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Les Planches en montagne

 



Le village des Planches en Montagne, (ex Villa des Pontibus, ex Granges de Malvaux) a été érigé en commune en 1790, puis en chef lieu de canton en 1791. Il avait fallu auparavant, le rendre digne ce choix.

A cet effet on lui avait rattaché les communautés du Châtelet et de Montliboz qui relevaient de la paroisse de Chaux des Crotenay, ainsi que la grange des Prés de Crans qui appartenait à la paroisse de Crans.

Ce titre de chef lieu lui avait apporté une certaine activité. Les gendarmes (à cheval puis à vélo) avaient leur caserne au carrefour du chemin de Montliboz. Les commodités sont encore bien visibles. Avec les gendarmes il y avait le percepteur, l'huissier, le responsable du Crédit Agricole, le facteur ...

Les gamins venaient y passer le certificat d'études. Les cultivateurs amenaient leurs plus belles bêtes au concours agricole. Vers 1930, François BLONDEAU de Foncine le bas avait amené son beau taureau blanc. En descendant Malvaux, celui-ci lui avait échappé et était arrivé seul dans la cour de l'école où quelques vaches attendaient sagement les juges. Il y avait eu une belle panique. Quelques gros bras et quelques bons bâtons avaient déjà calmé les bêtes lorsque le propriétaire est arrivé.

Il y avait aussi au Planches, Gaétan COLLIN, industriel, maire et conseiller général, qui utilisait les cascades de la Langouette pour faire tourner, outre sa scierie, ses turbines qui fournissaient en électricité presque tout le canton.

Pour accueillir tout ce monde il fallait un restaurant. Il y en avait un célèbre. Il reste en souvenir de lui une plaque émaillée de quelques centimètres carrés contre le mur d'une maison en face de l'église.

Photo parue dans le Pélerin vers 1970, sans doute prise du lieu-dit "le Coteau"


menu Février 1871 aux Planches

Le 19 juillet 1870 Napoléon III, au prétexte d'une dépêche offensante (la dépêche d'Ems), déclare la guerre à la Prusse. Le 2 septembre, battu, il se rend aux prussiens.

Il est déchu et le 4 septembre, la 3ème république est proclamée.

Mais la guerre continue.

L'armée de l'Est (Bourbaki) fait retraite. Elle doit rejoindre rapidement Bourg et Lyon. Les prussiens occupent la route Besançon - Lons. Elle passe donc par Pontarlier et Saint-Claude.

Pour protéger son flanc droit, elle envoie une division vers Saint Laurent par Nozeroy et les Planches. Les prussiens forcent la marche pour lui couper la retraite.

Commence alors pour notre région, une période de guerre, d'exactions, de réquisitions, sur laquelle le père Doudier, pour Foncine le haut et Chaux neuve, et l'abbé Bourgeois pour Chapelle des bois, donnent beaucoup de détails.

Pour les Planches, c'est la bataille que Marc Monnier a raconté dans "la Revue des Deux mondes" du 1er mai 1871 et dont H. Carrez, directeur d'école à Lons le saunier a fait en 1907 un livre que Monsieur Socié, secrétaire de la mairie des Planches m'a aimablement communiqué.

Voici quelques extraits de ce livre :

La retraite s'effectua dans les journées des 27, 28 et 29 janvier. Trois colonnes partant des Planches se dirigèrent sur Saint Laurent par Foncine le bas, Entre deux monts et Chaux des Crotenay dans le désordre le plus lamentable.

Un témoin écrit : "Monsieur Génisset, maire des Planches, nous chargea de conduire les débris de la brigade Lasserre sur la route d'Entre deux monts. Après une demi-heure de marche dans une épaisse couche de neige, exténués de fatigue, nous dûmes, non sans peine, revenir aux Planches, tandis que les troupes se retiraient sur Saint Laurent".

La Billaude

Description de Marc Monnier :

"Ce n'était plus une armée, c'était une cohue : les officiers ne commandaient plus et marchaient en sabots, en pantoufles, au milieu des soldats sans chaussures, qui déchiraient des pans d'habits pour emmailloter leurs pieds gelés; et cette neige implacable, qui était tombée sur eux tout l'hiver, s'amassait maintenant sous leurs pieds en poussière glacée où ils enfonçaient jusqu'aux genoux.

Ils se traînaient ainsi confondus, dragons, lanciers, spahis, turcos et zouaves, mobiles et francs-tireurs, grands manteaux rouges ou blancs, cabans marrons, pantalons garance, vareuses bleues, toutes les coiffures du monde, depuis le fez arabe jusqu'au béret béarnais, tous les dialectes, les accents de France, depuis le vieil idiome de l'Armorique jusqu'aux cris stridents de l'Atlas et du désert : un tumulte de langues, de couleurs et surtout de misères; car cette multitude en fuite, exténuée par un ou deux jours de jeûne, venait de bivouaquer plusieurs nuits dans la neige par 15° de froid !

