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Général Vionnet
XI
Après 1814

 La vie sur l'ile d'Elbe tournée en dérision par les caricateurs de l'époque.

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Les "Souvenirs d’un ex-commandant des grenadiers de la Vieille Garde" portent sur la période de 1812 à 1815.

Caricature montrant le désespoir du "Gros Louis" à la nouvelle du débarquement de l'ile d'Elbe.

En 1815 le général Vionnet est au sommet de sa réussite. Napoléon qu’il a cessé de soutenir après la retraite de Russie, a laissé sa place au roi Louis XVIII. Vionnet est fait général. Il est bardé de décorations, et il vient d’épouser une demoiselle, jeune et fortunée. Certes elle n’est pas noble mais il lui attribue lui-même la particule qui lui manque.


Il a encore quinze années de carrière militaire devant lui. Cependant, il ne retrouve pas dans l’armée de la Restauration, l’état d’esprit de la Garde Impériale. La noblesse d’Empire, passe après la vraie. Ses fonctions l’amènent à combattre ses anciens amis. Et puis il est, dirait-on aujourd’hui, en contrat temporaire. On comprend que les cahiers où figuraient ses mémoires de cette dernière période, n’aient pas été beaucoup recherchés.

Voici cependant quelques renseignements qui pourront remplir ce vide.

Le 2 avril 1814, le sénat prononce la déchéance de Napoléon Bonaparte et proclame roi, Louis Stanislas Xavier de France.
Le colonel major Louis Joseph VIONNET, baron de Maringoné, commande alors le 2ème régiment de grenadiers à pieds ("Vieille Garde"). Il sort aussitôt les boutons à fleur de lys qu’il avait achetés en 1792 lorsqu’il s’était engagé dans la Garde Royale, et fait distribuer à ses hommes les fleurs de lys qu’il a fait fabriquer rapidement à l’emporte pièce.

Le 24 avril Louis XVIII débarque à Calais. Les colonels lui sont présentés, le roi les "fait tous maréchaux".
Vionnet attend son brevet qui ne vient pas. La Garde Impériale est dissoute et il est versé dans un autre régiment en tant que "colonel surnuméraire". Il se trouve de ce fait sans emploi, ce qui l'attriste beaucoup.

Alors, le 8 juillet 1814, il demande à son ministre "un congé d’un mois pour Paris et les environs pour mettre ses affaires en règle à la suite du décès de sa femme et de sa mère et du pillage de ses meubles et effets", et il s’en va chez son vieil ami Jean-Baptiste HERMAN à Neuilly.

Il y reste – c’est lui qui l’écrit - jusqu’au 9 février 1815, jour où il épouse mademoiselle de Beuzelin, et il vient habiter dans la maison de sa jeune épouse aux Ternes. Il ne dit pas s’il a eu le temps de régler les affaires qui avaient justifié sa demande de congé; mais son brevet de maréchal de camp lui est remis.

le retour de l'ile d'Elbe

Le 20 mars 1815, Napoléon revient de l’Ile d’Elbe, pour cent jours, et repart en guerre. Le colonel éprouve une peine très réelle de voir ses camarades partir pour une campagne à laquelle il ne participe pas. Il reste cependant tranquille auprès de sa femme.

Puis c’est Waterloo, Napoléon repart, cette fois définitivement pour Sainte Hélène.

C'est le retour de Louis XVIII. Le colonel Vionnet est convoqué à Paris où il reçoit le commandement d’un quartier. Il y reste le temps de se faire maltraiter à coups de coup de crosse de fusil, on lui arrache sa cocarde blanche, sa croix de Saint-Louis et tout ce qui a le moindre rapport à la royauté et il est conduit à L’Etat-Major de la place, suivi de la populace des faubourgs qui crie de le fusilier ou de l’accrocher à la lanterne.

Par bonheur sa femme le reconnaît et obtient du général commandant Paris, qu’il soit libéré.

Il faut dire qu’il avait organisé de sa propre initiative, un défilé de royalistes criant "vive les Bourbons, vive Louis XVIII".
Ce séjour à Paris, lui permet, le 8 juillet, de faire sa cour à Sa Majesté à St-Oin (sic). Il y est conduit dans la voiture de l’amiral Sir Sidney Schemid. Il fait partie des généraux qui escortent le roi à cheval depuis Saint-Denis jusqu’aux Tuileries. Après quoi il rentre chez lui à Neuilly.


Le 24 novembre, il est récompensé. Il est nommé commandant militaire du département du Rhône où il remplace le général Jacquemin, très répandu dans la société, qui lui laisse deux cents hommes sans armes et presque nus.

Comme partout en France, il y a à Lyon des ultras, des royalistes plus modérés et des libéraux.

Depuis 1815, les ultras, dont Vionnet fait partie, font la chasse aux bonapartistes. Son chef, le lieutenant général Canuel aussi. La guillotine fonctionne (24 condamnations à mort). En 1816 des élections amènent au pouvoir les modérés. Le lieutenant de police de Lyon est remplacé par Cherrier de Sainneville et c’est aussitôt la guerre entre police militaire de Canuel et police civile. Selon le nouveau lieutenant de police, les généraux voient partout des conspirations dont ils exagèrent la gravité, ils en fomentent même. Toutes les occasions sont bonnes pour obtenir des récompenses, proportionnelles aux services qu'ils prétendent avoir rendus. Sainneville les accuse d’entretenir une agitation factice et d’utiliser des agents provocateurs pour se faire ensuite honneur de la répression. ll parle de "conspiration de canailles", Canuel est traité de "misérable coquin". Les généraux se défendent comme le font les militaires, en attaquant à leur tour.

