"Un soir, pendant que toute la famille se retrouvait autour de la maie devant une assiettée de soupe fumante, la porte de la cuisine s'ouvrait brusquement.

La casquette sur les yeux, une longue blouse gonflante lui donnant l'allure d'un maquignon - ressemblance qu'accentuait encore un gros bâton tenu dans la main droite - un homme entrait. D'un regard aussi rapide qu'exercé, il dévisageait tous les convives présents, s'assurait en un éclair qu'aucun n'était suspect, s'avançait auprès du chef de famille et, à mi-voix, disait tout simplement : "Combien en voulez-vous ?".

Les enfants qui voyaient cet homme pour la première fois ouvraient des yeux pleins de curiosité et se demandaient avec intérêt de quoi il pouvait bien être question.

Le père répondait en regardant sa femme :

- Trois, n'est ce pas ?

- Tu peux en demander quatre; on ne le voit pas bien souvent et tu sais qu'il ne fait pas bon en manquer, les autres ne prennent pas.

Les enfants de plus en plus intrigués, écarquillaient de plus en plus leurs yeux et ne perdaient pas un geste de l'inconnu qui, soulevant sa blouse, détachait un sac au fond duquel il puisait. Le mystère était éclairci dès qu'apparaissait un bloc quadrangulaire, bloc de bois tendre, fendu en mince bûchettes tenant encore les unes aux autres par la partie inférieure. Un carré de gros papier jaune, retenu par une ficelle, enveloppait la partie supérieure, masquant l'éclat du beau phosphore rouge, si rutilant qui, rien qu'à le voir, évoquait l'idée de la flamme claire.

La mère s'empressait de saisir sa provision, la cachait soigneusement au fond d'un petit placard, derrière la grande cheminée, pendant que sur le manteau, traînait négligemment une boite de la régie, à peine entamée, dédaignée et laissée seulement bien en vue pour leurrer le gendarme - d'ailleurs bon enfant - jusqu'au jour où il recevait la dénonciation d'un ennemi tenace ou d'un voisin en mal de vengeance.

Mais même une amende ne corrigeait personne du goût pour les allumettes achetées secrètement. Au pays de Sauriat, l'inventeur des vraies, on ne pouvait croire à la bonne qualité de celles de l'État., dont il était entendu une fois pour toutes qu'elles ne prenaient pas".

L'Union Républicaine, le 20 mai 1910, titre encore "Morez - Grosse affaire de contrebande" : "Ces jours derniers, à la tombée de la nuit, les douaniers de service au poste du Haut de Morez et le receveur des douanes du bureau de Morez, ont arrêté au pont du Haut de Morez, une voiture calèche contenant une grande quantité de contrebande. La voiture descendait au triple galop de la direction des Rousses. Arrivés au poste, les douaniers sommèrent le conducteur de s'arrêter, pendant que le receveur se jetait résolument, au péril de sa vie, à la tête du cheval, ce que voyant le conducteur du véhicule sauta au bas de sa voiture et prit la fuite, malgré la plus grande diligence apportée par les douaniers.

Les douaniers ont mis le cheval qui est magnifique en arrière et ont visité la voiture; cette dernière était complètement truquée et avait été construite spécialement pour faire la contrebande. Dans la capote et divers compartiments, il a été trouvé les marchandises suivantes : 50 kg de phosphore en petites boites, 78 kg de tabac à fumer, 32 kg de tabac à priser, 2 kg de cigares fins".

La Croix du Jura, le 22 janvier 1903, annonce que la "gendarmerie a arrêté en flagrant délit de colportage d'allumettes de fraude, le sieur Poirier, 46 ans, journalier à Poligny".

L'Union Républicaine, le 20 janvier 1910, titre : "Lons le Saunier - Arrestation pour contrebande. Le nommé Hillers Auguste, 35 ans, originaire de Pagney demeurant précédemment à Montmorot, et actuellement à Gevingey, contrebandier bien connu, a été arrêté par la gendarmerie dans les champs entre Chille et Lavigny. Il était porteur d'un sac contenant 43000 allumettes de contrebande. Hillers a été ramené à Lons le Saunier et écroué à la maison d'arrêt".