100 ans de Morillon
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Il y a cent ans, c’était l’automne 1907, et Joseph Vionnet arrivait à Morillon. C’était un homme des bois. Né au Nondance en 1857, orphelin de père en 1862, et de mère en 1866. il avait vécu avec son grand-père, le Gros Pierre, mort en 1884 puis après le Nondance, il avait emmené sa famille successivement en Bas des Prés Hauts (1881-1890), à la Combe de Morbier (1890-1891), en haut des Prés hauts (1891-1893), sur les grandes côtes à Foncine le haut (1893-1896), à nouveau aux Prés Hauts (1896-1898), à la Thieulette en 1899, au Maréchet (1899-1906), et enfin à nouveau la Thieulette (1906-1907). Et à la Saint-Martin 1907, il arrivait à Morillon. Peut-être se rapproche-t-il de sa sœur Lucie et de ses nièces mariées à Léon Melet et Louise Frey. Mais, fier de venir d’en-haut, il reste un ratrait. Il demande l’affouage. le maire d’Entre deux Monts le lui refuse. Il doit alors intenter un procès à la Chaux des Crotenay pour l’obtenir. Il demande à son propriétaire et à la mairie de lui faire amener l’eau. Il finit par obtenir satisfaction. Mais il devra confectionner lui-mêmele bassin. C’est Julien qui le creusera dans un tronc de sapin. On fauche à la faux, on bat au fléau, on porte le lait au vieux chalet du Quartier. Ce n’est qu’en 1908 qu’on le portera au chalet neuf du village. Il n’y a bien sûr pas d’électricité. Elle n’arrivera qu’en 1921. Il est vrai que Chapelle des bois ne l’aura qu’après 1945. Veut-il une aide pour son dernier fils, infirme. Entre deux monts la lui refuse puisqu’il reçoit son affouage de la Chaux des Crotenay. En vertu d’un usage "immémorial", l’aide aux familles comme l’affouage est calqué sur les limites de l’ancienne seigneurie. Il refuse d’envoyer ses enfants à l'école d’Entre deux Monts car elle est "géminée". Le directeur de l’école de garçons de Chaux des Crotenay ne veut pas faire de concurrence à son collègue d’Entre Deux monts et les refuse à son tour. Alors Henry, Pierre et Marcel retourneront à l’école du Lac des Rouges Truites. La directrice de l’école des filles acceptera Marguerite et Jeanne. En 1910 surviennent les célèbres inondations. Puis c’est la tuberculose qui frappe le cheptel. Toutes les vaches doivent être abattues. Il parvient cependant à en cacher une qui servira à l’alimentation des enfants. C’est, disait-on, grâce au lait de cette bête que la tuberculose ne touchera pas sa descendance. La guerre éclate. Julien qui a fait son service militaire de 1907 à 1909 est rappelé le 3 août 1914, Alcide qui a été appelé en 1913 est maintenu, Henri est appelé en 1915, Pierre en 1917. Marcel ne partira qu’après le retour de ses frères en 1919. César, heureusement inapte au service militaire dirige la culture, Cécile reste la seule femme en état de mener la maison. En 1886, selon son contrat de mariage dont un témoin était François LISSAC négociant à Morez oncle de son épouse, Joseph possédait 2 chevaux, 9 mères vaches, 11 génisses, 3 veaux, et quelques propriétés hypothéquées. A son décès en 1921, l’inventaire lui donne 4 chevaux, 1 taureau, 32 vaches, 13 génisses, et 15 veaux. Il est évidemment le plus gros cultivateur de la commune. C’est à Morillon que ses enfants se marient : Alice en 1912, Cécile en 1920, Julien en 1921, Alcide en 1922, Marguerite en 1923, Henry en 1925, Pierre Jeanne et Marcel en 1926, César en 1928. C’est aussi à Morillon que surviennent les deuils : Joseph meurt en 1921, le mari d’Alice en 1924, celui de Cécile en 1926, Céleste la maman, en 1925; Il faut hospitaliser Charles, le plus jeune, qui est infirme. Il ira à Lyon puis à Dole où il mourra en 1933. César se marie en 1928. Il laisse Morillon à son frère Henri qui a déjà repris successivement les fermes de ses sœurs devenues veuves : celle d’Alice en1926, puis celle de Cécile en 1928. En 1954 il achète le domaine de Morillon qui depuis est resté dans sa famille. Ce centenaire méritait bien d’être célébré. Claude a organisé une réunion où se sont retrouvés le 2 septembre 2007, autour de la ferme, outre les descendants d’Henry, quelques autres descendants du Jousé à Gros Pierre, dont 22 des 29 de ses petits enfants encore en vie. On se souvient que la première génération comptait 11 enfants; la seconde 37, la troisième près de 120. Au-delà on ne compte plus. Morillon était en 1907 propriété de Marie Guerillot épouse d’Henri Robert, descendante des derniers seigneurs de la Chaux des Crotenay. A l’origine c’était le Cernois. Certaines cartes anciennes mentionnaient Cernoir. Ce sont les fils de Joseph Vionnet qui lui ont attribué le nom de Morillon, plus joli, et alors réservé à un hameau voisin où leur sœur Alice vivait depuis 1912. Les Robert se réservaient deux chambres à l’étage. Les chambres mansardées étaient occupées par la famille d’Alphonse Grappe et Madeleine Jeunet. Ce domaine devait à son origine seigneuriale un statut particulier de date immémoriale. Ce qui a créé de sérieuses difficultés. Claude a relevé à la mairie de Chaux des Crotenay quelques décisions concernant le problème de l’affouage qui méritent d’être connues. Voici un extrait de ses découvertes : Après avoir demandé l’affouage à la commune d’Entre deux monts qui le lui refuse Joseph se retourne vers la Chaux des Crotenay qui refuse aussi. : Le sieur VIONNET Marius Antoine Joseph est locataire de trois fermes dans trois localités différentes où sa famille est dispersée. Après vérification des registres de la commune d’Entre deux monts aucune déclaration de domicile n’a été faite dans la dite localité par le sus-désigné Vionnet qui n’a d’ailleurs jamais demandé son inscription au rôle d’affouage de Chaux des Crotenay avant la confection de ce rôle. Le rôle de l’affouage exercice 1908 a été publié dans la commune le 9 août 1908 par voie d’affiches apposées aux lieux accoutumés et au son du tambour. Un délai de 20 jours, jusqu’au 30 août inclus a été donné à tout habitant ou ayant droit pour réclamer son inscription au rôle d’affouage en cas d’oubli ou d’omission. Aucune réclamation n’a été présentée par le sieur Vionnet dans le délai fixé. Une demande tardive a été seulement faite par lui en novembre 1908, mais au moment de la confection du rôle d’affouage un lot ayant été attribué au fermier Grappe Alphonse du Cernois. Le conseil municipal de Chaux des Crotenay refuse formellement, vu ce qui précède, de donner encore un affouage au sieur Vionnet Marius Antoine Joseph. La préfecture répond que cette affaire sera appelée à l’audience publique du conseil de préfecture le mercredi 16 juin à 2 heures et demi du soir … La décision est notifiée le 23 juin 1909. La Chaux des Crotenay est condamnée à délivrer au sieur Vionnet du Cernois, commune d’Entre deux monts , son affouage pour 1908 ou à lui payer la valeur du dit bois . Il est dit " les habitants du Cernois ont toujours conservé dans la commune de Chaux des Crotenay leur droit à l’affouage ". |