terres de l'Abbaye du Grandvaux et celles des chartreux de Bonlieu, l'un des points de repère retenus a été La Laime et le chal ou chaume de Morillon. Il y aura des ponts à péage au Pont de Laime et à Morillon.

la Lemme

Les procès, les escarmouches sont permanents car la Lemme est faite de cascades sources d'énergie, d'argent et donc d'ambitions velléitaires. Il n'y a pas si longtemps, son cours si particulier était encore convoité. Voici un autre extrait du chanoine Maillet-Guy qui évoque un projet qui a bien failli faire disparaître Morillon :

le vieux pont du Quartier

 

"La disette de charbon au cours de la grande guerre, les hauts prix qu'il a atteint à la fin de 1920 ont entraîné un fort mouvement en faveur de l'aménagement des chutes d'eau et des lacs. Une étude technique sur les forces hydrauliques dans le département du Jura a été publiée par Monsieur Moreau, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées. Elle porte sur une dizaine de points où les chutes d'eau totalisées fourniraient une puissance de 12535 CV. Voici les parties de cette étude qui intéressent le Grandvaux :

L'aménagement de la vallée de la Lemme a été étudié par la société dijonnaise d'électricité. Par l'établissement d'un barrage au Pont de Lemme, il serait constitué un réservoir de six millions de mètres cubes; un autre réservoir d'environ un million de mètres cubes en aval du Pont de la Chaux serait réalisé dans la vallée de Pannessière, au dessus du Pont de la Chaux. On espère ainsi régulariser le débit de la Lemme à deux mètres cube par seconde dans la partie inférieure, et à 2,5 mètres cubes en aval du Pont de la Chaux. Ces débits seraient utilisés dans trois usines : à Morillon, au pont de Cornu et sous la Billaude sous une hauteur de chute totale de 226 mètres, il pourrait être produit plus de trente millions de kWh, pour une dépense totale de 15 millions. Le Kilowattheure serait obtenu au prix très intéressant de 7,5 centimes ..."

On a eu de la chance !!!

La Lemme au Pont de la Chaux en aval du pont. Ici était l'usine PERNET qui fabriquait des mobiliers pour les écoles


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