La journée des Pignards |
texte d'Alphonse Gaillard (Les Bouchoux) 1882 - 1971 Le Louis à la Gache et le Sosthène au Braise se frottèrent
les yeux, puis se levèrent. Il faisait froid dans la grange,
un peu d'activité ne gênerait pas et empêcherait
de s'engourdir. Ils commencèrent par faire un peu de gymnastique
en tapant du pied sur le plancher.
Là, au fond de la grange, un gros tas de chanvre les attendait. Chacun sortit de son sac sa brita, peigne fameux des pignards. Le Sosthène au Braize qui faisait l'euriblio (le dégrossisseur), prit son euriblia brita, peigne à grosse dents, puis commença à le passer sur le chanvre dont les fibres se brisaient quand il le dépouillait de son écorce. Il passait ensuite ce chanvre au Louis à la Gache, le mari (apprenti) qui était en possession d'un peigne plus fin et faisait de la filasse une étoupe moins rugueuse. Enfin, avec sa gorda brita, peigne aux dents douces et serrées, le père Jacquet, le touéro, achevait de faire l'étoupe, une étoupe fine et soyeuse, prête à être filée. Le travail allait bon train. Les trois pignards s'entendaient admirablement bien. Tout à leur tâche, ils ne causaient pas; par moment seulement l'un d'eux faisait entendre une mélopée traînante et mélancolique qui leur rappelait leurs lointaines montagnes du Haut-Jura. A sept heures, ils quittaient leur travail pour déjeuner et absorber une assiette de gaudes, puis ils se remettaient à travailler sans arrêt jusqu'à midi. A midi une bonne soupe au lard et aux légumes les attendait, puis, à une heure, c'était de nouveau le travail jusqu'à sept heures. Ils le reprenaient, après le souper, de huit jusqu'à dix heures. |
I |
III |
Peigneurs,
hors du lit |
Fardieux,
à l'affoua du piô ! |
Debout
! (littéralement sur pieds) |
Su
l's arpios ! |
Pressez-vous
! |
Leuta-vos |
L'euriblio,
le mari, |
L'euriblio,
lo mari, |
Au
peigne, enfants ! |
A
la brita, cubis ! |
L'euriblio,
le mari, |
L'euriblio,
lo mari, |
Sans
faire la moue, sans grimacer ! |
San
meurgny, san rénéfly. |
II |
IV |
Tôt
se lever, tard se coucher |
Tôt
s'dépeilly, tard sé peilly |
Voilà
comment |
V'tia,
comment |
Mes
enfants, |
Mans
cubis |
Se
ramassent les gros sous, |
Se
râmont zacquerets |
Les
écus, les pièces blanches, |
Riolettes,
peillans ! |
Pour
retourner au village |
Pé
r'teff'à la matoué |
La
bourse bien garnie, |
La
fotieusa boin-na |
Pour
retourner au village |
Pé
r'teff'à la matoué |
Et
retaper notre maison ! |
Et
r'tapa neustron coué ! |