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Les chemins du sel

voir également : le sel comtois

Il y a 6 ou 7 siècles, on pouvait dire en Franche-Comté : "Tous les chemins mènent à Salins".

Salins ! synonyme de sel, indispensable pour l'alimentation des hommes comme des animaux, et pour la conservation des fromages et des viandes. Le souverain de la Comté, qu'il soit bourguignon, français, allemand ou espagnol, en a le monopole. Il le vend aux 3 "limites" de la Comté : l'Aval, le Revermont et l'Amont, ainsi qu'aux voisins bourguignons et suisses. Il en tire d'énormes revenus. Il faut donc toute une infrastructure : des routes pour amener le bois et emmener le sel, des entrepôts, des relais, des ponts et également des contrôleurs, car le prix du sel varie énormément selon le pays de destination et la quantité livrée dans les "limites" est calculée au plus juste.

Dans notre région (limite d'Amont) existent une route principale conduisant en Suisse par le col de Jougne et une route dérivée conduisant au Grandvaux et à Morbier par Champagnole. C'est, hormis les gorges de la Lemme, à peu près la RN 5 actuelle.

Bien entendu des chemins moins importants partent de ces routes pour desservir les communautés dont les besoins sont calculés minutieusement après recensement de la population.

Le sel est rendu moulé en "salignon de 4 livres et 3 onces et demi environ" soit à peu près 2 kgs. Chaque salignon reçoit une marque particulière selon sa destination car le prix change. Douze salignons sont logés dans une "bénaste", grand panier fait de baguettes tressées, comme on en voyait encore dans les fermes il y a 50 ans. Quatre bénastes faisaient une charge, soit 100 kgs. La charge était l'unité de vente en gros.

Un char portait entre 3 et 6 charges, selon le chemin. Il était tiré par un ou deux chevaux.

Il y avait des exceptions : Hammerer cite en 1428, un char portant 20 charges, tiré par 7 chevaux. En 1501, un "convoi composé de 6 chariots fournis et attelés chacun de 8 chevaux", mais c'est en plaine. Dans le Jura, Hammerer cite 3 chars portant au total 26 charges. 2 sont tirés par 5 chevaux, le troisième par 6. Le procureur a estimé qu'il y avait surcharge et a sévi.

Les chemins desservants les communautés n'étaient évidemment utilisés par de tels convois. Parfois même il n'y avait que des sentiers. C'est le cas, le 19 décembre 1466, de "Claude MAILLOT du Grandvaux et Claude LONGAGNEUR de Fort du Plasne" qui "pour traverser la montagne entre Bourgogne et Savoye" doivent "charger le sel sur bestes et mulets car il n'y a point de grands chemins hors que les sentiers où chars ne peuvent aller". Ils demandent et obtiennent une compensation pour les sels qu'ils ont perdu dans cette opération.

Certains de ces chemins doivent être de vrais coupe-gorge. En 1506, un charretier affirme que "le village de Mourbier ne compte que deux maisons, la plupart du temps inhabitables et que depuis le Grandvaux jusqu'à Saint-Cergues on ne trouve que des bois". Et en 1500, un voyageur écrit, selon Maurice Genoudet "oncques ne vit vallon sauvage autant que le lieu-dit La Combe Noire. C'est désert de sapins géants dont seul torrent jaillisant hante la solitude".

Il y avait un grenier à sel à Morbier, mais les régions de Nozeroy et des Planches étaient servies par Censeau.

La guerre de 10 ans (1636-1646) et la grande peste de 1639 ont dévasté la Comté et laissent les routes dans un état lamentable.

Il faudra plusieurs décennies pour les remettre en état.


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