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Pégase

Pégase et la Renommée (toit de l'Opéra de Paris)

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Extrait du livre de Gabriel Gravier : "Franche-Comté, pays de légendes" tome II

Foncine le Bas, Foncine le Haut et les Planches, ont formé jusqu'en 1790 une grande communauté qui n'a, en fait, été définitivement divisée en trois communes qu'en 1830. C'est dire si cette petite région, un peu à l'écart des grands axes routiers, est attachée à son passé. Son fond ethnique composé de Celtes - pour ne pas commencer par les Ligures -, de Gallo-Romains, de Burgonde et d'Alamans, a pu conserver longtemps ses croyances et traditions particulières

Pégase (droite) et Athéna casquée (gauche), statère de Corinthe, v. 345-307 av. J.-C.

Le nom de Sène, Senne ou Saine, que porte le principal cours d'eau des cette contrée, évoque à lui seul tout un passé druidique et séquane. Passé druidique, parce que Sène rappelle d'une part le mot celtique sen, qui signifie saint, d'autre part des prêtresses séquanaises qui guérissaient de nombreux maux, de multiples maladies, et prédisaient l'avenir. Passé séquane, aussi, en ce sens que la Seine, fleuve dans la haute vallée duquel les Séquanes avaient établi le centre de leur domaine, avant d'être refoulés vers le Jura par une brutale invasion due probablement aux Belges, est ainsi rappelée dans le nom du petit affluent de l'Ain. Des études ont été faites, qui montrent la frappante similitude existant entre certains toponymes rencontrés aussi bien en Franche-Comté que dans la région voisine des sources de la Seine. Elles prouveraient que les Séquanes, chassés des pays actuels de l'Yonne et de la Côte d'Or, ont très certainement rebaptisé de nombreux lieux, cours d'eau, montagne de la future Comté, de noms déjà répandus dans leur habitat pré_jurassien et qu'on retrouve encore aujourd'hui.

Mais le nom d'une rivière n'évoque pas, à lui seul, l'antiquité des populations de la région de Foncine. Le cheval blanc, tantôt paissant aux abords de la source sacrée de la Sène, tantôt galopant, tel Pégase, à la cime de la montagne, est une tradition gauloise. Elle s'est même diablement francisée, puisque, aux dires de Désiré Monnier, "le Docteur Munier, ancien maire de Foncine le Haut, qui, à la vérité, ne se flatte pas d'avoir la vue plus perçante que les bergers de sa commune, atteste du moins que le cheval blanc est de notoriété publique", et cela vers 1850.

"Peut-être, dit encore malicieusement Monnier, devrions-nous ajouter à ces prémices qu'il se rattache au gouffre de forme singulière d'où sortent les flots de la Sène, une tradition populaire sur une vieille fille qu'on avait vue s'y précipiter pour ne plus reparaître, et qui semble plutôt une nymphe condamnée par le christianisme à, ne plus se montrer à ses anciens adorateurs".

Des signes évidents que le christianisme s'est substitué au culte païen, apparaissent dans les croix surmontant les menhirs, les grands feux du mois de juin, qui célébraient le culte du soleil avant de fêter la Saint-Jean. Mais laissons Rousset nous décrire ce qu'il a pu, au siècle dernier, recueillir des traditions de Foncine.

Pour lui, des vestiges du druidisme subsistent "dans les fêtes de Noël, où le cri de Failles se fait entendre, comme celui d'Egui-na-né à la fête gauloise de l'Eguinat, et dans l'aumône publique faite le premier jour de l'an, près du pont de la Cheverie. Sur la rive droite de la Sène, apparaît isolée, au milieu du pré appelé la Cheverie, une pierre brute d'une grande hauteur, percée à son sommet de deux trous, qui furent ouverts pour fixer une croix. Cette pierre est un peulven, monument drudique très reconnaissable. Le pâturage de la Thieulette, d'où la vue s'étend sur le Grandvaux, Champagnole et Mirebel, porte un nom qui indiquerait la présence, suivant l'opinion de Monsieur Désiré Monnier, d'un dolmen ou d'une pierre levée gauloise. La tradition peuple le territoire entier des deux Foncines, de sorciers, de loups-garous, de luttons ou follets semblables aux Poulpiquets ou Gourils de la Bretagne, de fées, en un mot, de tous ces génies plus ou moins malfaisants, qui étaient la terreur du peuple des campagnes. C'était surtout près de la roche à Jean Jouari, à Saint-Egon, à la Combette de Brayon, sur les Montceaux, près du lac de la Grange à la Dame, sur le mont à la Chèvre, que les sorciers se réunissaient pour faire leurs rondes infernales. On voyait aussi de séduisantes dames blanches sur les bords de la Sène, où elles s'efforçaient d'attirer et de noyer les crédules passants. Le costume des hommes et des femmes de Foncine imitait, il y a peu d'années encore, avec une exactitude singulière, celui des anciens Celtes, tel que Strabon l'a décrit".

Bellérophon monté sur Pégase

Puisque nous avons évoqué Pégase, rappelons par la plume de Désiré Monnier, comment est née la légende de ce coursier ailé : "Rien de plus réputé dans l'histoire que la cavalerie des Parthes, et, dans la géographie moderne, que celle des Tartares; le fait n'est pas contesté. Un usage qui est particulier aux Usbeks du royaume de Karasme (pays des Parthes) explique tout : ces tartares se servent d'oiseaux de proie pour la chasse aux chevaux sauvages; ils les dressent à saisir l'animal par la tête ou par le cou, et tandis que l'oiseau le fatigue sans que l'adversaire puisse lui faire lâcher prise, les chasseurs ont toute facilité pour s'emparer du cousier. On avait, sans doute vu, dans un tableau de cette chasse curieuse, les ailes déployées sur le garot du cheval; on avait vu le cheval se cabrant et courant pour se débarasser de son agresseur, et l'on a fini, en reproduisant ce dessin mal compris, par ne garder de l'oiseau, que les ailes, et par les attacher immédiatement aux épaules du quadrupède même. Voilà Pégase, voilà la noble monture aérienne dont la poésie a tiré un si grand parti".


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