Les traînards surtout serraient le coeur : ces pauvres mobiles, tout jeunes, des enfants trop frêles pour porter le fusil, et jetés tout à coup en un pareil hiver dans les montagnes ! Nous avons vu entrer en Suisse les adolescents qui sortaient de ces épreuves; ils vivaient encore, mais décharnés, tremblants de fièvre, les yeux enfoncés et ternes; ils marchaient encore d'un mouvement machinal, sans savoir où ils allaient : ils regardaient, mais sans voir; ils se laissaient abattre par l'ennemi qui, de loin, par derrière, jusqu'à la dernière heure, sans un éclair de pitié, tirait sur eux; les obus, partant par batteries invisibles, passaient par dessus la montagne et venaient éclater sur la route.

Ainsi défilait cette lugubre procession de corps inertes avec la stupeur et l'égoïsme du désespoir, abandonnant leurs morts, leurs mourants, s'abandonnant eux mêmes, refusant parfois la vie que vous veniez leur rendre, vous disant quand vous leur tendiez une gourde : "Laissez moi tranquille, mais que voulez vous donc ? je veux mourir."

Pendant que que notre armée effectuait péniblement son mouvement rétrograde, les Prussiens précipitaient leurs colonnes sur Salins et Arbois pour gagner Champagnole, s'emparer des défilés restés libres et barrer le chemin à l'armée de l'Est qui arrivait par la route de Mouthe à Saint Laurent.

Trouvant la route de Salins trop dangereuse, Manteuffel porta ses troupes sur Arbois et Poligny, de là à Champagnole. Le colonel de Wedel fut chargé d'occuper le col des Planches et grâce au désarroi qui régnait dans nos troupes, il put mener à bien une mission fort périlleuse en d'autres circonstances.

Entre le Pont de la Chaux et le hameau de Morillon, la route nationale n° 5 traverse un passage des plus difficiles pour une colonne en marche. On pouvait aisément faire sauter deux ponts situés à l'entrée et à la sortie des gorges de la Laime. Quelques centaines d'hommes, avec des munitions suffisantes, pouvaient tenir l'ennemi en échec pendant plusieurs heures, retarder l'occupation des Planches et permettre à l'avant-garde de l'armée française de s'emparer du défilé de Foncine pour continuer sa marche sur Saint Laurent.

 

Wedel n'hésita pas à engager sa cavalerie et une batterie de montagne dans le défilé de Cornu, sous la protection de son infanterie qu'il porta à droite par le plateau de Chatelneuf, à gauche par l'ancienne route. Toutes les troupes débouchèrent au Pont de la Chaux vers trois heures de l'après-midi.

Aussi, lorsque l'escadron du 2e Chasseurs d'Afrique envoyé en reconnaissance par le général Cremer arriva à la Chaux des Crotenay, il fut assez surpris de trouver la position occupée.

Nos chasseurs attaquèrent néanmoins l'ennemi et lui tuèrent une quinzaine d'hommes; mais ayant eu un mort et plusieurs blessés, menacés d'ailleurs d'être tournés, ils se replièrent précipitamment et l'escadron, au lieu de s'arrêter aux Planches où l'ennemi allait arriver, rentra le soir même à Foncine le Haut.

A cinq heures du soir, les Prussiens s'avançant en deux colonnes, par entre deux monts et le col des Etroits, se heurtaient aux dragons envoyés par le général de Longuerue pour rallier le convoi du 15e corps, et aux francs-tireurs détachés du bataillon envoyé le matin même au col du Chateau de l'Aigle".

A Foncine le Haut, le maire reçoit la fameuse dépêche "armistice conclu", dont seuls les Prussiens savent qu'il ne s'applique pas à l'armée de l'Est.

Et la débâcle continue.

Les Français se dirigent vers la Suisse qui les accueille. Mais ils doivent abandonner leurs armes et leurs chevaux. Ceux-ci seront récupérés en grande partie par les habitants du pays. Ceux des officiers sont en général blancs et facilement reconnaissables.

On les appellera des "Bourbakis".


menuUn épisode de la retraite sur la Suisse

Dans le numéro 128 du "Jura Français" d'octobre 1970, et à l'occasion du centenaire de l'occupation prussienne, Monsieur René Robbe, de Chaux-Neuve, communique un récit dressé par le capitaine d'artillerie Camps, des circonstances dans lesquelles son unité dut se replier sur la Suisse. Ce document avait été remis par son auteur au capitaine Labattut, de Chaux-Neuve, qui l'a confié aux archives de sa commune natale. René Robbe accompagne ce récit de commentaires qui en accroissent l'intérêt. En voici des extraits :

Il s'agit d'un détachement d'artillerie que commande le colonel Millot et qui compte une batterie de campagne et une batterie de montagne, cette dernière sous les ordres du capitaine Camps. Il fait partie de la division du général Crémer, unité d'élite qui a, le 18 décembre 1870, affronté victorieusement, à Nuits-Saint-Georges, les Prussiens de Werder. Depuis le 27 janvier, elle se replie vers l'est.