Le gouvernement, modéré depuis 1816, envoie le maréchal Marmont duc de Raguse avec mission de "mettre d’accord les fonctionnaires et de rétablir le calme". Le résultat ne se fait pas attendre : six officiers de l’état-major de Canuel, dont Maringoné, sont renvoyés pour avoir participé à des "intrigues criminelles". Raguse demande la mise en jugement de Canuel. Pour finir, celui-ci sera simplement nommé inspecteur général d’infanterie et sera remplacé par Lezay de Marnézia d’une famille bien connue à Fort du Plasne. Maringoné, quant à lui, sera mis en non-activité, et emportera avec lui le surnom de "bourreau de Lyon".

Auguste Viesse de Marmont, duc de Raguse, qui avait pris "la gloire à rebrousse poil et l'honneur à l'envers". Lieutenant à 19 ans, il s'attacha très tôt à la fortune de Bonaparte. Rallié aux Bourbons, il s'exilera volontairement en 1830 et mourra à Venise en 1852.

Après trois ans, le 1er avril 1820, Vionnet est enfin rappelé à l’activité grâce à son ancien chef, qui est un ami et protecteur puissant. Il est nommé commandant de département des Hautes Alpes. Il a été préféré aux généraux Pelleport et d’Aubignac, avec cet avis :

"n’a pas servi pendant l’usurpation. Connu très avantageusement par le général Maison qui l’a recommandé".

Le général comte Maison, qui est alors gouverneur militaire de Paris a, comme lui choisi de soutenir Louis XVIII en 1814. Il était aussi témoin au mariage de Vionnet à Neuilly.

Le 6 juillet 1821, il est muté au département de la Drome. Il se rapproche ainsi de Lyon.
A Digne, et même à Valence, Vionnet met à profit ses journées et ses longues soirées pour écrire ses mémoires, 12 cahiers au moins. Deux seulement seront sauvés de la destruction.

A cette période, il intrigue auprès du ministre et de ses protecteurs. Le titre de baron est galvaudé, il voudrait être vicomte et aimerait également, qu’on le débarrasse de ce nom de Vionnet, qui rappelle trop ses origines paysannes. Il demande que le parchemin qui consacrera son nouveau titre ne le fasse pas apparaître. Louis XVIII lui donnera à moité satisfaction, puisqu' il sera vicomte le 17 août 1822, mais restera Vionnet.

En 1823, Louis XVIII doit venir en aide à son cousin, Ferdinand VII, que Napoléon a rétabli sur le trône d’Espagne en 1813, et qui vient de rétablir l’absolutisme. Les libéraux se déchaînent. La Sainte Alliance (Russie, Autriche et France) a donné mission au roi de France d’envahir l’Espagne et de briser la rébellion.

Le 13 février 1823, le général Vionnet est désigné pour commander une brigade du 4ème corps de l’Armée des Pyrénées (en Espagne).

Le 3 octobre 1823 il est nommé lieutenant général et prend le commandement de l’armée de Catalogne. Il s’empare de Puycerda, il entre sans coup férir à Figueras, il se distingue encore dans les affaires de Lhaïo et de Lhieri, ce qui lui vaut d’être cité dans un ordre du jour avec la mention "a eu la part principale de ce qui s’est fait en ces circonstances".

Mission accomplie, le vicomte de Maringoné est fait grand croix de l’ordre de Saint Ferdinand d’Espagne et rentre en France. Lui qui s’était engagé en 1792 dans l’armée de la République a terminé sa carrière à la tête des "cent mille fils de Saint Louis" venus secourir un despote.

Il est mis en disponibilité le 22 septembre 1824, et admis à la retraite en 1831.
Il meurt le 29 octobre 1834, rue du Mont Thabor à Paris et il est inhumé au cimetière du Nord le 30 octobre 1834. La vicomtesse Barbe, sa femme, mourra le 12 août 1844. Elle avait remis à la mairie de Pontarlier, par l’intermédiaire de Séraphin Lanquetin, le sabre d’honneur, les décorations et les parchemins de noblesse de son mari.

Un dernier mot pour finir : il y a plus de dix ans, la question avait été posée de savoir s’il y avait parenté entre le général Vionnet et une dame Jordan, épouse Vionnet, dont le nom se lit sur un mur de l’hôpital de l’Antiquaille à Lyon. On m'avait répondu par l’affirmative. C'était une erreur, il est désormais vérifié que Catherine Jordan (1758-1821) était mariée à Dominique Vionnet, recteur de l'hôtel Dieu, né le 3 mars 1745, et décédé le 24 janvier 1794 à Lyon.
Il y a d’autres Vionnet à Lyon. Ils ne semblent pas être de la même branche que ceux du Haut-Doubs, bien que venant de Vaulruz en Gruyère.


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