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Les étrennes d'un facteur en 1773

 


Il y a 250 ans, le facteur n'était pas fonctionnaire, mais salarié personnel du directeur de la poste, le receveur d'aujourd'hui, et son salaire était fonction des étrennes. Les archives de Besançon nous apprennent la malheureuse aventure d'un facteur bisontin au moment des étrennes.


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En l'an 1772, Antoine François Roux, facteur de la distribution à la poste aux lettres de Besançon, se trouvait redevable au sieur de Raimond, directeur de la poste, d'une somme de 917 livres et 6 sols.

Le nommé Caillot, greffier au bailliage de Besançon, son beau-père, s'étant porté caution pour 600 livres, il restait dû 317 livres.

 

Ne pouvant les payer "pour n'avoir pas toujours été lui-même payé comptant et à cause de l'entretien de sa nombreuse famille pendant la disette de ces dernières années", explique t'il dans une supplique à M. de Lacoré, intendant de Franche-Comté, il fut victime de la contrainte par corps demandée contre lui par le sieur de Raimond, et incarcéré le 23 décembre 1772, veille de Noël, en la prison de la conciergerie de Chamars, sur ordonnance de l'intendant.

 

Dans une supplique du 2 janvier 1773, Antoine Roux, ci-devant facteur, déclare : "que le sieur de Raimond trouve bon de remercier le suppliant à la veille de toucher les étrennes et ainsi pour en exiger son paiement, il commence par lui ôter tous les moyens de pouvoir le faire. En effet, Monseigneur, on ne donne de gages aux facteurs que deux cents livres parce qu'on fait entrer en considérations les étrennes que l'on dit toujours aller jusqu'à 300 livres; ce qui est vrai et le suppliant assure que, soit que le public soit plus content que lui, soit que ce soit la règle, les siennes ont toujours passé de 140.

Si donc, Monseigneur, les appointements sont donnés en conséquence des étrennes, elles doivent être regardées comme faisant partie et n'en peuvent être séparées ..."

Raisons valables sans doute, puisque le nouveau facteur Dessirier, nommé en remplacement de Roux, licencié bien entendu, devait recevoir les étrennes à sa place, soit 169 livres que le sieur de Raimond reçut en acompte sur la dette d'Antoine Roux.

Plaques de facteurs

Il restait donc un dû de 148 livres 6 sols "que la compassion de quelques personnes a enfin procuré au suppliant, empressé de quitter ses chaînes, pour aller donner du pain à cinq malheureux enfants" déclare le prisonnier dans une nouvelle supplique le 13 mars 1774 à M. de Lacoré, qui par ordonnance en date du 13 mai 1774, ordonna que le sieur Roux soit "élargi des prisons de la conciergerie du Palais où il était détenu".

Notre malheureux facteur avait fait près de 15 mois de détention, perdu sa place, ses étrennes et conservé ses dettes.

Son remplaçant, Hilaire Dessirier, qui devait faire une longue carrière de facteur à Besançon, obtint certainement toute la confiance de son directeur, car le 14 septembre 1776, il représentait Messire Jean Pierre François de Buffevent, chevalier de Malte, colonel d'infanterie, maréchal général des logis des armées du roi, au baptême de Jean Pierre François Louis Filiol de Raimond, son filleul, qui devint contrôleur des postes aux armées de Napoléon, puis inspecteur général des postes à Nantes.

Pour annoncer leurs passages, les facteurs secouaient une claquette, ils n'étaient en effet pas autorisés à monter les étages.

Dessirier devint-il malade et voyant sa fin proche voulut il mettre ordre à ses affaires ?

Toujours est-il qu'en 1781 il rédigea le testament suivant :

"Au nom de Dieu - Amen - Je soussigné Hilaire Dessirier, facteur de la poste aux lettres de Besançon et y demeurant, désirant disposer de mes biens, j'ai fait mon testament mystique et solennel que j'ai dicté et fait écrire par Jean Antoine Berthod, notaire à Besançon, je lui dit mes intentions comme suit : J'ordonne qu'incontinent après mon décès, il soit dit et célébré la quantité de cent messes à basse voix pour le repos et salut de mon âme. J'institue mon héritière universelle dans tous les biens que je laisserai dame Françoise Lhoste, mon épouse, à la charge pour elle de faire dire les messes que je viens d'ordonner et aux charges de droit. Telles sont mes intentions et dernières volontés. signé avec le notaire, fait à Besançon en ma résidence rue Saint Vincent, l'an 1781, le 18 avril, en présence de Charles Dispos contrôleur sédentaire de la poste aux lettres". Mais ce testament ne fut pas exécuté puisque son épouse mourut l'an suivant.

En l'an 1785, le 8 février, Dessirier, âgé d'environ 44 ans, veuf, épousa Anne Euvrard, âgée de 25 ans. On ignore s'il fit dire cent messes à basse voix pour le salut et repos de l'âme de sa première épouse.


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