Le 28 janvier, tandis que le poste de commandement de crémer est à Saint-Laurent en Grandvaux, le détachement Millot se trouve au village de Houtaud, à 2 kms à l'ouest de Pontarlier. Il reçoit l'ordre de gagner les Planches en Montagne où il doit relever la cavalerie qui tente de bloquer le défilé de la Saine. On se met en route à huit heures du matin; on espère arriver en fin de journée à Foncine le Haut. Mais l'épaisse couche de neige qui recouvre tout le pays va singulièrement retarder sa marche. Le chemin est étroit, bordé de congères d'un mètre et demi de hauteur et sans cesse encombré de traînards et de véhicules isolés. En sorte qu'à la tombée de la nuit, le détachement doit s'arrêter à Chaudron, petit village proche de la Source Bleue. Il n'a couvert dans la journée qu'une douzaine de kilomètres.

Au matin du 29 janvier, la marche reprend dans des conditions aussi difficiles. On doit s'arrêter au bout de 24 km, à Chaux-Neuve.

Le colonel Millot a pu atteindre Foncine le Haut. De bonne heure, le 30 janvier, le capitaine Camps s'y rend avec la batterie de montagne. A son arrivée, il apprend que l'ennemie a occupé les Planches en Montagne et poussé jusqu'à Foncine le Bas. Il apprend aussi qu'un armistice à été conclu le 27 janvier. En transmettant cette dernière nouvelle, le général crémer ignore t'il, ou feint-il d'ignorer, que l'armistice ne s'applique pas à l'armée de l'Est ? Toujours est-il que Millot envoie un officier à Foncine le Bas pour prendre contact avec l'ennemi; mais à Foncine le Bas on se refuse à toute conversation et le parlementaire est dirigé sur le commandement allemand de Champagnole. L'ennemi cherche manifestement à gagner du temps. En attendant, on met Foncine le Haut en état de défense. Les hommes trouvent dans les caves de la fruitière un copieux ravitaillement en fromages; mais on va manquer de foin pour les attelages.

Le 31 janvier, Millot se dispose à tourner les positions allemandes pour atteindre Morez où crémer s'est porté. Or le bruit court, de village en village, que Morez est aux mains des Allemands ! On saura plus tard que la nouvelle est fausse et procède d'une étrange méprise : on a aperçu, venant de Morez, des cavaliers dont l'uniforme, qui surprend, a fait croire que ce sont des ennemis; or il s'agissait de chasseurs d'Afrique envoyés par crémer au devant du détachement de Millot. Sur ces entrefaites, ordre est reçu de gagner la Suisse.

Regroupé à Chaux-Neuve, le détachement Millot va donc mettre le cap sur l'est; la frontière est, à vol d'oiseau, à une dizaine de kilomètres. On se met en route vers onze heures du soir. Guidé par un paysan de Châtelblanc, on s'engage en rase campagne, à travers les étendues de neige. Dès la sortie de Chaux-Neuve, on a dû abandonner les chevaux qui n'en pouvaient plus, incapables qu'ils étaient, même à huit, de tirer une pièce, même allégée de son caisson; on a enseveli les canons, si soigneusement que l'ennemi ne les découvrira pas. Les mulets porteurs des pièces de montagne, ont résisté quelque temps; mais si la neige gelée permet aux hommes de ne pas s'y enfoncer à chaque pas, il n'en est pas de même pour les mulets; on va les abandonner à leur tour à la ferme du Chalet Brûlé, les pièces étant cachées dans un puits où on les récupérera quelques jours plus tard pour les livrer aux autorités fédérales, comme on l'aura fait des armes portatives. Ainsi les hommes escaladent-ils le Risoux, par quelque 1350 mètres d'altitude. Au matin du 1er février, on se retrouve en territoire Suisse. Après deux heures de repos, on arrive au village du Sentier, sur les bords du Lac de Joux.

Personne n'est resté en panne au cours de cette dure étape. Précédemment on avait dû hospitaliser quelques artilleurs; cinq d'entre eux devaient succomber, qui furent par la suite enterrés à Chaux-Neuve.

Ces hommes qui avaient avancé péniblement, à la queue leu-leu, pendant toute une nuit, retrouvèrent, une fois arrivés au Sentier, assez de cran pour défiler en ordre parfait aux acclamations chaleureuses des autorités suisses.

Dans le même temps, le gros de l'armée de Bourbaki avait pénétré en Suisse par le col de Jougne et Vallorbe. Surmontant leur extrême fatigue, quelques éléments d'infanterie s'étaient refusé à cesser la lutte et voulurent rallier Lyon où une armée nouvelle était en formation. Ils contournèrent les positions des troupes allemandes qui, nous l'avons vu, occupaient Saint Laurent en Grandvaux et menaçaient d'atteindre Morez, ces résistants réussirent à gagner Lyon, par les Rousses et Gex. Sursaut héroïque que devait rendre vain l'exécution de l'armistice.


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