Mandrin : 1754, une année de feu
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extrait du "Progrès" Pour tromper la vigilance des armées de "gapians" qui l'attendaient sur le Rhône, Mandrin, par quatre fois est passé en Suisse par le Jura.
Ce sont très certainement les principes appliqués par la Ferme Générale (recouvrement des impôts indirects) qui fournissent les ferments sur lesquels ont mûrit les idées révolutionnaires. En 1724, lorsque Louis Mandrin naît à Saint-Etienne-deSaint-Geoirs (près de Romans) la gabelle et ses dérivés accablant pour le peuple, catalysent les haines populaires. Pourtant, c'est dans l'armée que le jeune homme, aîné de neuf enfants dont le père est décédé, va tenter sa première expérience professionnelle. Il fait du convoyage à travers les Alpes, mais y perd la majorité de ses 97 mulets. Évidemment, l'administration refuse de payer ce service tronqué. C'est juste après, en 1753, que la vie de Mandrin bascule. D'abord, il est compromis dans une rixe et se trouve condamné à être "roué vif". Ensuite, l'un de ses frères est pendu, pour fait de faux monnayage. Il s'enrôle alors dans une bande de hors la loi dont il devient rapidement le chef. En une seule année, 1754, il va organiser, militairement et stratégiquement, six campagnes qui vont faire de lui un héros populaire. Avec une bande qui comprendra jusqu'à trois cent hommes, très bien structurée avec solde, grade, discipline, il va écumer le Dauphiné bien sûr, mais aussi la Bourgogne, l'Auvergne, le Forez, le Velay, le Rouergue et la Franche-Comté. A l'époque, la Savoie ne fait pas encore partie du Royaume de France. La "méthode" consiste donc à surgir d'un point quelconque de cette frontière, puis à partir de celle qui sépare la Franche-Comté et la Suisse, d'effectuer une large boucle à l'intérieur du Royaume honni et d'en ressortir au plus vite par un point tout aussi imprévisible. Quatre raids éclairs
Le Jura va voir passer quatre fois les "Mandrins". Ils vont entrer brusquement en France par Mouthe au début de la troisième campagne (juillet août). A la fin de la quatrième (fin août début septembre) c'est par la Cluse de Joux qu'ils quitteront le pays. Ils feront de même pour la cinquième (octobre) par Saint Amour, Orgelet, Chaux du Dombief et la Faucille. Enfin, entre le 15 et le 26 décembre, ils reviendront par les Rousses, puis par un large détour à l'est du département, s'abattront sur Arbois, Mont sous Vaudrey, puis Seurre. Vers la fin juillet, lors du troisième raid donc, les Mandrins déboulèrent par Mouthe, ouvrant ainsi un "nouveau front" fort éloigné des bases dauphinoises. Le 28, ils accrochaient les douaniers de Chaux Neuve, tuant plusieurs "gapians" dont Gilbert Piroutet, de Fort du Plasne. Il semble qu'ils aient suivis un instant les crêtes du Mont Noir avant de tomber sur la vallée de la Saine. Leur passage "sur les Gits" à l'orient de Foncine le Haut, a laissé quelques traces. On montrait encore, au début des années 1900, la tasse en bois, pieusement préservée, dans laquelle le Mandrin lui-même aurait trempé ses lèvres. En tout cas, le lendemain, ils occupent un des symboles local de la gabelle, le Magasin (à sel) de Censeau. Ils séquestrent les "gabelous" indigènes et bien entendu, pillent tous ce qui leur tombe sous la main. Dégâts collatéraux Les Mandrins sont probablement passés par Champagnole, le 30 ou 31 juillet, lors de ce troisième raid. Mais ils l'ont fait à la vitesse contemporaine de l'éclair (45 km/jour) puisque le 8 août, ils se trouvent déjà à Saint-Chamond. Dans leur sillage, on dépêcha en catastrophe un certain nombre de régiments légers, empruntés en hâte à d'autres théâtres d'opérations. Champagnole reçut ainsi la "protection" d'un détachement du Régiment de la Marche et d'autres soldats sont placés, en attente, à Pont du Navoy et à Pont de Poitte. Des incidents éclatèrent, qui conduisirent à l'arrestation de quelques soldats. Ils furent jetés en prison dans la tour de la Londaine (emplacement de l'école Jeanne d'Arc). Leurs camarades prirent d'assaut l'édifice et le démolirent en partie pendant la nuit. Mandrin n'a commis aucune nuisance à Champagnole. Mais les dégâts "collatéraux" ont détruit une bonne partie de la vieille enceinte médiévale.
Des noms d'emprunt Les membres de la Bande à Mandrin sont en majorité, Savoyards ou Dauphinois. Joseph Marion est originaire d'Orcières. Mais il avait un oncle épicier à Lons le Saunier qui s'appelait Giraud. C'est ce pseudonyme qu'il adopta pour ses activités "illégales". Plusieurs familles Champagnolaises possèdent un ancêtre commun qui est précisément un Giraud d'Orcières. Il est bien entendu difficile d'affirmer que le patronyme d'emprunt s'est peu à peu officialisé. On peut supposer toutefois qu'en éprouvant le besoin de changer d'identité, l'auteur ne fixa pas son choix sur un nom courant dans sa région d'origine. Claude Roi était emprisonné à Orgelet lorsque les Mandrins le libérèrent. Il est le seul jurassien connu à avoir participé à l'épopée.
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