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Les chevaux de la légende

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voir également : Pégase

Tiré des "Mystères du Jura" de Roger JAY, éditions "La Taillanderie"


L'eau est toujours source de vie. Il paraît donc normal, d'une logique irrécusable, que les sages druides considéraient les sources comme une nécessité vitale, d'où leur respect et leur enseignement. Et nos ethnologues, qui veulent se donner des certitudes, ont conclu peut-être exagérément que la religion celte sacralisait les sources. En somme, ils auraient presque raison avec quelques nuances.

Sacrées, les sources du Hérisson le sont. La preuve en est donnée par le cavalier de Bonlieu, armé, casqué, qui chevauche dans son ciel  nocturne. Le cheval à la crinière flamboyante est blanc pour être mieux vu de nuit. Le cavalier, pour ceux qui ne reconnaissent pas en lui le sire de Vaudrey, erre quelquefois tristement dans la forêt; il est alors couvert de sang, car il mourut sous l'assaut d'une armée de chats noirs en sabbat.
Sacrée, la source de la Sène. Un cheval blanc la hante également, qui vole vers la montagne sitôt qu'on l'aperçoit. Comme tant d'autres, la source miraculeuse guérit les fièvres. Le nom des deux villages de Foncine se traduit par Fons Senae : fontaine de la Sène, nom celte déjà porté par les druide et les prêtresses de l'île de Sena.


Magique, la Fontaine-Ronde. Elle coule par intermittence parce qu'une moitié de cheval invisible vient y boire plusieurs fois par jour. Amaury de Joux était un fameux cavalier et passait son temps à galoper sur tous les chemins de son domaine. Un jour qu'il s'élançait fougueusement hors du château,

La herse tombe et de la lourde masse,
frappant soudain le destrier qui passe,
le coupa en deux,
Lui, laissant là ses jambes de derrière,
Sur son devant s'élance en la carrière,
Toujours fougueux ... 

Fameux cheval ! Mais tout de même, son état lui procure une soif intense et il s'arrête à la source de la Combe, il boit sans parvenir à se désaltérer. Amaury s'énerve, il éperonne, cravache en vain, et finalement saute à terre pour tirer sa monture par la bride. Il aperçoit alors son cheval réduit de moitié, et l'eau qui s'échappe inutilement de l'énorme blessure. Il s'enfuit pour conter l'incroyable aventure, on accourt pour voir le prodige, mais l'esprit de la fontaine avait déjà rendu le cheval invisible pour le soustraire à la vilaine curiosité.

Cent fois le jour la cavale fumante,
Pour apaiser la soif qui la tourmente,
Tarit les flots.
L'onde renaît, lorsque désaltérée,
La jument fait retentir la contrée,
Sous ses sabots. (Demesmay)

A Joux, on parle d'un autre cheval, connu jusqu'à Dole. On lui a curieusement donné le nom du héros Gauvain, et cela ne s'explique guère puisque ce cheval-là vient de l'enfer.

On le voyait autrefois, en 1836, dans le cimetière de Chamblay, toujours la nuit. Il semblait si beau, noir et luisant, fin et puissant, qu'une maîtresse fille décida de s'approprier cette bête magnifique qui  n'appartenait à personne. Elle l'approcha sans difficulté, monta à cru en toute tranquillité, et la monture et sa cavalière évoluèrent avec autant d'aisance que s'ils avaient fait cela toute leur vie. Ils se retrouvèrent ainsi, tout naturellement, sur la rive de la Loue. Alors, brusquement, hérissant son poil et crachant le feu, le cheval de l'enfer se précipita dans les flots et disparut au plus fort du courant. La pauvre fille se débattit avec rage, appelant à l'aide, des témoins lui jetèrent des perches et des cordes, et elle parvint à se sauver, épuisée de fatigue. Elle était sauvée. Pour peu de temps, car elle mourut quelques jours après de son épouvante.

Les quatre fils Aymon qui fuyaient Charlemagne, traversèrent nos montagnes, chevauchant ensemble leur cheval Bayard ; encore un nom de héros. Ils s'appelaient Alard, Guichard, Richard et Renard … non pardon : Renaud. Cette monture extraordinaire dut laisser un souvenir chez nous, puisque le jeune sire Edmond de Jeurre donna son nom à son propre cheval, une bête magnifique. C'était sa seule fortune. Il était amoureux de Huguette, la fille du sire de Conde, mais celui-ci ne voulait entendre parler que d'un gendre fortuné. La jeune fille conseilla à son pauvre amant de demander l'aide de son oncle, le baron de Vouglans, dont il devait hériter. Cette promesse d'héritage fléchirait sans doute le cupide père. Ainsi sollicité, le baron de Vouglans accepta de demander la main de Huguette, au nom de son neveu. Il tint parole, en partie. Le baron se rendit auprès du seigneur de Conde et obtint la la main de sa fille pour lui-même. Les deux barons étaient ravis.

Le mariage fut vite organisé. Selon les traditions chevaleresques, les futurs mariés devaient se présenter sur les plus beaux chevaux, somptueusement harnachés. La meilleure monture, blanche, digne, qui seule pouvait convenir à l'épousée ne pouvait être que Bayard. On osa la réclamer à l'amoureux écarté. Edmond accepta, faisant contre mauvaise fortune bon coeur. Le jour du mariage, à Condes, devant tous les riches invités, le cheval reçoit la future mariée ; aussitôt chargé de son précieux fardeau, il piaffe, échappe aux valets, et disparaît en laissant toute la noce en plan. Le père, le fiancé, s'élancent à sa poursuite sur leurs piètres roussins, mais quand ils atteignent Jeurre, il est trop tard, un chapelain a déjà marié les deux jeunes gens.


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