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Les "Souvenirs d’un ex-commandant des grenadiers de la Vieille Garde" portent sur la période de 1812 à 1815.
En 1815 le général Vionnet est au sommet de sa réussite. Napoléon qu’il a cessé de soutenir après la retraite de Russie, a laissé sa place au roi Louis XVIII. Vionnet est fait général. Il est bardé de décorations, et il vient d’épouser une demoiselle, jeune et fortunée. Certes elle n’est pas noble mais il lui attribue lui-même la particule qui lui manque.
Voici cependant quelques renseignements qui pourront remplir ce vide. Le 2 avril 1814, le sénat prononce la déchéance
de Napoléon Bonaparte et proclame roi, Louis Stanislas Xavier
de France. Le 24 avril Louis XVIII débarque à
Calais. Les colonels lui sont présentés, le roi les "fait
tous maréchaux". Alors, le 8 juillet 1814, il demande à son ministre "un congé d’un mois pour Paris et les environs pour mettre ses affaires en règle à la suite du décès de sa femme et de sa mère et du pillage de ses meubles et effets", et il s’en va chez son vieil ami Jean-Baptiste HERMAN à Neuilly. Il y reste – c’est lui qui l’écrit - jusqu’au 9 février 1815, jour où il épouse mademoiselle de Beuzelin, et il vient habiter dans la maison de sa jeune épouse aux Ternes. Il ne dit pas s’il a eu le temps de régler les affaires qui avaient justifié sa demande de congé; mais son brevet de maréchal de camp lui est remis. Le 20 mars 1815, Napoléon revient de l’Ile d’Elbe, pour cent jours, et repart en guerre. Le colonel éprouve une peine très réelle de voir ses camarades partir pour une campagne à laquelle il ne participe pas. Il reste cependant tranquille auprès de sa femme. Puis c’est Waterloo, Napoléon repart, cette fois définitivement pour Sainte Hélène. C'est le retour de Louis XVIII. Le colonel Vionnet est convoqué à Paris où il reçoit le commandement d’un quartier. Il y reste le temps de se faire maltraiter à coups de coup de crosse de fusil, on lui arrache sa cocarde blanche, sa croix de Saint-Louis et tout ce qui a le moindre rapport à la royauté et il est conduit à L’Etat-Major de la place, suivi de la populace des faubourgs qui crie de le fusilier ou de l’accrocher à la lanterne.
Par bonheur sa femme le reconnaît et obtient du général commandant Paris, qu’il soit libéré. Il faut dire qu’il avait organisé
de sa propre initiative, un défilé de royalistes criant
"vive les Bourbons, vive Louis XVIII".
Comme partout en France, il y a à Lyon des ultras, des royalistes plus modérés et des libéraux. Depuis 1815, les ultras, dont Vionnet fait partie, font la chasse aux bonapartistes. Son chef, le lieutenant général Canuel aussi. La guillotine fonctionne (24 condamnations à mort). En 1816 des élections amènent au pouvoir les modérés. Le lieutenant de police de Lyon est remplacé par Cherrier de Sainneville et c’est aussitôt la guerre entre police militaire de Canuel et police civile. Selon le nouveau lieutenant de police, les généraux voient partout des conspirations dont ils exagèrent la gravité, ils en fomentent même. Toutes les occasions sont bonnes pour obtenir des récompenses, proportionnelles aux services qu'ils prétendent avoir rendus. Sainneville les accuse d’entretenir une agitation factice et d’utiliser des agents provocateurs pour se faire ensuite honneur de la répression. ll parle de "conspiration de canailles", Canuel est traité de "misérable coquin". Les généraux se défendent comme le font les militaires, en attaquant à leur tour. Le gouvernement, modéré depuis 1816, envoie le maréchal Marmont duc de Raguse avec mission de "mettre d’accord les fonctionnaires et de rétablir le calme". Le résultat ne se fait pas attendre : six officiers de l’état-major de Canuel, dont Maringoné, sont renvoyés pour avoir participé à des "intrigues criminelles". Raguse demande la mise en jugement de Canuel. Pour finir, celui-ci sera simplement nommé inspecteur général d’infanterie et sera remplacé par Lezay de Marnézia d’une famille bien connue à Fort du Plasne. Maringoné, quant à lui, sera mis en non-activité, et emportera avec lui le surnom de "bourreau de Lyon".
Après trois ans, le 1er avril 1820, Vionnet est enfin rappelé à l’activité grâce à son ancien chef, qui est un ami et protecteur puissant. Il est nommé commandant de département des Hautes Alpes. Il a été préféré aux généraux Pelleport et d’Aubignac, avec cet avis : "n’a pas servi pendant l’usurpation. Connu très avantageusement par le général Maison qui l’a recommandé". Le général comte Maison, qui est alors gouverneur militaire de Paris a, comme lui choisi de soutenir Louis XVIII en 1814. Il était aussi témoin au mariage de Vionnet à Neuilly. Le 6 juillet 1821, il est muté au département
de la Drome. Il se rapproche ainsi de Lyon. A cette période, il intrigue auprès du ministre et de ses protecteurs. Le titre de baron est galvaudé, il voudrait être vicomte et aimerait également, qu’on le débarrasse de ce nom de Vionnet, qui rappelle trop ses origines paysannes. Il demande que le parchemin qui consacrera son nouveau titre ne le fasse pas apparaître. Louis XVIII lui donnera à moité satisfaction, puisqu' il sera vicomte le 17 août 1822, mais restera Vionnet. En 1823, Louis XVIII doit venir en aide à son cousin, Ferdinand VII, que Napoléon a rétabli sur le trône d’Espagne en 1813, et qui vient de rétablir l’absolutisme. Les libéraux se déchaînent. La Sainte Alliance (Russie, Autriche et France) a donné mission au roi de France d’envahir l’Espagne et de briser la rébellion. Le 13 février 1823, le général Vionnet est désigné pour commander une brigade du 4ème corps de l’Armée des Pyrénées (en Espagne). Le 3 octobre 1823 il est nommé lieutenant général et prend le commandement de l’armée de Catalogne. Il s’empare de Puycerda, il entre sans coup férir à Figueras, il se distingue encore dans les affaires de Lhaïo et de Lhieri, ce qui lui vaut d’être cité dans un ordre du jour avec la mention "a eu la part principale de ce qui s’est fait en ces circonstances". Mission accomplie, le vicomte de Maringoné est fait grand croix de l’ordre de Saint Ferdinand d’Espagne et rentre en France. Lui qui s’était engagé en 1792 dans l’armée de la République a terminé sa carrière à la tête des "cent mille fils de Saint Louis" venus secourir un despote. Il est mis en disponibilité le 22 septembre
1824, et admis à la retraite en 1831. Un dernier mot pour finir : il y a plus de dix
ans, la question avait été posée de savoir s’il
y avait parenté entre le général Vionnet et une
dame Jordan, épouse Vionnet, dont le nom se lit sur un mur de
l’hôpital de l’Antiquaille à Lyon. On m'avait
répondu par l’affirmative. C'était une erreur, il
est désormais vérifié que Catherine Jordan (1758-1821)
était mariée à Dominique Vionnet, recteur de l'hôtel
Dieu, né le 3 mars 1745, et décédé le 24
janvier 1794 à Lyon. |